La portée universelle de la civilisation amazighe

Militants amazighs
Militants amazighs

Civilisation pérenne

Dr. Mohamed Chtatou

Descendants des tribus de l’âge de pierre d’Afrique du Nord, les récits des Imazighen ⵉⵎⴰⵣⵉⵖⵏ ont été mentionnés pour la première fois dans les écrits égyptiens anciens. À partir d’environ 2000 avant notre ère, les langues berbères se sont répandues vers l’ouest, depuis la vallée du Nil, à travers le nord du Sahara jusqu’au Maghreb. [i] Une série de peuples berbères tels que les Mauri, Masaesyli, Massyli, Musulamii, Gaetuli et Garamantes ont donné naissance à des royaumes berbères, comme la Numidie et la Maurétanie. [ii] D’autres royaumes apparaissent dans l’Antiquité tardive, comme ceux de l’Altava, de l’Aurès, de l’Ouarsenis et du Hodna. [iii]

Des siècles se sont écoulés sur le territoire amazigh de Tamazgha ⵜⴰⵎⴰⵣⵖⴰ. L’histoire nous raconte l’invasion et la colonisation de la région par divers empires tels que les Phéniciens, les Romains, les Ottomans, les Arabes, les Espagnols, les Portugais et les Français au fil du temps. Pendant ce temps, malgré cette empreinte, les Imazighen ⵉⵎⴰⵣⵉⵖⵏ ont pu conserver leurs traditions uniques face aux envahisseurs du fait de leur culture et sa trinité universelle. [iv]

Au sujet comment les anciennes peuplades du pourtour méditerranéen voyaient les Berbères, Mohamed Chafik écrit : [v]

‘’Mais ce qu’il y a de vraiment étonnant, et de paradoxal en apparence, c’est que les Grecs nourrissaient à l’égard des Berbères une profonde vénération. L’historien Hérodote (484-425 av. J.C.) les considérait comme le peuple du monde qui « jouit du meilleur état de santé », surclassant en ce domaine les Égyptiens et les Grecs eux-mêmes (Hérodote, L. II parag. 77 p. 199). « Le costume et l’égide qu’on voit en Grèce aux statues d’Athéna, ajoute-t-il, sont inspirés des vêtements des Libyennes. Atteler quatre chevaux est encore un usage passé des Libyens à la Grèce » (Hérobote, L. IV, parag. 189, p. 444). L’écrivain latin, Pline l’Ancien (23 – 79) nous signale que les Grecs attribuaient la fondation de Tanger (Tingi) au géant de leur mythologie Antaios (Antée) (Pline, L. V, parag. 2, p. 45), et que Grecs et Libyens de Cyrène allaient ensemble en pèlerinage au temple d’Aïnoun à Siwa (Pline, L.V, parag. 31, p.60 et commentaire p. 351). Athena la vierge, Athena la déesse guerrière protectrice d’Athènes, Athena la déesse de l’intelligence, est elle-même née en Libye au bord du lac Triton (Rossi, p. 82). Les Berbères Garamantes étaient des descendants du dieu Apollon lui-même, aux yeux des Hellènes (Gaffmt, p. 703). Platon, le philosophe, n’aurait jamais pu fonder son Academica, s’il n’avait été racheté et libéré par un Libyen, quand il a été fait prisonnier et vendu comme esclave (Rossi, p. 119). I1 est de notoriété historique, enfin, qu’Alexandre le Grand a dû parcourir 600 km de désert, avec toute son armée et sa suite, pour se faire sacrer roi d’Égypte par les prêtres d’Amon, en son temple de Siwa. Les habitants de Siwa continuent jusqu’au jour d’aujourd’hui à parler tamazight. Il y a lieu de penser, à partir de ces données, que les Grecs savaient pertinemment que leur civilisation était la fille de celle de l’Égypte et de la Libye. Les historiens français Jean Servier et Piene Rossi ont développé ce sujet, le premier en ce qui concerne les Berbères, et le second en ce qui a trait à l’influence de l’Égypte sur la Grèce. Je reviendrai tout à l’heure sur la question des liens entre Amazighes et Egyptiens, comme je l’ai déjà annoncé.’’

Les Imazighen ⵉⵎⴰⵣⵉⵖⵏ sont un peuple diversifié de groupes ethniques distincts indigènes d’Afrique du Nord qui sont antérieurs à l’arrivée des Arabes dans les migrations arabes vers le Maghreb. Leurs principaux liens sont identifiés par leur utilisation des langues berbères qui font partie de la famille des langues afroasiatiques. [vi] Ils sont originaires de la région du Maghreb en Afrique du Nord, où ils vivent en communautés dispersées dans certaines parties du Maroc, de l’Algérie, de la Libye et, dans une moindre mesure, de la Tunisie, de la Mauritanie, du nord du Mali et du nord du Niger. De plus petites communautés berbères se trouvent également au Burkina Faso et dans l’oasis de Siwa en Égypte. [vii]

Pour Salim Chaker, le Berbère est une langue autochtone de l’Afrique du Nord : [viii]

‘’En tout état de cause, le berbère peut être considéré comme la langue « autochtone » de l’Afrique du Nord et il n’existe actuellement pas de trace positive d’une origine extérieure ou de la présence d’un substrat pré-/non-berbère dans cette région. Aussi loin que l’on puisse remonter – c’est-à-dire dès les premiers témoignages égyptiens (Cf. Bates 1914 (1970)) –, le berbère est déjà installé dans son territoire actuel. La toponymie notamment n’a pas permis jusqu’ici d’identifier précisément un quelconque sédiment pré-berbère.’’

On pense que la région du Maghreb, au nord-ouest de l’Afrique, a été habitée par des Berbères depuis au moins 10 000 avant JC. Des peintures rupestres, datées de douze millénaires auparavant, ont été découvertes dans la région du Tassili n’Ajjer, au sud-est de l’Algérie. D’autres œuvres d’art rupestre ont été découvertes à Tadrart Acacus dans le désert libyen. [ix] Une société néolithique, marquée par la domestication et l’agriculture de subsistance et richement représentée dans les peintures du Tassili n’Ajjer, s’est développée et prédominée dans la région saharienne et méditerranéenne (le Maghreb) de l’Afrique du Nord entre 6000 et 2000 av. J.-C. (jusqu’à la période classique). Des inscriptions préhistoriques Tifinagh ont été trouvées dans la région d’Oran. À l’époque préromaine, plusieurs États indépendants successifs (Massylii) existèrent avant que le roi Masinissa n’unifie le peuple de Numidie. [x]

Preuve d’origine

L’Afrique du Nord est située au carrefour de la mer Méditerranée, du Moyen-Orient et du Sahara. Les vastes migrations et les flux génétiques dans la région ont façonné de nombreuses cultures différentes et des composants génétiques ancestraux au fil du temps. Les données ADN provenant d’anciens sites marocains ont récemment éclairé le débat sur la continuité ou le remplacement des populations, c’est-à-dire la question de savoir si les populations nord-africaines actuelles descendent de groupes paléolithiques ou, au contraire. Les migrations ultérieures ont balayé tous les signaux génétiques préexistants dans la région.

Preuve génétique

En général, les preuves génétiques semblent indiquer que la plupart des Africains du Nord-Ouest (qu’ils se considèrent berbères ou arabes) sont majoritairement d’origine berbère et que les populations ancestrales des Berbères sont présentes dans la région depuis le Paléolithique supérieur. [xi]

Les ancêtres génétiquement prédominants des Berbères semblent provenir d’Afrique de l’Est, du Moyen-Orient ou des deux, mais les détails restent flous. [xii] Cependant, des proportions significatives des pools génétiques berbères et Berbères arabisés proviennent de migrations humaines plus récentes de divers peuples italiques, sémitiques, germaniques et d’Afrique subsaharienne, qui ont tous laissé leurs empreintes génétiques dans la région. [xiii]

Le pool génétique nord-africain est défini comme un melting-pot de composantes génétiques, y compris une composante endémique de l’épipaléolithique nord-africain à faible fréquence qui forme un gradient décroissant de l’ouest à l’est de l’Afrique du Nord. Ce scénario est cohérent sachant que la néolithisation a façonné la majeure partie de la variation génétique actuelle dans la région, par rapport aux vagues de migration postérieures vers l’Afrique du Nord, telles que l’arabisation. Une histoire génétique commune et distincte de la région est mise en évidence, avec des proportions internes différentes des composantes génétiques dues à un mélange différentiel avec les groupes environnants ainsi qu’à la dérive génétique due à l’isolement et à l’endogamie dans la région. [xiv]

Au sujet des marqueurs génétiques des Imazighen ⵉⵎⴰⵣⵉⵖⵏ , Bosch, E.; Calafell, F.; Pérez-Lezaun, A.; Comas, D.; Mateu, E. & Bertranpetit J. écrivent dans Human Biology : [xv]

[‘’Après une recherche bibliographique intensive, nous avons compilé toutes les données disponibles sur les fréquences d’origine des polymorphismes génétiques classiques se référant aux populations d’Afrique du Nord et synthétisé les données dans le but de reconstruire l’histoire démographique des populations en utilisant deux méthodes complémentaires : (1) l’analyse en composantes principales et (2) les distances génétiques représentées par les arbres se joignant aux voisins. Dans les deux analyses, la principale caractéristique du paysage génétique de l’Afrique du Nord est un modèle de variation est-ouest, indiquant la différenciation entre les groupes de population berbère et arabe du nord-ouest et les populations de Libye et d’Égypte. De plus, la Libye et l’Égypte présentent les distances génétiques les plus faibles avec les populations européennes, y compris la péninsule ibérique. L’interprétation la plus plausible de ces résultats est que, même si la diffusion de la démie au cours du Néolithique pourrait expliquer la similarité génétique entre l’Afrique du Nord-Est et l’Europe par un processus parallèle de flux génétiques en provenance du Proche-Orient, une différenciation mésolithique (ou plus ancienne) des populations de la région les régions du nord-ouest avec un flux génétique limité par la suite sont nécessaires pour comprendre l’image génétique. Les groupes les plus isolés (Mauritaniens, Touaregs et Berbères du sud de l’Algérie) étaient les plus différenciés et, même si aucune structure claire ne peut être discernée entre les différents groupes arabophones et berbérophones, les arabophones dans leur ensemble sont plus proches des Égyptiens et des Libyens. En revanche, la contribution génétique de l’Afrique subsaharienne semble faible.’’]

Tapis amazigh
Tapis amazigh

Preuve archéologique

La culture capsienne néolithique est apparue en Afrique du Nord vers 9 500 avant notre ère et dura peut-être jusqu’en 2 700 avant notre ère. [xvi] Les linguistes et les généticiens des populations ont identifié cette culture comme une période probable de propagation d’une langue afro-asiatique (ancêtre des langues berbères modernes) dans la région. Les origines de la culture capsienne restent toutefois floues sur le plan archéologique. Certains ont considéré la population de cette culture comme une simple continuation de la culture mésolithique ibéro-maurusienne antérieure, apparue vers 22 000 avant notre ère, tandis que d’autres plaident en faveur d’un changement de population ; le premier point de vue semble être étayé par des preuves dentaires. [xvii]

Les Berbères ont aussi habité les Iles Canaries. En effet, La culture indigène canarienne ne peut s’expliquer que par une ethnogenèse continentale-africaine indissociable de la culture de certains groupes ethniques amazighs qui vivaient il y a environ 3 000 ans. La culture développée dans l’archipel canarien par les sociétés des Imazighen ⵉⵎⴰⵣⵉⵖⵏ a été clairement influencée par l’isolement insulaire et l’adaptation à cet environnement insulaire dans des conditions qui les ont pratiquement coupées du contact avec le continent africain et les autres groupes ethniques amazighs.

