Sahel: AES, dérive hasardeuse

Abdoulah ATTAYOUB
Abdoulah ATTAYOUB*

La nouvelle «Alliance des Etats du Sahel» risque de créer plus d’incompréhensions qu’elle ne pourra résoudre les problèmes de la Sous-régions.

Le 16 septembre 2023 les trois Etats du Sahel central, Mali Burkina et Niger ont contracté une alliance dite Charte du Liptako-Gourma, dont l’objet est de mettre en place une «architecture de défense collective» pour se prémunir contre toute menace extérieure et…. Intérieure. Cette initiative pourrait se justifier dans un contexte géopolitique instable dont les acteurs et leurs alliances évoluent selon des agendas de plus en plus complexes. Néanmoins, d’aucuns pensent que cette initiative n’est en réalité qu’une diversion maladroite dont les risques pourraient s’avérer plus importants que la supposée dissuasion envers la CEDEAO, les GAT et …les «rebellions».

En effet, chacun des trois pays fait face à une situation intérieure qui impose une grande prudence et une attention particulière à la cohésion nationale et à l’unité autour de ses intérêts vitaux.

Le Burkina Faso est englué dans une situation qui prend de plus en plus des allures de guerre civile. Certaines communautés sont trop facilement ostracisées collectivement pour légitimer toute répression à leur encontre.

Au Mali, le conflit avec l’Azawad redémarre après plus de huit années de blocage et de refus de l’Etat d’honorer ses propres engagements pris devant la communauté internationale afin de mettre fin au conflit. La patience et l’inaction des Mouvements de l’Azawad ont été interprétées par les autorités maliennes comme une faiblesse qui conforte les va-t-en guerre de Bamako dans leurs gesticulations populistes. La junte au pouvoir, dans sa quête de légitimité et de surenchère nationaliste, s’est fourvoyée dans un discours irresponsable destiné à laisser croire à une fantasmée montée en puissance de l’armée, dont le seul objectif est, en réalité, de venir à bout du combat de l’Azawad pour la justice. L’obsession de Kidal est devenue l’argument facile pour mobiliser et exalter les foules sur fond de naïveté simplificatrice et de quelques relents racistes. Cette attitude défendue par les milieux extrémistes de l’Afrique de l’Ouest constitue une impasse géostratégique pour l’ensemble des pays de la bande sahélo saharienne ; jusqu’à certains « intellectuels » autoproclamés panafricanistes qui s’alignent sur cette position souvent fondée sur des considérations discriminatoires.

L’alliance signée entre les trois pays est perçue comme une initiative faisant partie de cette cabale mystificatrice orchestrée contre certaines communautés de ces trois pays. Hélas, les dirigeants oublient souvent que l’instrumentalisation du pouvoir étatique à des fins communautaristes constitue un forfait suicidaire pour ces pays.

Dans le cas du Niger, il serait sage de se tenir à l’écart du conflit qui oppose l’Etat central du Mali à l’Azawad.
Toute velléité d’intervention du Niger dans ce conflit serait un parti pris hasardeux qui susciterait des tensions inutiles au sein des communautés et pourrait ébranler la cohésion nationale. La réalité humaine de ces pays exige une grande vigilance dans la gestion des conflits et la récente réaction du Nord du Nigeria face aux menaces de la CEDEAO sur le Niger est venue rappeler cette réalité aux dirigeants qui seraient tentés de l’oublier.

La question de Kidal et de l’Azawad est trop sensible dans la sous-région pour être traitée avec légèreté. De son évolution dépendra la stabilité du Sahel central. Toute alliance perçue comme une menace contre Kidal ne peut que susciter l’inquiétude au sein des communautés visées au-delà des frontières aujourd’hui sacralisées par la communauté internationale.

L’Alliance des États du Sahel devrait se limiter à constituer une force de défense pour affronter les menaces extérieures et éviter de donner l’impression qu’elle vise à combattre des communautés nationales aux prises avec la mal gouvernance dans leurs pays respectifs. Le Niger gagnerait à lever toute équivoque et ambiguïté sur le sens et les limites de son engagement dans cette alliance.

Les pays du Sahel doivent prioritairement s’atteler à se construire sur de solides fondations avant de se précipiter dans des projets nébuleux dont la finalité semble extérieure aux objectifs annoncés. Ou alors se résoudre à reconnaître que l’architecture léguée par l’administration coloniale ne peut permettre l’épanouissement et le développement des peuples puis envisager d’autres formes d’organisation des territoires.

* Abdoulahi ATTAYOUB – Consultant

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