Hypocrisies sociales et politiques (Passé simple, Pain nu, much loved)

passe simple
Par: AZERGUI Mohamed

En 1954, Driss Chraïbi publia son roman culte «LE PASSSE SIMPLE» et ce à la veille de l’indépendance. Le roman fut bien accueilli partout dans le monde, mais décrié et maudit par la mafia intello du pays. Il relate les vices de la société citadine, aliénée à l’Orient. Elle se dissimule mal face à l’Occident.

L’enfant Driss, né dans les années vingts, vit dans une famille citadine semi-aisée, conservatrice et dévote. Il est envoyé d’abord à l’école coranique où assis avec d’autres gamins, il subit la férule du Fquih. Il découvre médusé la pédophilie du maître. Il fréquente ensuite l’école primaire et le lycée français. C’est un contexte moderne et différent sans bâtons. Là, il s’initie à une nouvelle langue et se nourrit d’une autre culture. Les contenus sont axés sur le réel, les faits, la nature, et sur les sciences exactes. La réflexion rationnelle, la liberté d’expression, et l’esprit critique en sont les principes. Il les utilise pour égrener avec ironie dévorante les contrastes de sa société. Driss se révolte haut et fort contre la religion, l’obscurantisme, la culture, la tradition, la société, la famille, et le patriarcat. Il perturbe le foyer et pousse à la révolte. Le père, hajj respecté, négociant en thé est décrit comme le Seigneur, tyran et Dieu au Foyer. Mais dehors, il se dévie et se permet des choses. Chez lui, il invective, frappe, châtie, castre et n’hésite pas à tuer son propre fils qui a osé s’opposer à lui. Pour la famille, la société et le culte en vigueur, le père, chef sacré, a tous les droits sur les siens. Ainsi même choquée, mais sans réagir, la famille enterre. La mère et les femmes de la maison sont des esclaves cloîtrées et au service du bienêtre du Seigneur durant le jour. La mère elle, en plus subit ses caprices de nuit en résignée comme l’exige la religion. Excédée par ce tyran, source de malheurs (conflits ; disputes, fugue, meurtre de son fils Hamid), elle se suicide pour en finir. Son fils ainé le jeune Driss devient bachelier donc libéré. Dégouté de l’hypocrisie de la Médina et de la tyrannie paternelle, il s’envole vite vers la France pour des études d’ingénieur chimiste payées par le Seigneur. En rebelle, il changera de carrière après le diplôme. Il erre partout en homme libre. Mais il se jure de rembourser au seigneur « alors et seulement je me révolterai ». C’est ce qu’il a fait dans ses écrits dont « LE PASSE SIMPLE ».

Les intellectuels marocains de l’époque sont des fils de notables issus de la bourgeoisie citadine. Ce sont des résistants dans les salons qui se pavanent dans les grands hôtels d’Orient panarabistes. Ils poussent les démunis à la lutte dans les villes et les Atlas. Ils visent le butin colonial et le Pouvoir. Ils profitent du contexte international de décolonisation et augmentent les pressions politiques. Ils prétendent défoncer « une porte déjà ouverte par l’ONU et la résistance des peuples ». Ils divulguent, à dessein, une fausse image du réel du pays. Le Maroc est englouti et emprisonné dans de vieilles traditions et croyances venues d’Orient lointain. L’arrivée du roman « LE PASSE SIMPLE » dérange leurs discours et argumentaires opportunistes. Alors ils n’hésitent pas à dénigrer Driss Chraïbi même s’il est de leur classe sociale. Ils le traitent de chien égaré, de collabo avec les colons, de mécréant et apostat. Ils l’accusent de vouloir s’approcher de l’Occident en dénudant les travers de sa propre société. Ils l’accusent de ridiculiser les clercs de religion (le chérif, le fquih, hajj, les barbus avec chapelets). Ils lui reprochent d’exhiber nos multiples tartufferies (hypocrisies sociales, félonies, mensonges, prières rituelles derrière le Seigneur, soumissions, jours de Ramadan passés aux lits, pèlerinages de prestige, aumône islamique non respectée, fausse dévotion). Ils lui reprochent de ne pas mentir par devoir !