Au sujet de l’identité amazighe des Iles Canaries, Josué Ramos-Martín écrit : [xviii]

‘’Cependant, au sein de cette tendance générale encore présente de nos jours, il existe un point de rupture marqué par la découverte de la Piedra Zanata. Trouvée en 1992 dans le nord de l’île de Tenerife, cette pierre présente sur un de ses côtés une inscription de trois caractères qui pourraient être rapprochés des signes libyques et qui ont été lus comme étant ZNT, ce qui a permis de les rapprocher de la tribu berbère des Zanata (Muñoz Jiménez, 1994). La Piedra Zanata a marqué l’opinion publique et scientifique insulaire, puisqu’elle venait confirmer la provenance berbère des premiers habitants de Tenerife. Cependant, les circonstances troubles de sa découverte lui ont fait perdre sa crédibilité au point qu’une grande partie de la communauté scientifique la considère aujourd’hui comme un faux. Toutefois, elle a représenté pour quelques chercheurs, en particulier au sein de l’équipe du Musée archéologique de Tenerife, le point de départ d’une ligne de recherche. Ceux-ci avancent que le peuplement des îles est le fruit de l’action colonisatrice de populations phéniciennes et puniques qui y auraient déporté des habitants de l’Afrique du Nord pour l’exploitation de ressources naturelles associées à la pêche (González Antón et al., 1995 ; González Antón et Del Arco Aguilar, 2007). Au-delà des débats parfois polémiques que cette hypothèse a suscités entre les historiens canariens (Hernández Gómez et al., 2004-2005 ; Baucells Mesa, 2005 ; Navarro Mederos, 2005 ; Velasco Vázquez et al., 2005 ; Tejera Gaspar et Chávez Álvarez, 2011), nous aimerions ici nous arrêter sur la façon dont ces auteurs ont perçu l’identité berbère.’’

Trinité culturelle

Peu importe comment on explique, ou on croit que les Amazighs de l’Afrique du Nord sont venus dans la région ; une chose est certaine, leur présence dans Tamazgha ⵜⴰⵎⴰⵣⵖⴰ, en général, et au Maroc, en particulier, est très ancienne et a eu une influence considérable sur le mode de vie du Marocain contemporain et son sens de l’identité et de l’appartenance, sans oublier pour autant l’ensemble de ses croyances païennes ou monothéistes soient-elles, à travers les âges. [xix]

Les Berbères ont une histoire riche et multiforme qui remonte à plusieurs siècles. À l’origine, ils adhéraient à d’anciens systèmes de croyance, notamment l’animisme, le culte des ancêtres et le polythéisme. Au fil du temps, leur paysage religieux a évolué, de nombreux Berbères se convertissant au christianisme ou au judaïsme avant l’islamisation généralisée de la région. L’identité berbère va au-delà de la religion et englobe un lien profond avec l’histoire et la géographie de l’Afrique du Nord. [xx] Bien qu’il puisse exister des variations dans la culture, les traditions et le patrimoine entre les différents groupes berbères, ils sont tous liés par une histoire, une langue, et une identité commune qui les unissent. [xxi]

Au fil des années, les Amazighs ont combattu, commercé, négocié et accueilli les Phéniciens, les Carthaginois, les Romains, les Arabes, les Ottomans les Espagnols et les Français. Même si les Romains et d’autres ont tenté de coloniser le peuple berbère, ce dernier a réussi à préserver sa propre langue et culture et n’a, en réalité, jamais été conquis !

Imprégnées de traditions, la culture et les coutumes amazighes varient d’un groupe à l’autre. Malgré leurs différences, ce qui les unit, ce sont les valeurs qu’ils partagent. Les trois principales valeurs sont la langue comme une forte source d’identité, l’importance de la parenté (solidarité tribale twiza), [xxii] et le lien indéfectible avec la terre, qui est considérée un bien et un legs sacré. [xxiii]

Ces trois thèmes principaux dans la culture Amazighe, sont indéniablement de portée universelle, et sont définis comme une trinité importante et primordiale dans son système de valeurs et sont facilement identifiables dans la culture marocaine et nord-africaine d’aujourd’hui. [xxiv]

Ces valeurs ont transcendé la culture amazighe et ont été largement acceptées comme des concepts de base de l’identité berbère, sinon de portée universelle.

La trinité en question s’articule autour des notions suivantes : l’importance de la langue comme véhicule de la culture et marqueur principal et exclusif de l’identité (tamazight/awal), sur à la fois le plan de la communication et de la perpétuation de l’histoire ; l’omniprésence du système fort et indivisible de la parenté et de l‘appartenance à la famille étendue (tamount/ddam), qui s’exprime par la solidarité twiza, la coexistence lamân, et la tolérance amsafham ; ainsi que la forte connexion à la terre et l’identification avec ces bienfaits et la croyance en sa sacralité (akkal/tammourt/tamazirt), qui est forte et pertinente aussi bien chez d’autres peuplades du pourtour méditerranéen et du monde.

Ces trois piliers de la culture amazighe d’origine et par extension de la culture marocaine d’aujourd’hui, dans son ensemble, sont indéniablement le substratum de la très forte notion de tamaghrabit (l’appartenance à un Maroc multiculturel, divers et tolérant) qui soude les Marocains. [xxv]

En effet, si aujourd’hui les Marocains ne sont pas déchirés par des conflits ethniques, linguistiques et culturels, comme c’est le cas au Moyen Orient, depuis l’avènement du printemps révolutionnaire, c’est parce que dans leur DNA on trouve les traces de cette trinité qui amplifie leur appartenance multiple et indivisible et leur sens poussé du vivre-ensemble et de la tolérance. Le préambule de la constitution marocaine de 2011, en quelque sorte, amplifie l’importance cette trinité en faisant allusion à l’universalité de la civilisation marocaine dont l’amazighité et son substratum exclusif. [xxvi]

Femme amazighe
Femme amazighe

Aspects de la trinité

Tamazight/awal

Le thème le plus évident, qui est présent dans la communauté amazighe au Maroc et par extension dans toute l’aire géographique de Tamazgha ⵜⴰⵎⴰⵣⵖⴰ, est l’importance de la langue dans la société, la civilisation et le vécu. Quand on contemple la culture du peuple amazigh, il y a une corrélation claire entre la pertinence de la langue et la préservation de la civilisation et des traditions millénaires, voir la tradition des Maitres Musiciens Jahjouka au nord-est du Maroc. Leur musique de transe et leur théâtre anthropologique a traversé quatre mille ans d’histoire sans égratignure aucune, d’après les experts occidentaux. [xxvii]

L’histoire et le système de croyances du peuple amazigh ont été préservés de façon orale de père en fils ; où une génération transmettait l’histoire, la sagesse, la littérature et les lois (azref) à une autre, de façon automatique par le biais de la langue maternelle (awar ou-ghi), puissant véhicule linguistique. En réalité, malgré l’existence de trois dialectes amazighes distincts au Maroc, l’histoire et les lois du peuple amazigh se sont synchronisées et ont survécu à d’innombrables invasions à travers sa longue histoire connue de huit milléniums.

Tamount/ddam

Un deuxième thème que l’on doit considérer lorsqu’on compare la culture amazighe et la culture marocaine contemporaine est l’idée de parenté : consanguinité [xxviii] qui est naît du système communautaire amazigh et qui est toujours forte dans toute la société marocaine.

L’idée de parenté qui se manifeste à travers des personnes liées par le sang, [xxix] le vécu et l’histoire accuse une distinction pertinente entre la culture amazighe et marocaine dans le sens que le système communautaire amazigh met l’accent sur la notion de la matriarche comme personne-pivot de la famille imprégnée de valeurs démocratiques, alors que la culture marocaine, de substrat arabe, préfère une patriarchie, très forte et sans partage.

Au sujet de la protection par le sang et accord par le lait chez les Imazighen, Marie-Luce Gélard écrit : [xxx]

‘’LES PACTES de protection, d’alliance et de colactation, créateurs de liens sociaux, sont fréquents dans les sociétés d’Afrique du Nord et du Sahara. Dans le Sud-Est marocain, l’instauration d’une relation de protection entre groupes et l’établissement de liens de parenté « électifs » sont déterminés par les représentations et l’instrumentalisation de deux humeurs corporelles, le sang (idamn) et le lait (agho), que nous nous proposons de mettre au jour. L’examen attentif de l’usage qui est fait de ces fluides corporels permet d’éclairer les représentations culturelles qui en découlent et de mieux comprendre ainsi la manière dont les individus perçoivent et caractérisent la relation de parenté. À l’exception de la littérature coloniale du début du XXe siècle concernant le Maroc, des écrits collectifs de P. Bonte, A.-M. Brisebarre et A. Gokalp [1999] ainsi que des publications de E. Westermarck [1935, 1968], peu d’études ont été consacrées à la pratique du rituel de protection (demande d’excuse et agrégation tribale) et de colactation dans les sociétés berbérophones du Maroc.’’

Chez les Amazighs les liens de sang sont sacrés dans le mariage, dans la paternité et les appartenances familiales. En effet, deux tribus signent leur alliance (llef) par un mariage. Le sang dans le contexte du sacrifice et aussi signe de réconciliation, de demande de pardon et de respect, (taghâst). [xxxi] Il est aussi le symbole d’hospitalité, on égorge un mouton pour souhaiter la bienvenue à un invité ou étranger quelconque parce que faire couler du sang c’est établir un lien de respect et formuler une expression de tolérance avec le nouvel arrivé et l’inclure dans la société (jma’ath). [xxxii] On fait couler le sang aussi quand on fait un achat ou procuration de bien important pour se protéger du mauvais œil et pactiser avec les mauvais esprits jnoun.

Tammourt/tamazirt /akal

Les Amazighs considèrent la terre comme un bien sacré qui, non seulement soutenait la vie, mais fournissait une protection contre les campagnes impérialistes occidentales et arabes et qui contribuaient, aussi, à préserver la langue et le système communautaire. D’ailleurs la vente de tout lopin de terre hérité a été une notion fortement stigmatisée (hchouma) dans la culture amazighe de toujours. L’aspect spirituel/sacré de la terre peut être trouvé, aussi, dans le référentiel de l’Islam marocain (étroitement lié au Soufisme et à la spiritualité amazighe), aujourd’hui.

Pour Marie-Luce Gélard, la terre est toujours liée à l’honneur chez les Berbères : [xxxiii]

‘’Les populations berbères, comme toutes celles qui vivent en milieu rural, accordent une importance primordiale à la terre. Sa valeur est tout aussi symbolique qu’économique. Les paysans lui témoignent un grand respect d’une part parce qu’ils en vivent et d’autre part parce qu’elle témoigne de leur identité culturelle, de l’attachement aux ancêtres et du sentiment d’appartenance à une communauté (le village). La terre, c’est aussi le lieu d’implantation des tribus, chacune s’affirmant par l’existence d’un territoire qui lui est propre. Les représentations symboliques témoignent de l’attachement à la terre (cultivable ou territoriale) et s’accompagnent d’un ensemble de stratégies d’honneur (défense du patrimoine foncier, droits d’eau, entretien des palmeraies, etc.).’’

Et elle continue par dire :

‘’Les hommes qui délaissent leur patrimoine sont unanimement considérés comme des hommes “sans honneur” (des incapables). À l’image de la famille, la terre doit être défendue par l’homme d’honneur. Même lorsqu’il n’a plus de travaux à faire dans les champs, il y retourne presque quotidiennement afin de s’assurer que personne ne porte atteinte à son bien.

Dans les systèmes oasiens où l’eau est essentielle, l’honneur des paysans est transféré sur la gestion de l’eau. L’homme ne doit jamais laisser l’eau se perdre. “Les vieux ne veulent pas qu’on parle d’eux au village, ils tiennent l’eau coûte que coûte” (information orale, Merzouga, mars 1999) – comprendre qu’ils ne veulent pas qu’on les critique, ils conservent l’eau quoi qu’il advienne.’’

Il existe une relation complexe avec la langue, les normes communautaires de la société et la connexion à la terre entre les traditions culturelles amazighes et leur place dans la société marocaine. La structure sociétale et la relation à la terre sont fortement corrélées à leur acceptation dans la culture marocaine d’aujourd’hui. [xxxiv]

La civilisation amazighe a survécu à l’usure du temps et des cultures envahissantes grâce à l’amour infini que les autochtones de portent à la terre qui les nourrit, les protège et les fortifie. N’est-il pas le cas que l’amazighité continue à défier le temps parce que les montagnes (akal) l’ont protégé contre l’acculturation et l’invasion et même les effets de la globalisation culturelle récente.

