L’Algérie: en route vers l’éclatement et le chaos

Par: Dr. Mohamed Chtatou

L’Algérie passe par des moments difficiles, très difficiles. Le président est toujours dans une chaise roulante et incapable de parler et aussi d’agir normalement, mais, paradoxalement, l’armée veut lui faire briguer un cinquième mandat pour préserver ses acquis surtout dans une période de vaches maigres. En effet, le prix du baril du pétrole ne fait que dégringoler et avec lui les rentrés de devises qui font rouler et la nomenclature régnante et l’état providence et ceci est, sans nul doute, l’ultime fin de la paix civile et le début de la grande inconnue.

L’Algérie n’as pas vécu les affres du soi-disant Printemps arabe parce que les Algériens avaient en mémoire la décennie noire de la guerre civile 1992-2000 et, par conséquence, ils ont intentionnellement zappé cette révolte pour préserver la paix civile et puis, de toute façon, le pétrole était à son prix le plus fort et l’argent de l’état providence coulait à flot ;  pourquoi, donc,  gâcher cette aubaine.

Fin de l’état providence

Aujourd’hui la donne a changé grandement, l’état providence est en passe de devenir graduellement un souvenir du passé. Demain tout coûtera le prix du marché mondial et le consommateur algérien, incapable de se procurer ce dont il a besoin, piquera une de ses colères et puis descendra dans la rue crier son désespoir et son ras-le-bol, qui, avec le temps, deviendra révolution et mettra en danger le règne des généraux et leur intérêts multiples.

Les années fastes de l’or noir 1965-2015 ont royalement gavé la société algérienne créant ainsi des générations d’assistés et du coup détruisant l’agriculture dont vivaient des millions d’habitants et qui faisait manger tout un peuple et plus. L’industrie de cette période était à l’image de l’ère  soviétique, beaucoup plus au service du prolétariat qu’au service d’une économie  compétitive.  Hors pétrole et gaz, l’Algérie n’a pas d’autres ressources qui puissent nourrir un peuple de 35 millions. Le pays est, certes, immense mais 70% du territoire est désertique et presque inutile.

L’état algérien, pour éviter la grogne populaire, est en train de dilapider le fonds souverain et dans deux années, au plus, il sera totalement asséché et bonjour le désordre. Les Amazighs de Kabylie n’ont jamais caché leur intention d’autonomie, pour ne pas dire indépendance.  Sûrement les Amazigh du Mzab, aussi, vont leur emboîter le pas ainsi que ceux d’autres régions et pourquoi pas les Touarègues du grand sud. Les prétentions indépendantistes des Amazighs va sûrement réveiller les Islamistes qui voudraient, d’un côté, régler, une fois pour toute, leur différent avec les militaires qui leur ont subtilisé, de force, leur victoire aux législatives en 1991, chose qui a conduit à la guerre civile et qui a fait plus de 200 000 victimes. Les Islamistes ont aussi une dent contre les Amazighs et cela pourra facilement donner naissance à une autre guerre civile.

Il va sans le dire que l’armée algérienne est puissante et surarmée mais sans la paix civile elle risque de se ranger du côté du peuple comme cela été le cas en Égypte lors du Printemps arabe, pour assurer sa pérennité.

Sur la scène internationale l’Algérie  et l’ombre d’elle même,  les pays dont elle achetait l’allégeance en Afrique l’ont abandonné parce que les dons qu’ils recevaient, en monnaie sonnante et trébuchante, ont disparus. Outre l’Afrique du Sud, le Nigeria, la Zimbabwe et quelques autres pays de l’ère soviétique, les amis d’antan de l’Algérie ont disparus. En Europe, l’Algérie est toujours en brouille avec la France, pour multiples raisons. Avec les États Unis l’Algérie entretient des relations commerciales pas plus.

Le scénario cauchemardesque

L’Algérie, suite aux contestations publiques intenses tombe, dans un premier lieu, dans le désordre puis le chaos puis la guerre civile qui entrainera un mouvement  de masse de réfugiés  vers la France, l’Espagne, le Maroc et la Tunisie. Des millions d’Algériens voudraient aller vivre sous d’autres cieux plus cléments.

Une guerre civile cette fois-ci pourrait mettre en jeux trois protagonistes, l’armée, les Islamistes et les Amazighs, qui ont chacun un agenda politique et culturel, totalement différent. L’Algérien moyen se trouvera pris entre trois feux. Pour les militaires, ils sont le pouvoir légitime de la guerre d’indépendance et ont le droit de faire usage de la force pour préserver les acquis révolutionnaires. Pour les Islamistes, l’Algérie a toujours était terre de l’Islam, le colonialisme l’a défigurée et a installé un pouvoir séculaire à sa solde et joue, de loin, la carte ethnique pour affaiblir l’Islam et les Musulmans de dar al-Isam et pour la faire basculer dans dar al-Harb, un agenda des « forces Croisées » vieux comme le temps, d’après eux. Last but not least, les Amazighs, premiers habitants connus de l’Afrique du Nord, qui ont été convertis à l’Islam par le glaive, d’après eux, suite à l’assassinat de leur reine al-Kahena qui, a résisté, pendant un demi siècle, à l’invasion arabe. Les Amazighs veulent reprendre leur destin en main et instaurer leur langue et culture en toute liberté sur leur terre ancestrale.