Ils ont le pouvoir à partir de 1956. Ils continuent à blasphémer Driss Chraïbi et à dissimuler le réel. Ils imposent l’arabe comme seule langue acceptable partout et en littérature nationale. Ainsi les intello ne sont pas concurrencés et s’accaparent tout le lectorat. L’Etat a la paix, tout est dissimulé. Ils façonneront sans gêne aucune à l’aune arabo-islamiste d’antan les générations à venir.

Ces démagogues, hommes politiques et de lettres interdiront «le Passé Simple» au pays durant vingt cinq ans. Mais un autre roman de révolte profonde et sincère surgit du réel vécu la masse des démunis. Il est l’œuvre et le cri de détresse d’un vrai pauvre. Cette fois c’est un amazigh sorti des souffrances du Rif.

pain nuEn 1973, au seuil de la crise du Sahara; Mohamed Choukri publie son roman culte. «LE PAIN NU». Le roman est refusé par toutes les maisons d’éditions marocaines et sera publié en anglais 1974 et en français 1980. Interdit au Maroc jusqu’au l’an 2000. Il est vite traduit dans plusieurs langues.

Mohamed est né dans les Monts du Rif, une décennie après la fin de la glorieuse résistance Rifaine. La région connait dans les années quarante la marginalisation délibérée, l’injustice, la sécheresse, la faim. La famille émigre vers Tanger, au statut international, où tout le monde mange à sa faim dira la mère. Elle va habiter dans une baraque insalubre dans les monts sordides de la ville et la famine est là. Le petit Mohamed, affamé, cherche de la nourriture dans les poubelles des chrétiens pour s’apaiser. Un jour content il trouve parmi les ordures le cadavre déplumé d’une poule mais sa mère refuse. Elle ne voudra pas non plus des plantes déracinées des cimetières. Pour elle le culte passe avant la faim. Pour subvenir aux besoins de sa famille, elle vend des légumes au souk de la ville et peine pour vivre. Le père est souvent absent du foyer. Il est chômeur ou contrebandier. Il est alcoolique et très violent. Il insulte, qualifie son épouse de « pute et fille de pute » et ses enfants de bâtards et fils de pute. Il frappe sans merci la mère et ses enfants et finit par tuer un de ses fils. Il sera enterré sans problèmes avec la bénédiction du fquih. La mère est consternée, abattue. Dès lors Mohamed déteste ce père assassin et voudra le tuer comme Driss dans «le Passé simple». Par crainte de soupçons d’infanticide la famille émigre pour un moment à Tétouan et revient à Tanger. Personne n’inquiète le meurtrier. Pour les mythes d’Orient, le père a tous les droits sur ses enfants, même celui de les «sacrifier».

L’enfant Mohamed dans «le Pain nu» vit à la dérive dans les rues et sordides de Tanger. Petit garçon de café, il voit la déchéance de la société musulmane au vu des nations. Etendus sur de sales nattes, les hommes consomment alcools et drogues (haschich, kif). Ils initient l’enfant à la débauche Pubère et ado, il connait une sexualité envahissante, il succombe à l’onanisme répété et même la zoophilie. Il émigre pour un moment aux environs d’Oran et travaille comme domestique chez des colons. Mais, il se rebelle et revient à Tanger. Il fait divers métiers (cireur, guide, contrebandier). Dans une société empêtrée de tabous, il obéit à ses instincts de violence et à ses fantasmes sexuels. Il vit caché avec des prostituées. Ils boivent du vin, fument et se droguent en continu. Le roman décrit sans concession les bas-fonds de Tanger d’antan où règnent la misère, la prostitution, la pédophilie et la félonie. Le style est direct, insultes nues , les phrases courtes tranchantes dont certaines en amazigh. Il contient des passages durs à lire et à supporter qui reflète une réalité encore parmi nous ( la personne qui écrit cet article a vécu dans les monts infâmes de Tanger à DRADB en 52/55 et confirme ce réel). Le jeune Mohamed se voit mêler aux manifestations anticoloniales violentes avec des morts et il est emprisonné. C’est de là que vient sa délivrance, il prend conscience de son analphabétisme et décide d’entrer à l’école à vingt ans et deviendra même instituteur. Revenu à Tanger, il reprend sa vie de libre.