Pertinence de l’idiome

La langue berbère ⵜⴰⵎⴰⵣⵉⵖⵜ, connue sous le nom de tamazight ⵜⵎⵣⵗⵜ, est une langue ancienne et intrigante avec une histoire riche qui remonte à des millénaires. Cette merveille linguistique a joué un rôle important dans le façonnement de la culture et de l’identité de l’Afrique du Nord. De ses origines à son statut actuel dans divers pays, le voyage de la langue berbère est une histoire captivante de résilience, de diversité et d’importance culturelle. [xxxv]

La langue berbère appartient à la vaste famille des langues afroasiatiques, qui englobe les langues parlées en Afrique du Nord, au Moyen-Orient et dans certaines parties de l’Afrique. Au sein de cette famille, le berbère est classé comme une branche distincte, mais sa relation exacte avec les autres langues afroasiatiques reste un sujet de débat. [xxxvi]

Les linguistes ont identifié certaines similitudes linguistiques entre le berbère et d’autres langues afro-asiatiques, notamment les langues sémitiques comme l’arabe et l’hébreu. Ces ressemblances suggèrent un lien ancestral, suggérant que le berbère partage une lignée linguistique commune avec d’autres branches de la famille afro-asiatique. Cependant, il est important de noter que même si ces connexions offrent des perspectives, la langue berbère conserve les caractéristiques uniques qui la distinguent. [xxxvii]

Retracer l’origine de la langue berbère devient de plus en plus difficile à mesure que l’on remonte dans le temps. On pense que les racines du berbère s’étendent profondément dans les périodes préhistoriques, ce qui en fait l’une des langues les plus anciennes encore parlées aujourd’hui. Pourtant, le manque de documents écrits sur les anciennes sociétés berbères signifie que le développement de la langue est souvent entouré de mystère. [xxxviii]

Les historiens et les linguistes pensent que la langue berbère a émergé parmi les populations autochtones d’Afrique du Nord, probablement à partir des premières langues parlées par les communautés préhistoriques de la région. Les interactions entre ces communautés et les déplacements de divers groupes à travers les paysages sahariens et méditerranéens ont contribué à l’évolution de la langue. [xxxix]

Tout au long de son histoire, l’Afrique du Nord a été un carrefour de civilisations, un point de rencontre de cultures et de langues. Le développement de la langue berbère a été fortement influencé par les interactions et les échanges qui ont eu lieu le long des anciennes routes commerciales et à travers diverses conquêtes.

Les influences phéniciennes et puniques ont laissé leur marque sur les Berbères en raison des activités commerciales maritimes de ces anciennes civilisations. Le latin, introduit sous la domination romaine, a également contribué au pool linguistique de la langue. Avec l’expansion arabe au 7e siècle, le berbère a interagi avec l’arabe, conduisant à l’incorporation d’emprunts et de caractéristiques linguistiques arabes. [xl] Tamazight a aussi façonné les dialectes arabes de l’Afrique du Nord sur les plans phonologique, morphologique, sémantique et lexical. [xli]

L’évolution de la langue berbère est étroitement liée à la dynamique historique de l’Afrique du Nord. Depuis l’émergence de puissantes dynasties berbères comme les Almoravides (1040–1147) et les Almohades (1121/1147–1269) jusqu’à l’influence de la civilisation islamique, divers facteurs ont façonné le développement de la langue.

Un aspect notable de l’influence historique du Berbère est son rôle dans les mouvements de résistance. La langue a agi comme une force unificatrice pour les communautés autochtones contre la domination étrangère, permettant la préservation de l’identité culturelle et du patrimoine. Malgré des siècles de changements et de bouleversements, la langue berbère reste un symbole de résilience.

L’histoire de la langue berbère est inextricablement liée à l’histoire du peuple berbère, qui habite l’Afrique du Nord depuis des milliers d’années. Ces communautés autochtones ont contribué à la diversité culturelle et à la mosaïque de la région, la langue berbère agissant comme un pont linguistique reliant les différentes générations et époques. [xlii]

Au fil des siècles, l’Afrique du Nord a été témoin de l’essor et de la chute de divers empires et civilisations, chacun laissant sa marque sur la langue berbère. Des puissants Carthaginois à l’Empire romain et aux califats islamiques, la langue a évolué parallèlement à l’évolution des paysages sociopolitiques. Malgré ces influences, la langue berbère a réussi à conserver son identité et sa présence en tant qu’élément crucial du patrimoine nord-africain.

La langue berbère n’est pas seulement un outil linguistique mais aussi un dépositaire de l’expression culturelle. Il porte dans son vocabulaire, ses idiomes et ses proverbes le reflet du mode de vie, des traditions et des valeurs uniques du peuple berbère. C’est à travers la langue berbère que les histoires, les mythes et les traditions orales se sont transmis de génération en génération, préservant ainsi un sentiment de continuité avec le passé. [xliii]

Les Touaregs
Les Touaregs

La musique, la poésie et la littérature jouent un rôle central dans le maintien de la langue berbère. La tradition orale du conte, avec ses motifs rythmiques et ses images vives, a été un moyen de partager la mémoire collective et de préserver l’identité culturelle des communautés berbères. La langue berbère continue d’inspirer les poètes, écrivains et artistes contemporains qui cherchent à célébrer et à amplifier leur héritage.

L’origine et l’histoire de la langue berbère témoignent de la résilience des cultures autochtones d’Afrique du Nord. Son voyage à travers le temps a été témoin de la montée et de la chute d’empires, de l’échange d’idées et de la pérennité d’une identité culturelle distincte. De ses racines en tant que langue ancienne à sa reconnaissance en tant que symbole de diversité culturelle et de patrimoine, la langue berbère rappelle la beauté de la variété linguistique et l’importance de préserver les voix des communautés marginalisées. [xliv]

À mesure que la langue berbère continue d’évoluer et de s’adapter, elle porte en elle les échos d’innombrables histoires, les mélodies de chants anciens et les aspirations des générations futures. Il s’agit d’un trésor linguistique qui relie le passé au présent, enrichissant la mosaïque culturelle de l’Afrique du Nord et nous rappelant la profonde interconnexion de l’histoire humaine et de la langue. [xlv]

La notion de parenté [xlvi]

Groupes de parenté et descendance : Partout en Afrique du Nord, sauf chez certains groupes touaregs du Sahara central, la descendance est patrilinéaire et la résidence est patrilocale. L’unité fondamentale de l’organisation sociale berbère est le patrilignage (dharfiqth [pl. dhirfiqin] ; dans le Rif, ighs chez les Imazighen et afus [lit. ‘’main’’ ; pl. ifassen] chez les Ishalhayen), qui est rarement supérieur à six générations en profondeur dans le Rif et seulement quatre dans l’Atlas, où il a cependant un caractère corporatif, contrairement au lignage rifain. L’exogamie ou l’endogamie est une question de choix et de circonstances : les Rifains privilégient la première et les Imazighen la seconde, lorsque cela est possible. [xlvii]

Terminologie de la parenté : Les terminologies de parenté arabes et la plupart des terminologies berbères (celles des Touareg mises à part) sont, telles quelles, « soudanaises », [xlviii] selon la terminologie de Murdock ; [xlix] cependant, les Rifains, les Ishalhayen et les Kabyles algériens ont tous le terme classificatoire ayyaw (fem, dhayyawth), signifiant diversement « l’enfant de la sœur du père », « l’enfant de la sœur », « l’enfant de la fille » et, de manière asymétrique, « l’enfant du fils », et son existence transforme ainsi ces systèmes de parenté du « Soudanais normal » en « Omaha modifié ». Quant aux termes d’adresse, tous les parents proches, qu’ils soient patrilatéraux ou matrilatéraux, sont adressés soit par le terme de parenté approprié, soit par leur nom, ou, surtout s’il s’agit d’une génération ascendante, par le terme de parenté plus le nom. [l] La même chose est généralement vraie pour les aînés connus de toute sorte en termes de distance de parenté avec l’orateur. [li]

La femme amazighe, une gardienne de tout et de toujours

Les femmes berbères ont une histoire riche et ancienne, remontant à des milliers d’années. La tribu berbère, également connue sous le nom d’Amazigh, est l’un des groupes les plus anciens d’Afrique du Nord, avec une identité culturelle et une langue distincte. Les femmes berbères ont joué un rôle crucial dans la formation de ce patrimoine unique, en préservant leurs traditions et en les transmettant de génération en génération. [lii]

L’une des premières références aux femmes berbères vient de l’historien grec Hérodote, qui a écrit sur les Amazones, une tribu de féroces guerrières que l’on croit être d’origine berbère. [liii] Bien que l’existence des Amazones soit débattue, leur représentation comme des femmes puissantes et indépendantes reflète la position importante des femmes berbères dans la société. [liv]

Les femmes berbères ont également joué un rôle important dans l’histoire de l’Afrique du Nord. Au fil des siècles, ils se sont impliqués dans divers mouvements politiques et sociaux, luttant pour leurs droits et ceux de leurs communautés. Voici quelques exemples notables :

  • Dihya Également connue sous le nom de Kahina, elle a dirigé un mouvement de résistance contre les envahisseurs arabes au VIIe siècle. [lv]
  • Fatima al-Fihri a fondé l’Université d’al-Qarawiyyin au Maroc au IXe siècle, l’une des plus anciennes universités du monde.
  • Tahira al-ʿAlawiyya, maître et érudite soufie ayant vécu au XIIIe siècle, elle est considérée comme une pionnière de l’éducation religieuse des femmes en Afrique du Nord.
  • Lalla Fatma N’Soumer, (1830-1863) est une figure du mouvement de résistance algérien au cours des premières années de la conquête de l’Algérie par la France.

Aujourd’hui, les femmes berbères continuent de jouer un rôle vital dans leurs communautés, contribuant à divers domaines, notamment l’éducation, la santé et l’agriculture. Leur identité culturelle et leur histoire uniques constituent un élément essentiel du tissu social nord-africain. En effet, Les femmes berbères ont toujours joué un rôle important dans leurs communautés, étant souvent responsables de la gestion du ménage, de l’éducation des enfants et de la préservation des pratiques et des connaissances traditionnelles. [lvi] Elles ont également participé activement à des activités économiques, telles que l’agriculture et l’artisanat.

Les femmes berbères jouent un rôle essentiel dans le tissu social de leurs communautés depuis des siècles. Malgré de nombreux défis et obstacles, elles ont réussi à apporter des contributions significatives à leurs familles, aux sociétés locales et à la communauté berbère au sens large.

Dans la communauté berbère, la cellule familiale est au cœur de la vie quotidienne. Les femmes berbères constituent souvent l’épine dorsale de la famille, chargées d’entretenir le foyer, de prendre soin des enfants et des parents âgés et de subvenir aux besoins de leur mari et des membres masculins de la famille. Elles sont les principaux responsables de la santé et du bien-être de la famille, veillant à ce que chacun soit bien nourri, habillé et heureux.

Les femmes berbères sont confrontées à de nombreux défis dans leur vie quotidienne, notamment un accès limité à l’éducation, aux soins de santé et aux opportunités économiques. N’empêche, toutefois, que les femmes berbères jouent un rôle crucial dans la préservation des riches traditions culturelles transmises de génération en génération. Face à la modernisation, elles se sont consacrés au maintien de leur identité culturelle et à la préservation de leurs traditions.

A ce sujet le site électronique Fanack écrit : [lvii]

[‘’ Après la conquête arabe, les femmes berbères ont continué à jouer un rôle central dans leurs familles et communautés, parvenant à combiner leur foi islamique avec leurs propres traditions ancestrales.

Les héritages des femmes berbères en attestent. En effet, le mélange de mythe et de réalité qui entoure les déesses berbères préislamiques et les guerrières a réussi à habiter l’inconscient collectif et l’imaginaire des Marocains d’aujourd’hui. Cela est principalement dû au rôle fondamental que jouent les femmes dans la transmission de la langue et de la culture berbère à travers la rituelle, l’oralité et l’art.

