Amina AMHARECH, poétesse, femme militante et engagée dans la défense des droits de l’Homme, elle est membre du « groupe AZUL », elle a publié récemment en France son premier recueil de poésie intitulé « Tarwa n wassif ».
Dans un monde où les mots sont beaucoup réels que la réalité, Amina AMHARECH , cette femme d’exception -philosophe à vrai dire- se batrs pour se renouer avec l’identité, la langue et la culture amazighe avec ses valeurs ancestrales. Sa poésie insuffle la vie et nous amène vers des univers où on ne peut point céder à la facilité! La vérité et la justice n’ont pas de prix ; la liberté peut en souffrir alors, sans jamais la laisser être volée !
A l’occasion de la journée mondiale de la femme, nous avons voulu en savoir un peu plus sur le parcours d’une femme exemplaire ; une femme qui travaille beaucoup et parle moins !
Massa Amina, Comment aimez-vous être présenté ?
Je suis juste une Tamazighte sans grande prétention. Ça me suffit largement comme ça a toujours suffit aux femmes de ma famille et de ma tribu. Une définition qui veut tout dire: fille, soeur, mère, épouse avec des valeurs ancestrales. Une Tamazighte est travailleuse, engagée, soucieuse des siens et elle est capable de rester en retrait quand il le faut et de prendre les devants quand c’est nécessaire. C’est une façon d’être à plein temps.
Votre premier recueil de poésie «Tarwa n Wasif/ les enfants de la rivière» est paru il y a un an en France. Le deuxième verra le jour prochainement. Pouvez-vous nous raconter votre rencontre avec la poésie, l’histoire de votre premier poème ?
Arrivée à un stade de ma vie, la poésie s’est imposée à moi comme un moyen d’expression mais petit à petit, elle est devenue nécessaire pour exprimer un foisonnement de chose qui me touche de plein fouet. Les mots décrivent les maux et quand ils s’imposent je ne peux que me plier. Même si j’écris en français, ma poésie reste fondamentalement ancré dans ma culture. Elle décrit ce que je vois, ce que je ressens et ce que les miens ressentent. Inchaden ont toujours été les porte-paroles de la communauté.
Est-ce que vous pouvez nous parler dans quel contexte le groupe «AZUL» a-t-il été crié, qui sont les membres fondateurs ?
Le groupe AZUL est né le 30 septembre 2013 par une poignée d’amis : Latifa, Si Omar, Yuba, Si Mbarki et moi même. Nous avons décidé de créer un groupe ou on pourrait parler de Tamazighte et d’imazighen sans langue de bois ni parti pris. C’est à dire un groupe de réflexion et d’échange où on ne se contenterait pas de poster mais où on irait au fond des choses en décortiquant le pourquoi du comment et en essayant d’apporter des réponses et des solutions.
Quels sont vos objectives et les difficultés auxquelles vous-êtes confronté dès la création de groupe jusqu’à maintenant ?
A vrai dire, il n y a pas eu de difficultés puisque le groupe a une sorte de fiche technique qui détermine les objectifs : discuter sans tabous de tout ce qui touche imazighen et l’amazighité, dans le respect de l’autre conformément à l’esprit amazigh et aux valeurs amazighs.
Quels sont vos domaines d’activités et comment votre groupe a réussi d’agir concrètement sur le terrain vis-à-vis les contraintes ?
L’action sur le terrain s’est imposée d’elle même car une fois la réflexion finie, il fallait vérifier la faisabilité de solutions proposées.
Le fait est que la situation d’imazighen est le résultat d’un apartheid systématique. La politique panarabiste islamiste de l’Etat a précipité imazighen dans une situation moyenâgeuse et ce n’est pas demain la veille que ça changerait. Mais nous, qu’on est-il de nous autres amazighs ? N’avons-nous pas une responsabilité envers nos frères et sœurs enclavés et oubliés ?
Les Azuliens / Ait AZUL ont alors décidé d’adopter un adage amazigh » Aqmu nna i-ttinin sud ad i-sud » : la bouche qui appelle à souffler n’a qu’à souffler.
Les contraintes sur le terrain sont celles de toute action associative puisque le passage du virtuel au réel doit impérativement passer par un cadre légal. Nos actions sont plus ciblées et mieux préparées du fait qu’elles soient soumises à l’avis des membres.
La principale difficulté est que nous ne sommes pas encore nombreux sur le terrain pour veiller au déroulement de chaque opération et de la mener telle qu’elle a été conçue dans le groupe.
Parlez nous de projets de soutien que vous avez réalisé et la population visée ?
L’idée première a été d’apporter notre aide, aussi petite soit-elle, dans des projets de développement durable car imazighen n’ont pas besoin qu’on leur fasse l’aumône, mais juste d’une aide subsidiaire leur permettant de faire valoir leur savoir faire et/ou leurs efforts ex : une matière première de base (laine,graines…).