«Le Pain Nu» écrit par un démuni ayant vécu l’injustice et la pauvreté dénude notre société hypocrite. Le style est direct sans concession et sans détour souvent associé au tamazight du Rif. Durant trois décennies tout ce qui vient du Rif est banni par le Makhzen. Ses Scribes et Clercs vont interdire le «Pain nu» au Maroc prétextant protéger la religion, les mœurs. Mais de fait en vrais démagogues, ils exploitent la sensibilité religieuse des marocains pour se maintenir au Pouvoir. De nos jours les voilées de corps et barbus d’esprit continuent dans ce sens en disciples surdoués de Machiavel.

Much-lovedEn 2015 apparait un film d’un réalisateur connu dont l’actrice principale est une amazighe militante. Le film décrit le plus vieux métier du monde dans une ville impériale du pays. Ville appréciée par les touristes d’Orient et d’Occident. Sans visionner le film en entier, les manitous islamistes et cousins au Pouvoir lui jettent l’opprobre et l’interdisent. Ils se présentent en indignés et protecteurs de la femme marocaine; alors qu’ils la cloitrent au foyer ou dehors dans des tentes noires suffocantes. Bien sûr toute cette mascarade sacrée, sur un film simple, se fait à la veille des élections communales. La fin justifie les moyens et ce qui serait visé ici, c’est d’élargir un électorat qui s’effrite et s’amoindrit.

Le film décrit le quotidien de quatre prostituées dans un pays où il y a des milliers comme partout ailleurs. Il n’est pas basé sur une histoire bien construite tirée d’un roman ou d’une œuvre connue. Le verbe est cru, violent mais non étranger à notre discours quotidien populaire au bus, au marché, au café. (Putes, se prostituer, vagin, pénis, culs, préservatifs, baises, pédé, proxénète) et autres bons termes orduriers fréquents en DARIJA qui nous blessent venant de femmes mais c’est le discours du milieu. Les scènes majeures relatent des faits triviaux, réels, sus de tout (discussions entre prostituées ou avec un gay, le départ vers une maison close pour riches d’Orient, danses orientales, alcools, tabac, drogue, simulation de rapports sexuels hétéro et homo, viols). Il met en exergue le fait connu de tous que les nantis du Golf considèrent les jeunes du pays comme leurs concubines et éphèbes de toujours depuis les Omeyades. Ils revivent ici leurs fantasmes médiévaux. Le film n’épargne pas les occidentaux non plus qui profitent sans remord de la misère de nos jeunes. Il fait sortir les déviations de ces touristes délinquants (pédérastie, pédophilie, impuissance, viols, violences, mépris de la jeunesse marocaine). Il révèle que l’Argent devient de nos corps et âmes. Il essaie d’exorciser un mal qui nous infeste de l’extérieur la société. Les actrices dont trois du métier parait-il, sont formidables et humaines. Elles défendent une cause juste. Elles sont en empathie avec les prostituées réelles Elles montrent admirablement que ces rejetées de la société hypocrite luttent pour subvenir aux besoins de leurs pauvres familles qui les rejettent sous la pression continue des Voilées et Barbus intrus. Violents, ils se substituent parfois à l’Etat pour appliquer leurs Lois et sèment la panique partout. Le public intoxiqué par les médias islamistes confond les actrices et leurs rôles et s’en prend à elles ! L’actrice principale est dénigrée, insultée (CHLHA), blasphémée, car elle a fait son métier d’actrice ! Menacée via internet et autres, elle se serait réfugiée très, très loin de la terre de ses ancêtres.

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