Ces rituels tournent autour de la guérison, de la fertilité, du culte, des lamentations et des cycles de vie. Les rituels, qui peuvent être publics ou privés, sont destinés à apporter une satisfaction personnelle et communautaire en matière de pratique religieuse, de spiritualité, de besoins émotionnels, de renforcement des liens familiaux et sociaux, d’atteinte d’objectifs pédagogiques, etc. Un exemple de rituel public est le rite de taghunja ou tislit n unzar (épouse de la pluie), qui remonte à une ancienne tradition de rassemblement et de chant devant la déesse Tanit pour l’implorer d’apporter la pluie lorsque l’eau se fait rare.’’]

L’oralité des femmes berbères est ancestrale, polyvalente et omniprésente. Elle couvre la poésie, les chansons, les contes populaires et l’art oratoire public et couvre des sujets allant de l’amour, de soi, de la famille et de la communauté à la lutte pour l’indépendance du colonialisme et de la modernité.

L’oralité a également servi d’instrument de fidélité linguistique. Dans l’ensemble, la structure des contes populaires féminins berbères est très complexe et présente des caractéristiques externes et internes spécifiques. Les caractéristiques externes peuvent être divisées en trois : un début, un ensemble variable d’épisodes connectés et une fin. En interne, les récits sont à la fois non chronologiques et intemporels. Les informations les plus marquantes sont généralement codées de manière distincte des autres, c’est-à-dire de la manière la plus pertinente du point de vue du conteur. [lviii]

Les femmes perçoivent également le récit comme un moyen puissant de maintenir et de perpétuer le pouvoir au sein de la famille, en particulier dans les ménages ruraux élargis. Les grands-mères renforcent leur statut en reportant délibérément la fin d’une histoire à la nuit suivante, créant ainsi un suspense continu. Elles utilisent également des histoires pour créer des relations et donner l’impression que ce qu’elles ne disent pas est aussi important que ce qu’elles disent. [lix]

En un sens, ces femmes créent leur propre pouvoir. Cela montre que contrairement aux idées essentialistes, le langage des femmes n’est pas impuissant. Les stratégies narratives des femmes berbères sont compréhensibles dans des contextes où les femmes plus âgées ont le sentiment que leurs belles-filles plus jeunes acquièrent « trop » de pouvoir en ayant des enfants et cherchent ainsi à conserver un certain contrôle sur les parents à travers leurs enfants. [lx]

Les femmes berbères préservent leurs traditions en créant des objets artisanaux. Les motifs et les couleurs distincts des tapis, poteries et textiles berbères reflètent leur héritage culturel. Ces objets artisanaux sont non seulement beaux mais aussi un symbole de la culture et des traditions berbères.

Les femmes berbères préservent également leurs traditions en les transmettant aux jeunes générations. Les jeunes filles apprennent à tisser, à cuisiner des plats traditionnels et à participer à des cérémonies culturelles. Cela garantit que les traditions berbères continuent de prospérer et sont transmises aux générations futures.

Les femmes sont les gardiennes, aussi, du modèle alimentaire berbère ; elles jouent un rôle crucial à différents niveaux de la production agricole. En effet, malgré les rôles interdépendants des hommes et des femmes, ces dernières remplissent de multiples rôles dans la production agricole et la sécurité alimentaire de la famille et de la tribu : [lxi]

‘’Les femmes ont joué un rôle prépondérant dans la conservation des modèles alimentaires berbères grâce à la préservation des semences biodiversifiées et des variétés locales, à la transmission de la langue berbère de génération en génération et au partage des connaissances sur les aliments, les plantes médicinales et les pratiques culturelles liées à l’alimentation et à la sécurité alimentaire. Des facteurs politiques, sociaux, démographiques, économiques et culturels ont affecté le modèle alimentaire berbère et le rôle des femmes dans sa préservation. Le passage d’un modèle traditionnel semi-autarcique à un modèle d’économie de marché a conduit à l’importation de produits alimentaires, à l’érosion des composantes culinaires telles que les plantes sauvages comestibles et à l’homogénéisation de l’alimentation. Malgré ces changements et la transition nutritionnelle qui en découle, le régime alimentaire berbère reste un héritage culturel en raison de sa riche diversité. Les femmes berbères jouent un rôle crucial dans la préservation et la durabilité du patrimoine culinaire berbère et de la sécurité alimentaire.’’

Ces rôles incluent semer et récolter des produits agricoles, élever de la volaille et du bétail, aller chercher de l’eau et ramasser du bois de chauffage. Elles sont également responsables de tâches telles que la transformation de la laine pour l’habillement et le textile.

Le respect et l’acceptation de l’autre

Historiquement, les sociétés berbères se caractérisent par un degré élevé de tolérance amsamah et d’acceptation des différentes croyances et coutumes. Cela se voit dans leurs interactions avec divers groupes religieux et ethniques tout au long de l’histoire.

L’habitation humaine dans la région de l’Afrique du Nord a commencé il y a plus d’un million d’années. [lxii]  Des restes d’Homo erectus au cours de la période du Pléistocène moyen ont été découverts en Afrique du Nord. Les Berbères, qui ont généralement précédé de plusieurs millénaires les Phéniciens et l’établissement de Carthage, seraient nés d’événements sociaux façonnés par la confluence de plusieurs peuples antérieurs, c’est-à-dire la culture capsienne, événements qui ont finalement constitué leur ethnogenèse. Par la suite, les Berbères vécurent comme un peuple indépendant en Afrique du Nord, y compris dans la région tunisienne. [lxiii]

Les Phéniciens dans Tamazgha

Les Phéniciens étaient un ancien peuple de langue sémitique originaire de la Méditerranée orientale et installé dans les zones côtières du Liban, de la Syrie et du nord d’Israël actuels. Ils étaient connus pour leur commerce maritime et établissaient des colonies dans toute la Méditerranée, notamment à Carthage en Afrique du Nord.

Les Phéniciens ont été les premiers à explorer le Maroc, dès le XIe siècle av. J.-C., en y établissant des comptoirs commerciaux. Les villes de Tanger, Lixus, Sala, et Mogador (Essaouira) étaient des comptoirs phéniciens. À l’influence phénicienne succède l’influence carthaginoise, qui profite des zones côtières pour s’aventurer et s’implanter plus profondément à l’intérieur des terres. Les Carthaginois fondèrent des avant-postes à Tanger et Essaouira, tout en construisant une ville sur le site de l’actuelle Rabat.

Les colonies phéniciennes d’Afrique du Nord ont commencé comme une présence commerciale pacifique parmi les premiers habitants amazighs de la région. Ces colonies, bien qu’initialement habitées par des Phéniciens de la Méditerranée orientale, sont devenues un mélange des deux peuples à mesure qu’ils se sont mariés avec les Amazighs locaux.

L’interaction entre les Phéniciens et les Berbères est un sujet d’intérêt historique, car les Phéniciens ont établi des réseaux commerciaux et des colonies en Afrique du Nord, influençant les populations berbères locales. Cette interaction a eu un impact durable sur la culture et la société de la région.

On attribue aux Amazighs, ainsi qu’aux Phéniciens puniques, qui ont survécu à l’assujettissement romain de la région, la préservation de la langue phénicienne jusqu’à l’époque de saint Augustin au Ve siècle. De plus, des traces de l’alphabet phénicien sont évidentes dans l’alphabet tamazight (berbère) appelé Tifinagh ⵜⵉⴼⵉⵏⴰⵖ. [lxiv]

Les relations entre Berbères et Phéniciens furent complexes et variées au fil du temps. Les Phéniciens, une civilisation maritime de la Méditerranée orientale, ont établi des colonies commerciales le long de la côte nord-africaine, où ils ont interagi avec les populations berbères indigènes. Ces interactions comprenaient le commerce, les échanges culturels et des conflits occasionnels.

Les Phéniciens sont connus pour avoir établi d’importants comptoirs commerciaux dans des régions telles que la Tunisie et l’Algérie actuelles, où ils échangeaient des produits tels que de la poterie, de la ferronnerie et des textiles avec les Berbères. Au fil du temps, il y a également eu des mariages mixtes et une assimilation culturelle entre les deux groupes.

Cependant, il y a eu aussi des périodes de tensions et de conflits entre les Phéniciens et les Berbères, alors que les colonies phéniciennes cherchaient à étendre leur influence et leur contrôle sur la région. Cela a conduit à des conflits militaires et à des luttes de pouvoir, les Berbères résistant aux tentatives phéniciennes de dominer leurs territoires.

Vers 800 av. J.-C., des colons phéniciens arrivèrent d’Asie occidentale. Ils fondèrent la ville de Carthage, dans la Tunisie moderne. Carthage possédait un bon port et une position militaire importante. Lorsque les Perses conquirent la Phénicie à la fin des années 500 av. J.-C., Carthage obtint son indépendance. Les Perses n’avaient pas de marine. Ils n’étaient pas très intéressés par la Méditerranée. Carthage a ainsi pu devenir un pays indépendant. Comme d’autres endroits vers 500 av. J.-C., Carthage s’est érigée en république. Les citoyens adultes de sexe masculin votaient sur des questions importantes et choisissaient leurs propres dirigeants.

Dans l’ensemble, les relations entre les Berbères et les Phéniciens et les Carthaginois étaient caractérisées par un mélange de coopération, de commerce, d’échanges culturels et de conflits occasionnels. Mais durant tout le règne de Carthage, les Imazighen ⵉⵎⴰⵣⵉⵖⵏ ont montré un grand degré de tolérance et un grand respect pour le vivre-ensemble. Ainsi Carthage c’est grandement imprégné de culture amazighe : habits, cuisine, musique et religion.

Les Romains dans Tamazgha ⵜⴰⵎⴰⵣⵖⴰ

En 40 ap. J.-C., la région nord du Maroc fut annexée à l’Empire romain. [lxv] Volubilis est le site romain antique le plus important du Maroc, inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 1997. La présence de Rome sur le sol marocain a duré jusqu’au IIIe siècle. Au début du Ve siècle, le pays bascule pour passer sous la domination des Vandales, d’origine germanique, jusqu’au milieu du VIe siècle, période qui voit l’empereur byzantin Justinien Ier anéantir le royaume vandale.

La période pendant laquelle les Romains dominaient l’Afrique du Nord (146 BCE-439 CE) nous intéresse particulièrement, car elle présente un phénomène remarquable de production littéraire, scientifique et religieuse par d’éminents savants amazighs pour le monde romain. [lxvi]

L’Afrique du Nord berbère a été la province la plus prospère de la fin de l’Empire romain et a connu un essor dans tous les domaines, mais surtout dans ceux de la science et de la médecine. [lxvii] Un grand nombre de textes médicaux produits à cette époque dans l’ensemble de l’Empire romain provenaient d’Afrique du Nord. Quatre médecins/auteurs médicaux amazighs remarquables de l’Afrique du Nord de la fin du quatrième et du début du cinquième siècle attirent immédiatement notre attention : Helvius Vindicianus, Theodorus Priscianus, Caelius Aurelianus et Cassius Felix. [lxviii]

Les régions côtières et la partie orientale de l’Afrique du Nord romaine bénéficient dans l’ensemble d’un climat favorable, ce qui garantissait des récoltes fiables. Avant même l’époque romaine, les Phéniciens avaient appris les principes de la rotation des cultures et de l’irrigation et obtenaient de grandes récoltes, mais ils les utilisaient pour nourrir leur propre population et non pour l’exportation. L’agriculture italienne, quant à elle, a connu une mauvaise passe à la fin de la République et au début de l’Empire. Les petits paysans qui ne parvenaient pas à gagner leur vie ont afflué à Rome, où ils ont réclamé de la nourriture. À partir du premier siècle de notre ère, Rome dépend donc de plus en plus l’importation de céréales en provenance d’Égypte et d’Afrique du Nord. En effet, pendant 300 ans, l’Afrique du Nord a envoyé chaque année un demi-million de tonnes de céréales pour nourrir les masses. [lxix] À l’apogée de sa prospérité, au cours des deuxième et troisième siècles de notre ère, Tamazgha ⵜⴰⵎⴰⵣⵖⴰ était le grenier de Rome et produisait plus d’huile d’olive que l’Italie elle-même.

