Entretien avec un groupe de musique rap amazighe

De gauche vers la droite: Kadastrof, Môu Klane, Rbiḥ, Aymane

Par cet entretien avec les membres du groupe musical Imeẓwan, nous entendons mettre en valeur le travail de jeunes restés dans l’ombre et qui malgré leurs modestes moyens arrivent à donner des signes de vie d’une culture.

Par: Hassane Benamara

Note : Le mot imeẓwan est le pluriel de amẓa qui dérive du verbe ameẓ (tenir), il signifie ogres. Le mot amẓa ne connote pas toujours la violence, la sauvagerie et l’animosité. À Figuig, il peut se dire entre amis ou intimes par affection. Manech tellid ay amẓa ? Littéralement : Comment vas-tu ô ogre ? est une manière affective de demander des nouvelles d’un ami, chez les jeunes.

Môu Klane : « Nous constituons le groupe Imeẓwan mais Aymane chante avec le groupe de rap Amérocains (Américains et Marocains) »

Merci beaucoup pour vos tous d’avoir accepté de nous accorder cette interview. Et pour commencer, revenons à vos débuts.

Merci à vous également. Chacun de nous chantait seul dans son coin. En 2009, moi, Môu Rbiḥ, j’ai rencontré Môu Klane à Oujda, à l’époque j’y étudiais et lui il y travaillait. Il réalisait déjà des travaux sur son PC. Je lui ai dit que moi aussi je travaillais de la musique et des paroles et il m’a proposé de faire quelque chose ensemble. Quant à Kada, il connaissait déjà Môu Klane. Nous sommes rentrés à Figuig et nous avons constitué le groupe Imeẓwan. Aymen était très jeune et nous l’avons appelé vers nous.

Quand votre groupe a-t-il vu le jour ?

En 2010.

Il y a un léger écart entre vos noms officiels et vos noms d’artistes ?

Oui, nous sommes : Môu Klane (Mc Klan), Rbiḥ, A-H (Aymen Hamou) et Kadastrof.

Comment vous appelez votre style ?

Le rap !

Pourquoi le rap ?

Nous passons mieux des messages avec le rap ! Il est plus confortable pour passer un message et il est du goût du jour ! Il ne trouve pas de difficulté à passer entre les gens de différents horizons et de différents pays. Il est court, rapide et admis de tous. En plus de cela, il véhicule bien toutes sortes de messages.

Quels instruments jouez-vous ?

Moi, Môu Rbiḥ, dernièrement, j’ai commencé à jouer la guitare mais nous travaillons avec des logiciels de musique ou de la musique numérique.

Vous comptez combien de chansons à votre actif en tant que groupe ?

Cinq en groupe mais nous avons aussi des chansons pour chacun de nous à part.

Avez-vous enregistré votre travail dans un studio ?

Jusqu’à présent, non.

Pourquoi ne produisez-vous pas un album ?

Le problème est que nous ne sommes pas dans la même ville toute l’année. Nous sommes dispersés et éparpillés ça et là mais nous y pensons toujours ! (1)

Des contacts via Internet ne peuvent-ils pas arranger l’affaire ?

C’est très compliqué surtout que l’enregistrement nécessite beaucoup de temps…

Avez-vous l’idée ?

Nous l’avions et nous l’avons encore !

Votre thématique ?

La nostalgie, Figuig du bon vieux temps, les conflits entre frères (nous avons intitulé notre chanson Tiqorar). Nous travaillons sur Yemma une chanson consacrée à la mère ! Yallah it a lwachoun(allons-y les gars) parle de l’enfance à Figuig et de son charme.

Les paroles ?

Ce sont nos paroles ! Et chacun travaille dans son coin puis nous nous réunissons et nous sélectionnons !

Par exemple qui est l’auteur de Yallah it a lwachoun ?

C’est Môu Klane.

Tiqorar ?

C’est collectif !

Avez-vous des poésies ?

Oui ! Moi, Môu Rbiḥ, j’ai écrit 13 poèmes. Moi, Môu Klane, j’ai une dizaine. Moi, Aymane, je compte à peu près une dizaine. Moi, Kadastrof, j’écris beaucoup mais je ne sais pas au juste combien j’ai à présent car je n’ai jamais compté cela.

Pour le clip sur Youtube !

Ce sont des amis qui se trouvent en France qui s’en sont occupés ! Ce sont des jeunes émigrés en France qui chantent le rap comme nous.

Des projets en vue ?

Une chanson dite sebεa n ighermawen (sept ksour c’est à dire Figuig). Nous la chantons en tamazight, en arabe et en français. Nous y réunissons des rappeurs de tous les ksour et ceux se trouvant en France.

Toujours rap ?

Nous chantons du rap toujours. Nous travaillons Mamma Yezza en rap ! Nous introduisons aussi des instruments locaux comme le tambour (doun-doun) etc.

Plusieurs jeunes chez nous reculent devant la première difficulté ! Et vous, comment envisagez-vous de surmonter les difficultés ?

Avant de produire un album, nous nous battons d’abord pour nous faire connaître sur le Net puis après, nous pourrons sortir un album dans une édition ou un studio. (3)

Avez-vous participé à des festivités ou avez-vous été invités un jour à des manifestations culturelles?

Oui et non ! Nous allions être invité lors de la première édition du Festival du Théâtre à Figuig mais… Nous avons participé au Festival des Cultures des Oasis une fois à la dernière minute mais bon… De ce côté, il y a des promesses mais pas plus que des promesses. Zohra Brahim du monde associatif nous a invités une fois mais son projet est resté sans lendemain.

Vos projets individuels ?

  • Môu Rbiḥ «Yemma (chanson sur le quotidien, le passé et l’identité), une chanson en français etc.
  • Aymane: «Moi, quand je chante seul, je fais de l’ego trip, le sujet c’est surtout moi ! Je chante aussi en arabe et en anglais ! Moi, j’ai commencé en 2010 ! »
  • Kada: «Moi, cela fait longtemps que je chante ! Je chante seul à la maison. J’ai beaucoup de chansons ! Je chante Figuig, la jeunesse, la terre… »

Nous vous remercions beaucoup et nous vous souhaitons beaucoup de productions et de succès dans votre carrière !

Merci à vous aussi !

_____

(1) Le groupe a, depuis cet entretien, produit un album intitulé Yemma (ma mère).

(2) ego trip nom d’un magazine de hip-hop. Il est réputé très provocant. (Note du journal)

(3) Le groupe a malheureusement cessé de produire suite à la maladie qui ravage la santé d’un de leur membre depuis plusieurs années. Nous lui souhaitons un prompt rétablissement.

 

Lire Aussi...

Wahiba Ajouaou-El Ayadi: née en France, fille d’immigrés et exemple même de la femme rifaine

Comment vous définiriez-vous ? Qui est « Wahiba El Ayadi » : quelles sont vos origines ainsi que votre ...

2 Commentaires

  1. Bravo a l’équipe pour ce travail bien fait.

    Un grand remerciement à vous mon frère Hassan, pour cet effort, super ????????????????????????????????

  2. Toute mes encouragements a nos jeunes artistes et à Hassane aussi, pour tout ce que vous faites pour notre culture. serte que le chemin est long et peut être rude aussi mais ne lâcher rien et ne céder jamais
    Bonne continuation

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *