Éloge funèbre du grand résistant Si Driss Chtatou (1937–2025)

Dr. Mohamed Chtatou

Héros rifain de la guerre d’indépendance du Maroc

Aujourd’hui, le Rif pleure l’un de ses plus nobles enfants, et le Maroc tout entier s’incline devant la mémoire d’un homme dont la vie fut un hymne au courage, à la dignité et à l’amour de la patrie.
Driss Chtatou, du vaillant clan des Ihrrassen, s’est éteint, laissant derrière lui un héritage moral et patriotique d’une rare profondeur — un héritage forgé dans le feu de la lutte pour la liberté et consolidé dans le service loyal de la nation indépendante.

Né dans les montagnes de Gzennaya, au cœur du Rif indomptable, Driss Chtatou grandit dans une terre marquée par la résistance et le refus de la soumission. Très jeune, il comprit que l’honneur d’un homme se mesure à sa capacité à défendre sa terre, sa foi et son peuple. À 18 ans à peine, alors que d’autres cherchaient encore leur voie, il rejoignit les rangs de l’Armée de Résistance, mû par une conviction inébranlable : celle que le Maroc devait redevenir maître de son destin.

Feu Haj Driss Chtatou

Dans la pénombre des collines rifaines, Driss maniait les armes avec la même assurance qu’il diffusait la parole libératrice. Il portait dans son sac non seulement des balles, mais aussi des tracts — des mots d’espoir, des appels à la révolte, des messages destinés à éveiller la conscience des Rifains sous le joug du Protectorat français. Il croyait que la plume et le fusil étaient deux armes d’une même lutte : celle de la dignité nationale.

Le 2 octobre 1955 demeure une date inscrite dans la mémoire du Rif et du Maroc. Ce jour-là, Driss Chtatou faisait partie du groupe de résistants qui, au péril de leur vie, lancèrent l’assaut contre le fort français de Boured, symbole de la domination coloniale. Quelques semaines plus tard, il participa courageusement à l’attaque du fort de Bouzineb, dans ce que l’histoire retiendra comme le Triangle de la Mort, cette zone où la bravoure des hommes de Gzennaya défia la puissance militaire coloniale.
Ses compagnons de lutte reconnaissaient en lui une force intérieure rare, une flamme ardente qui galvanisait les cœurs. Dans les rangs de la Résistance, Driss n’était pas seulement un combattant, il était un symbole de jeunesse et de foi, un modèle de discipline et de loyauté.

Lorsque vint enfin l’heure de la liberté en 1956, Driss Chtatou ne chercha ni récompense ni reconnaissance. Il considérait que servir son pays n’était pas un mérite, mais un devoir sacré. C’est dans cet esprit qu’il fut intégré à la Police nationale à Rabat, où il continua à servir l’État marocain avec le même dévouement, la même droiture et la même rigueur morale.
Ses supérieurs virent en lui un homme d’une loyauté sans faille, capable d’accomplir les missions les plus délicates avec courage, discrétion et efficacité. Jusqu’à sa retraite, il incarna la figure du fonctionnaire intègre, attaché aux valeurs de justice, d’ordre et de fidélité au serment de servir la patrie.

Mais au-delà du soldat et du policier, Driss Chtatou fut un homme de principes. Il portait dans son cœur le souvenir des martyrs du Rif et la conviction que la liberté se défend chaque jour, par l’honneur et par l’exemple. Il demeura toute sa vie profondément attaché à sa terre natale, à ses traditions et à son clan des Ihrrassen, dont il était la fierté.

Aujourd’hui, en rendant hommage à cet homme d’exception, nous saluons bien plus qu’un parcours individuel : nous célébrons une génération d’hommes et de femmes qui ont cru au Maroc avant même qu’il soit libre.
Nous célébrons un esprit — celui de la résistance rifaine, fière, digne et indomptable.
Nous célébrons une vie — celle d’un homme qui, sans jamais rechercher les honneurs, a contribué à écrire une page glorieuse de notre histoire nationale.

Si Driss Chtatou s’en va, mais son nom demeurera à jamais lié à cette épopée de courage et de sacrifice. Il emporte avec lui la reconnaissance éternelle de la nation et de son peuple.
Que Dieu Tout-Puissant accueille son âme parmi les justes, aux côtés de ses compagnons d’armes tombés pour la liberté.

Repose en paix, Si Driss.
Le Maroc libre se souviendra toujours de toi.
Le Rif, ta terre, ne t’oubliera jamais.
Et tes descendants marcheront la tête haute, fiers d’être les héritiers d’un homme qui a vécu debout.

De gauche à droite feu Driss Chtatou et Mohamed Chtatou (je suis l’une des personnes qu’il a libéré du fort de Boured ou ma famille était emprisonné par les Français)

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