L’élargissement des horizons de l’Empire romain a permis à certains fils de Tamazgha ⵜⴰⵎⴰⵣⵖⴰ,  [lxx] de développer leurs talents particuliers : les écrivains Térence et Apulée [lxxi] , le premier empereur romain berbère Septime Sévère, [lxxii] et de célèbres théologiens chrétiens comme Tertullien et Saint Augustin, [lxxiii]  pour n’en citer que quelques-uns, qui ont su relever les défis de leur époque. [lxxiv]

Au cours des trois guerres puniques, [lxxv] Rome a directement noué des relations permanentes avec le peuple berbère. Toutefois, à la suite de la troisième guerre, Rome s’est tournée vers la Méditerranée orientale. La chute de la République romaine a conduit aux guerres civiles romaines, dont les actions militaires intermittentes et les conflits politiques ont indirectement amplifié l’importance des rois berbères. Les factions romaines rivales recherchaient des alliances avec les Berbères en raison des exigences fluctuantes et des fortunes changeantes. Les relations entre les Berbères et Rome sont devenues polyvalentes et fluides, caractérisées tour à tour par une alliance de travail, une ambivalence fonctionnelle, une hostilité partisane, des manœuvres voilées et des relations fructueuses. Néanmoins, pendant ces années de conflit civil romain, le statut politique des rois berbères a continué à s’éroder. De souverains indépendants (Masinissa), les rois berbères étaient devenus des alliés de longue date ; plus tard, leur alliance politique a été requise, et finalement ils ont été réduits à des clients romains.

Pendant près de 250 ans, les rois berbères de la « Maison de Masinissa » [lxxvi] ont régné en Numidie dans l’Algérie moderne, et plus tard dans les régions adjacentes, d’abord en tant que souverains alliés de Rome, puis finalement en tant que clients romains. Cette période commença par l’armée romaine, assistée par la cavalerie berbère dirigée par Masinissa lors de la bataille de Zama en 202 av. J.-C., et dura jusqu’en 40 ap. J.-C., sous le règne de l’empereur romain Gaius, également connu sous le nom de Caligula (37-41).

Le roi berbère Masinissa (vers 240-148 av. J.-C.) [lxxvii] a été à la fois bien connu et bien considéré à Rome pendant de nombreuses décennies. Il fut le premier et le plus important des premiers dirigeants berbères à établir des relations importantes avec l’État romain. Sa famille devint ce que l’on peut considérer comme la famille royale de Numidie et de ses environs pendant huit générations : la Maison de Masinissa. [lxxviii] Une inscription bilingue (en punique et en libyque) de la ville de Thugga, réalisée quelques années après sa mort, commence comme suit :

 » Les citoyens de Thugga ont construit ce temple au roi Masinissa, fils du roi Gaia, fils du sufete Zilasan, en l’an dix de Micipsa « . Ici, la fonction traduite par « roi » était écrite GLD (cognate avec le berbère moderne « agellid » [chef de tribu suprême]). Le trône est arrivé à Masinissa par une voie détournée (de son père à son oncle, puis à son cousin). Le « sufete » (hébreu : Shophet) était un titre punique souvent traduit par « juge », comme dans le livre biblique des Juges, l’hébreu étant une langue sémitique sœur du punique. Le roi Micipsa était le fils de Masinissa. »

Les Juifs chez les Imazighen ⵉⵎⴰⵣⵉⵖⵏ

Une nouvelle analyse génétique a reconstitué l’histoire des Juifs d’Afrique du Nord, montrant que ces populations datent de l’Israël de l’ère biblique et ne sont pas en grande partie les descendants d’autochtones convertis au judaïsme. Selon une étude : [lxxix]

‘’les Juifs d’Afrique du Nord datent de l’Israël de l’ère biblique et ne sont pas en grande partie les descendants d’indigènes convertis au judaïsme’’.

Ainsi, les preuves ADN donnent du crédit aux récits selon lesquels le roi d’Égypte aurait installé des Juifs en Cyrénaïque, dans l’actuelle Tunisie, en 312 av. J.-C. Selon l’historien juif Josèphe (né en 37 après J. -C.), au premier siècle après J. -C., il y avait là-bas 500 000 Juifs.

Il est possible que certains Juifs aient fui vers l’Afrique du Nord après la destruction du Premier Temple au VIe siècle avant notre ère et aussi après la destruction du Second Temple au premier siècle de notre ère. Il est également possible qu’ils soient arrivés sur des bateaux phéniciens (l’an1500 et aussi l’an 539 avant notre ère). [lxxx]

Sur la base des écrits d’Ibn Khaldoun, [lxxxi] certains ont suggéré que les Juifs marocains étaient des Imazighen ⵉⵎⴰⵣⵉⵖⵏ indigènes qui se sont convertis au judaïsme, [lxxxii] bien que la question de savoir qui les a convertis demeure. [lxxxiii] Cette théorie a été rejetée par la plupart des chercheurs. [lxxxiv] Cela a également été réfuté par des études génétiques modernes, qui ont révélé que les Juifs nord-africains sont génétiquement proches des Juifs européens et ne partagent pas les haplo groupes typiques des populations berbères et arabes d’Afrique du Nord. [lxxxv]

La communauté juive d’Ifran, du mot tamazight ifri signifiant caverne, remonterait à 361 avant notre ère et serait la plus ancienne communauté juive de ce qui est aujourd’hui le Maroc. Les historiens font référence à plusieurs vagues d’immigration juive en Afrique du Nord, commençant potentiellement par la destruction du Temple de Salomon après le siège de Jérusalem en 587 av. J. -C., mais certainement en cours au moment de la rébellion juive au Moyen-Orient contre les Romains, qui a commencé en 66.

Les Juifs installés au Maroc auraient, par la suite, fui de grandes villes telles que Fès et Meknès vers les montagnes de l’Atlas pendant la persécution du califat almohade qui dirigeait l’Afrique du Nord et al-Andalus aux XIIe et XIIIe siècles. [lxxxvi] Les Almohades, berbères musulmans, étaient nettement moins tolérants envers les non-musulmans que leurs prédécesseurs. Par un rebondissement historique, c’est dans ces villes que de nombreux Juifs fuyant l’Inquisition espagnole à la fin du XVe siècle trouvèrent refuge, compréhension et tolérance.

Malgré les différences religieuses, la proximité des voisins musulmans et juifs au sein du Maroc rural a créé des communautés étroitement liées, ce qui signifie que l’artisanat, les coutumes, la culture et la langue ont été échangés pour créer un mélange typiquement marocain. Même si aujourd’hui pratiquement aucun Juif ne vit dans les communautés berbères rurales, leur héritage est visible dans tout le pays si l’on sait où chercher : maisons, cimetières et temples.

Il existe deux théories concernant l’existence d’un sous-groupe de Berbères distinctement juif. Que les Berbères marocains autochtones aient adopté la foi et la culture juives et/ou que les Juifs aient émigré en Afrique du Nord et adopté la langue et la culture berbères. En réalité, les couches du patchwork culturel du Maroc sont probablement antérieures à l’ère romaine.

Si la reconnaissance des frontières a permis des relations personnelles interreligieuses et des relations mutuelles de respect parmi les musulmans et les juifs des montagnes de l’Atlas, l’ambiguïté des frontières, les remettant en question, voire les brisant, offrait une opportunité (et un matériau) d’expression créative. [lxxxvii]

L’ambiguïté est « inhérente à tout système de frontières » et est donc « également un espace de potentiel, de créativité et de danger ». [lxxxviii] Les traditions orales conservés témoignent du fait que l’expression créative et la collaboration culturelle sont nées de la négociation, de la construction, du croisement ou de l’effacement continus des frontières.

Les traditions orales berbères ont fourni des formes créatives pour jouer avec ces frontières multifonctionnelles. Les limites sont souvent devenues des frontières mouvantes, poétiquement construites. Le philosophe Ludwig Wittgenstein (1889-1951), a noté que quand on trace une frontière, cela peut être pour diverses raisons. Si on entoure une zone d’une clôture ou d’une ligne ou autrement, le but peut être d’empêcher quelqu’un d’entrer ou de sortir ; mais cela peut aussi faire partie d’un jeu et les joueurs sont censés, par exemple, sauter par-dessus la frontière. [lxxxix]

Comme on le voit dans les traditions orales berbères, les frontières peuvent être considérées comme faisant partie d’un système intercommunautaire (jeu) qui impliquait que les deux se connaissent, tout en établissant une distinction claire entre musulman et juif.

Les identités et les frontières sont étroitement liées. Les gens façonnent leur identité et donc leurs frontières communautaires à travers des récits.

‘’Les frontières peuvent également être valorisées dans le discours comme arrière-plan sur lequel les transgressions créatrices des individus et des identités valorisées, mercurielles et hybrides peuvent être construites.’’ [xc]

L’enjeu est l’identité dans la négociation de la séparation et de la proximité ; la fluidité des frontières et le manque de distinction peut également être une menace, en particulier pour la survie des Juifs, groupe religieux minoritaire dans un environnement largement musulman.

En tout état de cause, il faut dire que les juifs lorsqu’ils sont arrivés dans Tamazgha ⵜⴰⵎⴰⵣⵖⴰ ils ont immédiatement été adopté par les Imazighen ⵉⵎⴰⵣⵉⵖⵏ et ainsi cette convivialité proverbiale s’est exprimée par un accord tacite entre les Hébreux et les Berbères : le substrat culturel judéo-berbère qui a encadré les relations entre les deux groupes. [xci] Ainsi depuis 587 av. J.-C. jusqu’à 1970 de notre ère les Juifs berbères ont vécu en grande convivialité avec les musulmans.

Dans les régions rurales du Maroc du sud-est ils se sont spécialisés dans le travail de l’orfévrie, le commerce saharien et sont ainsi devenus les grands guides azettat des caravanes qui commerçaient avec les peuplades du Sahel.

En effet, le long de la célèbre « route des 1000 Kasbahs », la communauté juive berbère de Tinghir, sur le versant est des montagnes de l’Atlas, a été documentée dans le récent film de Kamal Hachkar, ‘’Tinghir-Jérusalem – Echos du Mellah’’. [xcii] Il y avait certains métiers pratiqués par les juifs et d’autres par les musulmans. Chaque communauté avait ses lieux de culte mais elles ont partagé leurs festivités, leur langue – les bons et les mauvais moments – pendant plus de 2000 ans jusque dans les années 1970.

Dans la ville de Sefrou, [xciii] qui était connue sous le sobriquet de : Petite Jérusalem les Juifs travaillaient dans l’agriculture avec les Imazighen ⵉⵎⴰⵣⵉⵖⵏ du Moyen Atlas mais aussi en tant que guides azettat des caravanes commerciales qui partaient de Sefrou vers Tombouctou.

Les Imazighen ⵉⵎⴰⵣⵉⵖⵏ en Andalousie

Les Berbères ont joué un rôle important dans l’histoire d’al-Andalus, la péninsule ibérique sous domination musulmane du VIIIe au XVe siècle. Ils faisaient partie intégrante de la conquête musulmane de la région et contribuèrent au développement culturel et politique d’al-Andalus. [xciv]

En al-Andalus, les Berbères constituaient une partie importante de la population et possédaient leur propre identité culturelle et politique distincte. Ils ont également joué un rôle clé dans l’administration et l’armée des empires musulmans qui régnaient sur la région. [xcv]

Les Berbères d’al-Andalus ont également eu un impact significatif sur le développement culturel et intellectuel de la région, contribuant à la société dynamique et diversifiée qui caractérisait la péninsule ibérique sous domination musulmane. [xcvi]

D’après J. Bosh-Villà, la présence des Imazighen ⵉⵎⴰⵣⵉⵖⵏ en Andalousie est d’une grande importance culturelle et humaine : [xcvii]

‘’L’histoire de la période musulmane dans la Péninsule est en effet pour une part non négligeable une histoire des Berbères sur le continent européen. Les premiers combattants qui établissent l’Islam en Hispanie furent des Berbères et ce sont eux encore qui, au cours des siècles, contribuèrent le plus efficacement à la défense du califat de Cordoue en occupant les Marches (ṯugūr) ; ce sont les Berbères aussi qui, dans les armées omeyyades, se rebellent maintes fois en allant, au début du xie siècle, jusqu’à piller la capitale du Califat et ruiner Madīnāt az-Zahrā’ et Madīnat az-Zāhira. Les Berbères, appuyant ou renversant tel ou tel calife, finissent par jouer le rôle politique essentiel et occupent même le pouvoir (califes hammûdides). Plusieurs royaumes de Taïfa, qui enrichissent la culture arabo-islamique, furent des principautés aux mains de familles berbères. Les Berbères sahariens, avec les Almoravides, les Berbères du Haut Atlas avec les Almohades refirent l’unité d’al-Andalus pour un siècle et demi ; bien mieux, al-Andalus devient alors une province de ces deux empires berbères. Berbères encore, furent les défenseurs du royaume nasride de Grenade, berbères furent aussi les Beni Merin qui pendant quelques années, à la fin du xiiie siècle, occupèrent le sud d’al-Andalus, entre le Bas-Guadalquivir qui avait été reconquis par les Chrétiens et le royaume de Grenade. Dans les siècles suivants le mouvement de reflux fait retourner en Afrique de nombreux « andalous » ; la grande expulsion des Morisques, entre 1611 et 1613, ramène au Maghreb des populations hispanisées tandis qu’une petite partie, conservée noyée dans la population espagnole, contribua au peuplement de l’Amérique.’’