Les 2 premières opérations étaient « Toison » et « Graine de vie » en avril et octobre 2014; mais l’hiver venu, notre aide fut sollicitée et nous avons changé notre fusil d’épaule. Janvier 2015, deux opérations de solidarité ont été menées à Ajdir et Ifghras.
Est-ce vous pouvez nous donner plus d’explications et détails sur votre énorme initiative « OPERATION IZEM n SAGHRU » ?
L’opération IZM a été une expérience humaine à plus d’un titre. Après l’assassinat de Omar Khaleq, moi même étant poète, je n’avais trouvé que la poésie pour exprimer ce sentiment complexe fait de tristesse, de colère, de fierté et de solidarité. C’est ainsi que l’idée de rassembler tout ces poèmes est venue. On avait 23 jours pour « agir » et on a relevé le defi car tous les Azuliens étaient favorables à l’idée. Tous s’est fait sur facebook entre le 10 fevrier et le 4 mars: collecte d’isfra, transcription en tifinagh et impression. On était une trentaine de personnes à avoir participé à divers degrés à cette opération. C’est à dire que c’est un travail de groupe et que je ne suis qu’un maillon de cette chaîne de solidarité que fut IZM. Nombreux ont été ceux qui avaient douté de notre capacité à relever ce challenge en si peu de temps et qui nous ont pris pour des illuminés, mais on y est arrivé et le 5 Mars on a organisé une expédition vers Ikniwen avec notre précieuse cargaison :IZM.
Vous avez déclaré : « que le 1er qui veut re-tuer IZEM nourrit la polémique et appelle à la dispersion des rangs Amazigh ». Vous voulez dire quoi et à qui ?
J’ai dit ça dans un contexte bien déterminé. À un moment donné il faut déterminer les priorités et notre priorité à nous autres Amazigh et notre cause. On peut ne pas être d’accord, ne pas appartenir aux mêmes mouvances, ne pas adopter les mêmes approches, mais notre objectif, lui, reste immuable « Tamazight ».
Omar a payé son engagement par son sang car il a été tué avec préméditation pour avoir défendu Tamazight et le droits d ‘Imazighen. Sa mort nous a réunis et son 40em fut l’accomplissement de cette union Amazigh.
A la veille du 1er anniversaire de sa disparition, certaines dissonances se sont faites entendre et ont nui à cette commémoration qui aurait du être à la hauteur du sacrifice de IZM, Notre IZM à tous.
Omar était humble et avait le sens des valeurs amazighes et on devrait tous s’en inspirer. Le don de soi, l’abnégation et la modestie doivent reprendre leur place dans les rangs Amazighes. Nous n’avons pas besoin de Leaders qui s’imposent par la force car ceux là finissent en dictateur mais nous avons besoin de personnes sages sachant écouter et fédérer.
Quiconque voudrait récupérer ou instrumentaliser IZM à des fins personnelles ou idéologiques, manquerait de respect à sa mémoire et à son sang sacré. On doit nous focaliser sur ce qui nous rassemble et le préserver et non sur ce qui nous différencie. Mieux encore, nous devons faire de nos diversités une dynamique et un enrichissement pour élargir notre horizon.
Quels sont vos projets d’avenir ?
Aller de l’avant et promouvoir l’esprit AZUL. Notre cause nous tient à cœur et Imazighen, tous Imazighen, sont les nôtres sans distinction aucune. Un Azulien est un citoyen du monde, un Amazighe affranchi de toute idéologie héritée ou imposée. Nous avons un devoir envers notre cause et un devoir de mémoire envers les 700 000 Amazighes tombés pour la liberté de notre pays et pour cela nous devons promouvoir notre Histoire et mettre en valeur nos valeurs ancestrales.
Pour terminer, lecture silencieuse et lecture à voix haute. Comment désirez-vous dire/lire l’histoire des Amazighes ; la vraie ; aux générations qui viennent ?
Les deux :
– Silencieuse pour ceux dont l’esprit a été perverti par des idéologies foncièrement panarabiste et islamiste au point de leur faire perdre la mémoire au point de se réclamer autre que ce qu’ils sont. Une crise identitaire à besoin de patience pour être résorbée.
– A haute voix pour ceux qui savent qui ils sont et qui, soit par peur, soit par « gêne » ont parfois du mal à crier haut et fort leur Amazighité. Pour défendre sont identité il faut le faire à haute voix, quitte à le crier pour se faire entendre. Il faut le faire avec le cœur mais avec des arguments tout ce qu’il y a de plus objectifs. Nous sommes Amazigh et Fier et c’est ce que nous avons de plus cher.
Entretien réalisé par: Mustapha MEROUAN