Maroc, ennemi de toujours

Les militaires en prise avec la grogne populaire, vont essayer de se trouver une échappatoire et il n’y a pas mieux que le Maroc, l’ennemi de toujours. Mais cette fois-ci cela peut tourner contre eux. Pour les Islamistes, la monarchie marocaine est un modèle idéal du califat islamique moderne : un Islam modéré et moderniste qui a épousé la wasatiyya (le juste milieu) et est gouverné par un calif « Commandeur des Croyants » amir al-mu’minin et dont le gouvernement est chapeauté par un parti Islamiste, entre autre le PJD, en toute harmonie. Pour les Amazighs, le Maroc est, aussi, un exemple à suivre dans sa gestion de l’amazighité à tous les niveaux.

Le Maroc a toujours été le souffre-douleur de l’Algérie officielle et l’ennemi à abattre. La création du Polisario en 1975 par Boumedienne et un artifice pour gêner, à long terme, le développement du Maroc et lui créer des embuches sur son parcours international. Mais le scenario de l’Algérie a tourné court parce que le conflit du Sahara a galvanisé les Marocains et les a unis autour de la monarchie, qui est un symbole de l’unité nationale. Toutefois, depuis l’Algérie a dépensé des milliards de dollars pour contrecarrer la récupération et l’intégration du Sahara au sein du Maroc, en vain.

Cette attitude  belliciste de l’Algérie a mis le bâton dans la roue du projet de l’intégration du Maghreb. On ne peut pas parler d’unité maghrébine, bien sur, alors qu’un pays membre refuse d’ouvrir ses frontières à la libre circulation des ressortissants de la région et libre commerce et investissements. En réalité l’Algérie refuse d’ouvrir ses frontières pour deux raisons majeures :

1- Des millions d’Algériens viendraient faire villégiature au Maroc au lieu de la Tunisie, l’Europe et la Turquie et ainsi déverseront des millions de dollars dans l’économie marocaine ; et

2- Les Algériens verront, de visu, comment un pays sans pétrole a pu décoller économiquement et offrir à ces citoyens une vie meilleure.

Si l’Algérie bascule dans le chaos, n’en plaise à Dieu, le Polisario, après la junte militaire au pouvoir seront les premiers victimes de cet état de choses, sachant que la majorité des Algériens voudraient profiter, en premier lieu, des milliards de dollars dépensés par le généraux pour maintenir cette organisation séparatiste comme épouvantail régional. Avec les premiers signes de révolte en Algérie, des milliers de refugiés de Tindouf prendrait la route de Smara et Laayoune, ou ils bénéficieront d’habitat en dur, aide financière, couverture médicale, emploi et dignité, en toute quiétude et sérénité dans un Maroc multiculturel qui reconnait pleinement la culture hassanie.

 In fine

Espérons de tout cœur que la déconfiture possible des militaires en Algérie n’entrainera pas une autre guerre civile pour le peuple algérien frère, qui a déjà beaucoup souffert pendant la colonisation et aussi indirectement depuis l’indépendance.

Espérons, aussi, que la mue algérienne se fera dans la sérénité et entrainera la naissance d’une deuxième république ouverte sur son peuple et les peuples de la région pour un potentiel décollage d’un Grand Maghreb, tant souhaité par le maghrébin moyen et les forces politiques vives de la région.

Post-scriptum

Pendant la rédaction de cet article, je me suis dit que mon scénario catastrophe était trop extrême, mais depuis je suis tombé sur des analyses beaucoup plus pessimistes entre autres celle du prestigieux et sérieux magazine anglais  The Spectator http://www.spectator.co.uk/2016/12/how-algeria-could-destroy-the-eu/  intitulée : « How Algeria could destroy the EU » dans laquelle il prévoit un sorte de  « big bang » qui aurait, pour conséquence, 10 millions de déplacés qui iront  chercher refuge en France. Ce flot humain, sans précédent causera un Frexit et la fin de l’Union européenne, d’après l’argumentation prospective et lucide du journaliste de ce magazine Stephen Pollard.

“Of course, this scenario is predicated on a series of ifs. But even if only one or two come about, and even if Bouteflika doesn’t die until after the April vote in France, the consequences will be barely less dramatic. An Algerian civil war and the ensuing refugee crisis would shake France to the core. Whether it is Fillon or Le Pen in the Elysée, the French president (and his or her EU counterparts) would have to grapple with a crisis that could prove to be the EU’s final tipping point.”

Ces arguments ont été repris, le plus sérieux du monde par le journal électronique algérien Le Matin d’Algérie dans un article intitulé : « La mort de Bouteflika plongerait l’Algérie dans le chaos ! » (http://www.lematindz.net/news/22520-la-mort-de-bouteflika-plongerait-lalgerie-dans-le-chaos.html)

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