L’Espagne musulmane s’est caractérisé par une myriade de systèmes sophistiqués, complexes et dynamiques qui s’appuyaient invariablement sur un fondement enraciné dans un contexte ethnique de population diversifiée composée d’Arabes, de Berbères, de Muwalladun, de Mozarebs, de Juifs, et de chrétiens. Selon la plupart des chercheurs, le thème dominant de cette période dans la péninsule ibérique était un niveau de tolérance sans précédent. C’est l’avènement de la convivencia. [xcviii]

Les informations toponymiques dérivées de textes arabes classiques, en particulier le ‘’Kitab al-Mamalik wa-l-Masalik’’ d’Abou ‘Ubayd al-Bakri, [xcix] donnent un aperçu des différences dans la manière dont les colonies berbères étaient organisées des deux côtés du détroit de Gibraltar. Tout au long du texte d’al-Bakri, la population du Maghreb est présentée comme divisée en différents groupes selon différentes origines. Une partie importante de la population vivait dans le cadre d’une structure tribale. Les Berbères d’al-Andalus suivaient deux modèles distincts : des groupes vivant dans des régions frontalières en dehors des agglomérations urbaines et des groupes intégrés dans les structures urbaines. Ces derniers ont progressivement perdu leur idiosyncrasie onomastique. En al-Andalus, le facteur ethnique n’était pas dominant avant le XIe siècle.

Lorsque le califat fut aboli, les territoires d’al-Andalus furent divisés en petits royaumes appelés taifas. La composition de ces taifas est intéressante à noter, comme l’écrit Kennedy qui précise : [c]

‘’Les dirigeants qui sont apparu dans les années 1010 et 1020 peut être divisé, grosso modo, en quatre groupes ; familles patriciennes arabes locales, anciens chefs berbères établis, dirigeants saqaliba et soldats berbères nouvellement arrivés.’’

Il convient de noter que ni les Muwalladuns ni les Mozarebs régnaient sur les taifas et les Juifs étaient souvent séquestrés vers leur propre logement. Ceci couplé au fait que les Berbères représentait environ 50 % de la classe dirigeante pendant la période taifa, ainsi cela justifie amplement l’implication de l’influence berbère en al-Andalus comme étant un élément fondateur important.

Trois des taifas les plus connues étaient Badajoz, Grenade et Séville, toutes gouvernées par des enclaves berbères. La force commune contre ces trois taifas, la pression incessante était exercée par les États chrétiens en progression et par Alonso VI.

Sachant pertinemment qu’ils pourraient potentiellement perdre leurs royaumes au profit du Almoravides plus puissants, les taifas n’eurent d’autre choix que de chercher des armes militaires et l’aide de cette dynastie berbère religieusement zélée.

Les rois/hajibs des taifas étaient incapables de défendre adéquatement leurs royaumes, après avoir reçu l’aide des Almoravides, les taifas succombèrent plus tard aux hyper religieux Almohades dont le thème central était la réforme de L’Islam à travers un appel au jihad. [ci]

Que ce soit par des exploits militaires, ou en jouant un rôle dans la validation du calife, l’ADN des Berbères en a fait des catalyseurs dans le paysage volatile et évolutif de l’Espagne musulmane et sans doute le plus important groupe ethnoreligieux influent de la péninsule ibérique.

Les Français/Espagnols et les Imazighen ⵉⵎⴰⵣⵉⵖⵏ

Pour réaliser ses rêves d’hégémonie sur l’Afrique du Nord, la France a utilisé la diversité ethnique et culturelle comme une arme et a créé des discordes sectaires pour atteindre ses objectifs coloniaux.

Pour les stratèges coloniaux, « diviser pour régner » était l’outil de prédilection pour exploiter les points faibles de leurs victimes. Et rien ne permettait aux Français d’avoir plus de poids que les frictions entre les identités et les ethnies en Afrique du Nord. [cii]

Pour la France, il y avait deux options. Les colonisés pouvaient soit se battre entre eux, et donc ne pas s’unir contre leurs suzerains coloniaux, soit se soulever contre la mère France. Avec suffisamment de frictions provoquées par les structures du pouvoir colonial, certaines relations ne sont jamais redevenues ce qu’elles étaient, donnant lieu aux tensions sectaires modernes qui refusent d’être résolues. [ciii]

Cela offrait aux puissances coloniales une hégémonie incontrôlée, alimentée par des personnalités opportunistes locales, qui devenaient leurs marionnettes. La résistance fragmentée et le terrain de jeu des idéologies conflictuelles ont permis aux maîtres coloniaux de jouer de leurs sujets comme du violon.

L’Afrique du Nord a connu un usage intensif de cette technique sous la domination coloniale française pour renforcer son emprise sur les pays, selon un large éventail de sources historiques et expertes. La France a activement travaillé à la création de divisions ethniques et linguistiques distinctes au sein des sociétés maghrébines. Cela a été fait dans le but exprès de susciter des conflits intestins et de semer la division entre les peuples d’un même pays.

Rien n’a plus servi le mandat colonial de la France que la fracture arabo-amazighe, notamment en Algérie et au Maroc. [civ] Il s’agissait d’une division entre les Berbères amazighs autochtones et les Arabes de souche originaires de la péninsule arabique il y a plusieurs siècles.

C’était le résultat d’enquêtes et de recherches froides et calculées menées par des sociologues et des scientifiques coloniaux. Les premières missions expéditionnaires françaises ont consacré une énergie et des ressources considérables à identifier les moindres détails sociétaux en plus de cartographier avec précision les frontières démographiques et géographiques. [cv]

Lalla Fadhma N’Soumer (1830 – c.1863) était une figure importante du mouvement de résistance algérien pendant les premières années de l’invasion coloniale française de l’Algérie, et fièrement berbère. Elle était considérée comme l’incarnation de la lutte. Elle était connue comme « l’insoumise », « la révoltée » ou encore « la Jeanne d’Arc du Djurdjura ». [cvi]

Fadhma N’Soumer est une histoire vraie, c’est la figure de la femme kabyle qui a défié l’armée coloniale française en Algérie, mené des villages entiers au combat et brisé les règles sociales et politiques de son époque. [cvii] La jeune femme a consacré sa vie à cette cause. La résistance des tribus à l’occupation de son village et, plus largement, à la colonisation française en Algérie. Elle mourra en 1863 à l’âge de 33 ans, alors qu’elle a été incarcérée à la zaouïa (école soufie) d’Issawiya à Tablat en Kabylie, après avoir été capturée sur le champ de bataille en juillet 1857 par le désormais général Youssouf, chef militaire de la France enAlgérie. Des rumeurs circulent sur le fait qu’elle serait morte de chagrin après l’assassinat de son frère et de son bras droit lors des combats à Sidi Taher. Mais les mauvaises conditions dans lesquelles elle a été détenue pendant six ans pourraient être aussi à l’origine de sa mort. [cviii]

Émile Carrey, écrivain, et Alphonse François Bertherand médecin lors de la campagne de Kabylie en 1857, tous deux accompagnant les troupes françaises la décrivent : [cix]

‘’ Seule la prophétesse, formant disparate avec son peuple, est soignée jusqu’à l’élégance. Malgré son embonpoint exagéré, ses traits sont beaux et expressifs. Le kohl étendu sur ses sourcils et ses cils agrandit ses grands yeux noirs. Elle a du carmin sur les joues, du henné sur les ongles, des tatouages bleuâtres, épars comme des mouches sur son visage et ses bras, ses cheveux noirs soigneusement nattés, s’échappent d’un foulard éclatant, noué à la façon des femmes créoles des Antilles. Des voiles de gaze blanche entourent son col et le bas de son visage, remontant sous sa coiffure comme les voiles de la Rebecca d’Ivanhoé. Ses mains fines et blanches sont chargées de bagues. Elle porte des bracelets, des épingles, des bijoux plus qu’une idole antique.’’

« Fatma est une espèce d’idole, d’une tête assez belle mais tatouée sur tout le corps et d’un embonpoint tellement prodigieux que quatre hommes ne pouvaient l’aider à marcher….tous les soldats criaient « Place à la reine de Pamar » et faisaient sur son compte milles bonnes ou mauvaises plaisanteries. Le lendemain on lui rendit la liberté mais du moment où elle est entre nos mains, toute résistance cessa.’’

Après que la France ait signé le traité de Fès en 1912 lui permettant d’occuper le Maroc, elle a ensuite signé un autre traité avec l’Espagne donnant au pays des zones d’influence au nord et au sud du Maroc. La partie nord est devenue le protectorat espagnol du Maroc, tandis que la partie sud a été ajoutée par l’Espagne à sa colonie du Sahara espagnol, qui s’étendait au sud jusqu’à la frontière avec la Mauritanie. [cx]

Le protectorat espagnol excluait la ville de Tanger, devenue zone internationale en 1923. Il excluait également les villes de Ceuta, contrôlée par l’Espagne depuis le XVIIe siècle, et de Melilla, contrôlée par l’Espagne depuis le XVe siècle. La ville de Tétouan devient la capitale du protectorat espagnol.

De 1921 à 1926, les tribus locales des montagnes du Rif, dirigées par Ben Abdelkrim al-Khattabi, fondèrent la République du Rif, sur le territoire du protectorat espagnol. Avec l’aide des forces françaises, l’Armée espagnole d’Afrique combattit l’armée de guérilla de Ben AbdelKrim et élimina la République. La guerre du Rif (1921-1926) a donné le coup d’envoi pour les luttes d’indépendance partout dans le monde et le début de la décolonisation. [cxi] Ben Abdelkrim était aussi le concepteur de la guérilla et fut ainsi loué pour cela par Ho Chi Minh, le père de l’indépendance du Vietnam.

Marqués par la résistance acharnée des combattants berbères de Ben Abdelkrim, entre 1924 et 1927, lors de la guerre du Rif (1921-1926), les Espagnols bombardèrent la région du Rif avec des armes chimiques, principalement du gaz moutarde. Près d’un siècle plus tard, les effets de la guerre chimique sont toujours visibles. Le Rif est la région du Maroc où le taux de patients atteints de cancer est le plus élevé. [cxii]

Conclusion : Les Imazighen ⵉⵎⴰⵣⵉⵖⵏ porteur de civilisation universelle

L’amazighitude est souvent considérée par les hommes de sciences (anthropologues, sociologues, ethnologues, linguistes, historiens et autres) aussi bien que le commun des mortels comme une ethnie ou bien une culture et les Imazighen ⵉⵎⴰⵣⵉⵖⵏ comme un peuple autochtone. En réalité, le peuple amazigh est parmi les plus anciens peuples du pourtour méditerranéen et de l’Afrique. Il a donné naissance à une civilisation universelle imprégné de valeurs universelles de tolérance d’acceptation de l’autre et du vivre-ensemble.

L’identité ethnique berbère est le résultat d’une fusion entre les populations indigènes de l’âge de pierre moyen de la période caspienne et les immigrants néolithiques qui se sont installés en Afrique du Nord en tant qu’agriculteurs du Moyen-Orient. Cette dernière composante a également fourni des impulsions culturelles et linguistiques cruciales. [cxiii]

Les peuples berbères ont été mentionnés pour la première fois dans les écrits des Égyptiens durant la période prédynastique (4000-3032 av. J.-C.). Durant le Nouvel Empire (1550-1070 av J.-C.), les Égyptiens combattirent à la frontière occidentale contre les Meshwe et les Libu vers 945 av. J. -C. À partir de ce moment, les Égyptiens furent gouvernés par le peuple berbère des Meshvess, qui régna sur la 22e dynastie sous Sheshonq I ⵛⵉⵛⵏⴰⵇ (946-924 av. J.-C.). Cela marqua le début d’une longue période de domination berbère en Égypte, durant laquelle les Berbères représentaient la principale population du désert occidental. [cxiv]

Au sujet des Pharaons berbères, Slaouti Mebarek Taklit écrit : [cxv]

‘’Le pouvoir égyptien est entre les mains d’étrangers, les Berbères, depuis le premier millénaire avant le Christ jusqu’à l’arrivée d’Alexandre le Grand au troisième siècle. Comment les Berbères, supposés appartenir à une civilisation africaine rudimentaire ont-ils pu s’installer en Egypte et y former un Etat fort en Méditerranée durant près de mille ans ? Un déferlement humain venu de l’Ouest méditerranéen africain a envahi l’Egypte pharaonique vers 1200 avant le Christ puis s’y est imposée comme classe dirigeante du pouvoir égyptien. C’est ainsi qu’au premier millénaire, le pharaon d’origine berbère, Sheshonq 1er assoit son pouvoir en y associant les membres de sa famille aussi bien dans le clergé que dans l’aristocratie royale. Ses successeurs vont se maintenir au pouvoir et participer à la grandeur de l’Egypte. Ils devront toutefois lutter contre certains pharaons d’origine éthiopienne avec qui ils partageront le pouvoir puis contre la montée grandissante extérieure venue d’Asie : l’Assyrie puis les Achéménides avec Darius. Pour cette lutte, l’un des pharaons, au sixième siècle, fera creuser le Canal de Suez. Ils se maintiendront au pouvoir et feront finalement appel à Alexandre le Grand qui deviendra pharaon et anéantira l’ennemi asiatique. Et les Berbères sont toujours là et leurs pratiques et cultures semblent appartenir à un monde méditerranéen grandiose très ancien.’’

Pendant de nombreux siècles, les Berbères ont habité la côte de l’Afrique du Nord, de l’Égypte à l’océan Atlantique. Durant cette période, les régions côtières de l’Afrique du Nord ont connu une longue lignée de conquérants, de colons et de colonisateurs : les Phéniciens qui fondèrent Carthage, les Grecs (principalement à Cyrène), les Romains, les Vandales, les Alains, les Byzantins.

En conclusion, il faut dire que la civilisation amazighe qui puise ses racines millénaires dans à la fois son Afrique natale, côté identité, et respire l’universalité par son appartenance au pourtour méditerranéen est une culture de portée universelle. La trinité amazighe trouve sa concrétisation dans les valeurs universelles du vivre-ensemble, de la tolérance de la coexistence et de la paix, hier et aujourd’hui, par tamaghrabit qui rime avec le respect de l’autre dans sa différence.

Cette tolérance milléniale des Imazighen ⵉⵎⴰⵣⵉⵖⵏ commencée avec les Hébreux en 587 av. J.-C. et qui s’est soldée par une grande convivialité [cxvi] résultant en l’adoption du substrat culturel judéo-berbère. Valeur qui a existé jusqu’au départ des Juifs vers Israël en 1970 pour accomplir leur Aliya. Toutefois, il faut dire qu’il y a toujours environ 3000 Juifs au Maroc et que ceux d’Israël, qui font dans le million gardent toujours leur nationalité d’origine et avoue un amour infini pour leur pays d’origine. En effet, chaque année des milliers d’entre eux retournent au Maroc pour célébrer les anniversaires de la mort de leurs saints lors de fêtes appelées hiloula. [cxvii] Donc l’âme du substrat culturel judéo-berbère continue à exister des plus belles.

Le vivre-ensemble et la tolérance ont pris une grande importance en Andalousie islamique (711-1492) entre 4 ethnies : amazigh, juif, chrétien et arabe et 3 religions : Islam, christianisme et judaïsme pour donner naissance au concept de la convivencia. [cxviii] Malheureusement juste après la conquista en 1492 les catholiques obligèrent de force le départ des juifs d’abord puis des musulmans. Ces expulsés furent, toutefois, accueillis à bras ouvert par la Dynastie berbère des Wattassides (1472-1549) du Maroc et la convivencia fut ressuscitée de ce côté du Détroit de Gibraltar dans le pays des Amazighs et le substrat culturel judéo-berbère réactivé.

Notes de fin de texte :

[i] Cabot-Briggs, L. (2009, 28 October). « The Stone Age Races of Northwest Africa »American Anthropologist, 58 (3), 584–585.

[ii] Shatzmiller, Maya. (1983). Le Mythe d’origine berbère (aspects historiques et sociaux). Revue de l’Occident musulman et de la Méditerranée, vol. 35, 145-156.

[iii] Danver, Steven L. (2015). Native Peoples of the World: An Encyclopedia of Groups, Cultures and Contemporary Issues (p. 23). London: Routledge.

[iv] Brett, Michael & Fentress, Elizabeth. (1997). The Berbers (The Peoples of Africa) (1996 hardcover ed.). Hoboken, New Jersey, États-Unis: Wiley-Blackwell.

[v] Chafik, Mohamed. (2023, 2 février). Les Berbères et leur contribution à l’élaboration des cultures méditerranéennes. Le Monde Amazigh. https://amadalamazigh.press.ma/fr/les-berberes-et-leur-contribution-a-lelaboration-des-cultures-mediterraneennes/

[vi] Greenberg, Joseph. (1963). The Languages of Africa. Bloomington: Indiana University.

[vii] Hachid, Malika. (2000). Les Premiers Amazighs – entre Méditerranée, Tassili et Nil. Aix-en-Provence : Édisud,

[viii] Chaker, Salim. (2011). Parente et origine de la langue berbère. Centre de Recherche Berbeère. https://centrederechercheberbere.fr/origine.html#:~:text=Malgr%C3%A9%20les%20h%C3%A9sitations%20et%20les,terminologie%20am%C3%A9ricaine%20initi%C3%A9e%20par%20J.  

[ix] Mattingly, D. (2000). Twelve thousand years of human adaptation in Fezzan (Libyan Sahara). In Graeme, G. Barker, D. D. Gilbertson (Eds.). The Archaeology of Drylands: Living at the Margin (pp. 160-179). London, Routledge,.

[x] Gaid, Mouloud. (1990). Les Berbères dans l’histoire. Alger : Éd. Mimouni.

[xi] Scarre, Christopher (Ed).  (1988). Past Worlds: The Times Atlas of Archaeology. London: Times Books.

[xii] Cherni, L.; Loueslati, B. Y. ; Pereira, L. ; Ennafaâ, H.; Amorim, A. & El Gaaied, A. B. A. (2005). Female Gene Pools of Berber and Arab Neighboring Communities in Central Tunisia: Microstructure of mtDNA Variation in North Africa. Human Biology, 77(1), 61-70. http://www.jstor.org/stable/41466305

[xiii] Briggs, Lloyd Cabot.  (1955). The Stone Age Races of Northwest Africa. Cambridge, MA: Peabody Museum.

[xiv] Bosch, E.; Calafell, F.; Pérez-Lezaun, A.; Comas, D.; Mateu, E. & Bertranpetit J. (1997). Population history of North Africa: evidence from classical genetic markers. Human Biology, 69, 295-311.

[xv] Ibid.

[xvi] Sanchez-Mazas, A. (2000). The Berbers of North Africa: Genetic Relationships According to HLA and other Polymorphisms. In: Arnaiz-Villena, A., Martínez-Laso, J., Gómez-Casado, E. (Eds). Prehistoric Iberia. Boston, MA: Springer. https://doi.org/10.1007/978-1-4615-4231-5_4

[xvii]  Irish, J.D. (2000, October). The Iberomaurusian enigma: north African progenitor or dead end? Journal of Human Evolution, 39(4), 393-410.

[xviii] Josué Ramos-Martín, Josué. (2014). L’identité amazighe aux Canaries : l’historiographie des origines. L’Année du Maghreb, 10. http://journals.openedition.org/anneemaghreb/2056; DOI: https://doi.org/10.4000/anneemaghreb.2056

[xix] Hachid, Malika. (2000). Op. cit.

[xx] Arezki, Dalila. (2004). L’Identité berbère. Paris : Séguier & Biarritz : Atlantica.

[xxi] Shaler, W. (1825). On the Language, Manners, and Customs of the Berbers of Africa. Communicated by William Shaler, Consul of the United States at Algiers, in a Series of Letters to Peter S. Du Ponceau, and by the Latter to the Society. Transactions of the American Philosophical Society, 2, 438–465. https://doi.org/10.2307/1005064

[xxii] Rachik, Hassan. (2019). Transmission culturelle et mutations sociales. Asinag, 14, 87-92.  http://journals.openedition.org/asinag/320

[xxiii] Shaler, W. (1825). Op. cit.

[xxiv] Chtatou, Mohamed. (2018, 7 septembre). Comprendre la trinité culturelle amazighe. Le Monde Amazigh. https://amadalamazigh.press.ma/fr/comprendre-la-trinite-culturelle-amazighe/

[xxv] J. E. Budgett Meakin. (1895). The Morocco Berbers. The Journal of the Anthropological Institute of Great Britain and Ireland, 24, 1-14. https://doi.org/10.2307/2842474

[xxvi] Constitution du Royaume du Maroc. (2011). Préambule. https://mjp.univ-perp.fr/constit/ma2011.htm#:~:text=pas%20le%20sens.-,Pr%C3%A9ambule,pluralisme%20et%20de%20bonne%20gouvernance.

‘’État musulman souverain, attaché à son unité nationale et à son intégrité territoriale, le Royaume du Maroc entend préserver, dans sa plénitude et sa diversité, son identité nationale une et indivisible. Son unité, forgée par la convergence de ses composantes arabo-islamique, amazighe et saharo-hassanie, s’est nourrie et enrichie de ses affluents africain, andalou, hébraïque et méditerranéen.’’

[xxvii] Chtatou, Mohamed. (2020, août 18). Les Maîtres Musiciens Jajouka du Rif Occidental : Tradition Millénaire Amazighe sans Pareil. Akal Press. https://fr.akalpress.com/5493-les-maitres-musiciens-jajouka-du-rif/

Chtatou, Mohamed. (2019, September 19). The Jajouka Master Musicians: A Universal Hymn to Tolerance and Peace from Morocco to The World – Analysis. Eurasia Review. https://www.eurasiareview.com/16092019-the-jajouka-master-musicians-a-universal-hymn-to-tolerance-and-peace-from-morocco-to-the-world-analysis/

[xxviii] Talbi, J. ; Khadmaoui, A. E. ; Soulaymani, A. E. M. & Chafik, A. E. A. (2007). Etude de la consanguinité dans la population marocaine. Impact sur le profil de la santé. Antropo, 15, 1-11. www.didac.ehu.es/antropo

[xxix] Gélard, Marie-Luce. (2003). Les représentations de la parenté. Prohibition matrimoniales et substance lactée chez les Aït Khebbach (Maroc). Annales de la Fondation Fyssen, 18, 129-137. ffhal-00586019f

[xxx] Gélard, M.-L. (2004). Protection par le sang et accord par le lait dans la tribu des Aït Khebbach (Sud-Est marocain). Études rurales, 1-2, N° 169-170, 9-27. file:///C:/Users/hp/Downloads/etudesrurales-8051.pdf

[xxxi] Ibid.

[xxxii] Bruno, H. & Bousquet G.-H. (1946). Contribution à l’étude des pactes de protection et d’alliance chez les Berbères du Maroc central. Hespéris, vol. XXXIII, 353-370.

[xxxiii] Gélard, M.-L. & H. Claudot-Hawad. (2000). Honneur. Encyclopédie berbère, 23, document H57. http://journals.openedition.org/encyclopedieberbere/1607; DOI: https://doi.org/10.4000/encyclopedieberbere.1607

[xxxiv] Ibid.

[xxxv] Applegate, Joseph R. (1971). The Berber languages. In Carleton T. Hodge (Ed.). Afroasiatic: A survey (pp. 96-118). The Hague and Paris: Mouton.

[xxxvi] Joseph Greenberg, Joseph. (1963). The Languages of Africa. Bloomington ; La Haye: Indiana University ; Mouton.

[xxxvii] Basset, André. (1952). La langue berbère. International African Institute. London and New York: Oxford University Press.

[xxxviii] Galand, Lionel. (1988). Le berbère. In Jean Perrot (Ed.). Les langues chamito-semitiques. Vol. 3 of Les langues dans le monde ancien et moderne (pp. 207-242). Paris: Edition du Centre National de la Recherche Scientifique.

[xxxix] Hamad, N. (2010). La langue comme référence sacrée. La revue lacanienne, 6, 151-156. https://doi.org/10.3917/lrl.101.0151

[xl] Ghouirgate, M. 2014. Chapitre V. Le choix de la langue. In L’Ordre almohade (1120-1269) : Une nouvelle lecture anthropologique. Presses universitaires du Midi. doi :10.4000/books.pumi.12051

[xli] Chtatou, Mohamed. (1997). The influence of the Berber language on Moroccan Arabic. International Journal of the Sociology of Language, 123, 101-118.

[xlii] Basset, René. (1894). Etudes sur les dialectes berbères. Paris: Leroux

[xliii] Lafkioui, Mena B. (2007). Atlas linguistique des variétés berbères du Rif. Berber Studies 16. Cologne: Rüdiger Köppe Verlag.

[xliv] Galand, Lionel. (2010). Regards sur le berbère. Milan: Centro Studi Camito-Semitici.

[xlv] Ennaji, M. (2014). Recognizing the Berber Language in Morocco: A Step for Democratization. Georgetown Journal of International Affairs, 15(2), 93-99. http://www.jstor.org/stable/43773631

[xlvi] La parenté fait référence aux relations sociales qui peuvent ou non coïncider avec les relations biologiques. Les termes de parenté peuvent en effet correspondre à une véritable parenté, les relations sociales coïncidant avec les relations biologiques (consanguinité ou affinité). Lorsque les relations sociales ne font que simuler les relations biologiques, on parle de pseudo-parenté ou de parenté fictive. Le troisième type de parenté est une forme particulière de parenté fictive créée par un rituel, comme le parrainage, l’adoption ou la fraternisation. Les termes de parenté pseudo-fictive et rituelle sont identiques à ceux de parenté réelle ou véritable.

[xlvii] Augé, M. (Ed.). (1975). Initiation au vocabulaire de la parenté. Les domaines de la parenté (pp. 7-57). Paris: Maspero.

[xlviii] Termes de classification – Systèmes de parenté

Sur la base des travaux antérieurs de L. H. Morgan et de G. P. Murdock, nous utilisons désormais six catégories pour classer les systèmes de parenté : Esquimaux, Hawaïens, Iroquois, Soudanais, Crow et Omaha. Le principal critère de classification d’un système est la façon dont l’Ego utilise le même terme pour différents parents. Par exemple, le système de parenté des sociétés occidentales appartient au groupe esquimau, où les frères des parents sont des « oncles » et leurs sœurs des « tantes ». En revanche, dans les sociétés appartenant au groupe de classification hawaïen, les mêmes personnes sont respectivement « pères » et « mères ». L’utilisation d’un même terme pour des parents différents implique une similitude significative dans le comportement d’Ego à leur égard, par exemple, la possibilité de se marier.

[xlix] Murdock, G. P. (1949). Social structure. New York: Macmillan.

[l] Gélard, Marie-Luce. (2004). Representations of Kinship Agnatic Ideology and Uterine Values a Berber-Speaking Tribe (South-East Morocco). Anthropos -Freiburg-, 99, 565-572. ⟨hal-00585283⟩

[li] Fox, R. (1984). Kinship and marriage: An anthropological perspective. Harmondsworth, UK: Penguin.

[lii] Chtatou, Mohamed. (2020, 29 avril). Les femmes amazighes, gardiennes de la langue et de la culture. Le Monde Amazigh. https://amadalamazigh.press.ma/fr/les-femmes-amazighes-gardiennes-de-la-langue-et-de-la-culture/

[liii] Boehringer, S., & Sebillotte Cuchet, V. (Eds.) 2013. Des femmes en action : L’individu et la fonction en Grèce antique. Paris-Athènes : Éditions de l’École des hautes études en sciences sociales. doi :10.4000/books.editionsehess.2822

[liv] Moderan, Y. (2010). Mythes d’origine des Berbères (Antiquité et Moyen Âge). Encyclopédie berbère, 32. http://journals.openedition.org/encyclopedieberbere/674; DOI: https://doi.org/10.4000/encyclopedieberbere.674

[lv] Chtatou, Mohamed. (2021, 6 juillet). Dihya, reine guerrière amazighe. Akal Press. https://fr.akalpress.com/5867-dihya-reine-guerriere-amazighe/

[lvi] Chtatou, Mohamed. (2022, 8 avril). Promouvoir, protéger et revitaliser la langue amazighe. Le Monde Amazigh. https://amadalamazigh.press.ma/fr/promouvoir-proteger-et-revitaliser-la-langue-amazighe/

[lvii] Fanack. (2020, January 19). Women in Berber Culture. https://fanack.com/morocco/culture-of-morocco/women-in-berber-culture/

[lviii] Chtatou, Mohamed. (2022, June 30)). Amazigh women, guardians of language and culture.

FUNCI. https://funci.org/amazigh-women-the-genuine-guardians-of-language-and-culture-in-morocco/?lang=en

[lix] Chtatou, Mohamed. (2023, 18 décembre). Les savoirs oraux ancestraux de Tamazight et le danger de leur extinction dans le Rif. Le Monde Amazigh. https://amadalamazigh.press.ma/fr/les-savoirs-oraux-ancestraux-de-tamazight-et-le-danger-de-leur-extinction-dans-le-rif/

[lx] Yacine, T. (2001). Women, Their Space and Creativity in Berber Society. Race, Gender & Class, 8(3), 102-113. http://www.jstor.org/stable/41674985

[lxi] Belahsen, R; Naciri, K & El Ibrahimi A. (2017, November). Food security and women’s roles in Moroccan Berber (Amazigh) society today. Maternal & Child Nutrition, 13(3). doi: 10.1111/mcn.12562. PMID: 29359441; PMCID: PMC6865873

[lxii] GEO/AFP. (2021, 28 juillet). Maroc : découverte de l’Acheuléen le plus ancien d’Afrique du Nord. https://www.geo.fr/histoire/maroc-decouverte-de-lacheuleen-le-plus-ancien-dafrique-du-nord-205662

[lxiii] Bailout, L. (1989). The prehistory of North Africa. In General History of Africa, volume I, Methodology and African Prehistory (Abridged Edition, pp 241-250, p. 241). Berkeley, California: University of California Press/Paris: UNESCO.

[lxiv] Martinet, André. (1975). Évolution des langues et reconstruction. Paris : Presses universitaires de France, coll. « Sup / Le Linguiste ».

[lxv] Lennox Manton, E. (1988). Roman North Africa. London: Seaby.

[lxvi] Cilliers, Louise. (2019). Environment, Society and Medical Contribution. Amsterdam: Amsterdam University Press.

[lxvii] Fentress, E. (2006). Romanizing the Berbers. Past & Present, 190, 3-33. http://www.jstor.org/stable/3600886

[lxviii]Belkamel, B. (1992). Histoire de la médecine au Maroc antique. BIU Santé.

https://www.biusante.parisdescartes.fr › hsm PDF

[lxix] Raven, Suzan. (1993). Rome in Africa. London: Routledge.

[lxx] Le Monde diplomatique. (2022, février-mars). Le Maghreb en danger.  Manière de voir ; #181. https://www.monde-diplomatique.fr/mav/181/

‘’En tamazight, la langue berbère, Tamazgha désigne une vaste aire géographique qui va des îles Canaries à la partie occidentale de l’Égypte (oasis de Siwa) et englobe l’actuelle bande sahélienne (Mauritanie, Mali, Niger). Il s’agit des zones de peuplement historique des populations berbérophones d’Afrique du Nord. Nombre de Maghrébins souhaitent aujourd’hui que cette appellation remplace l’expression « Maghreb arabe », qui, selon eux, nie l’identité berbère de leur région, notamment dans sa partie centrale.’’

[lxxi] Apulée, (125-170), né à Madaurus (M’Daourouch), philosophe et rhéteur ; a écrit le seul roman latin à avoir survécu dans son intégralité.

[lxxii] Birley, A.R. (1999). Septimius Severus: the African emperor. London: Routledge

[lxxiii] Augustin d’Hippone (latin : Aurelius Augustinus Hipponensis ; 13 novembre 354 – 28 août 430), également connu sous le nom de Saint Augustin, était un théologien et philosophe d’origine berbère et l’évêque d’Hippo Regius en Numidie, Afrique du Nord romaine. Ses écrits ont influencé le développement de la philosophie occidentale et du christianisme occidental, et il est considéré comme l’un des pères de l’Église latine les plus importants de la période patristique. Ses nombreux ouvrages importants incluent La Cité de Dieu, Sur la doctrine chrétienne et Confessions.

Cf. Eslin, Jean-Claude. (2002). Saint Augustin. Paris: Michalon.

[lxxiv] Shaw, B.D. (1980). Archaeology and knowledge: the history of the African provinces of the Roman Empire. Florilegium 2, 28-60.

[lxxv] Les guerres puniques étaient une série de guerres entre 264 et 146 av. J.-C. entre Rome et Carthage. Trois conflits entre ces États ont eu lieu sur terre et sur mer dans la région occidentale de la Méditerranée et ont impliqué un total de quarante-trois ans de guerre. Les guerres puniques incluent également la révolte de quatre ans contre Carthage qui a commencé en 241 av. J.-C. Chaque guerre impliquait d’immenses pertes matérielles et humaines des deux côtés.

Cf. Moatti, Claudia. (2008).  Les guerres puniques, (traduit du grec ancien). Paris : Gallimard, coll. « Folio classique ».

[lxxvi] Kadra-Hadjadji, Houaria. (2013).  Massinissa le grand Africain. Paris : éditions Karthala.

‘’Massinissa (238-148 av. J.-C.), l’un des premiers rois de la Berbérie antique, était le fils d’une prophétesse et de Gaïa, qui régnait sur un modeste royaume, coincé entre le territoire de Carthage à l’est et les États du puissant Syphax, à l’ouest. Animé d’une immense ambition, doué de qualités exceptionnelles, le prince parvint à agrandir le royaume ancestral aux dimensions du Maghreb. Le contexte politique et militaire de l’époque favorisa cette ascension. Carthage, grande puissance maritime et commerciale, dominait le bassin occidental de la Méditerranée ; elle se heurta à l’impérialisme naissant de Rome, au cours de trois guerres dites puniques. Le fils de Gaïa participa à la seconde (218-201 av. J.-C.) déclenchée par Hannibal, génie militaire qui voulait rendre à sa patrie, Carthage, son honneur et sa suprématie. Au terme d’une guerre-éclair, Hannibal remporta quatre brillantes victoires qui mirent Rome à deux doigts de la capitulation. Massinissa se battit d’abord dans les rangs carthaginois en Espagne. Puis, sentant le vent tourner, il rejoignit l’armée romaine commandée par Publius Scipion, le futur Africain. Dès lors, il devint le favori de la Fortune, qui lui accorda pouvoir, gloire et la faveur des Romains. Comblé par la Fortune de son vivant, il accéda à l’immortalité dès sa mort : ses sujets le divinisèrent et lui élevèrent des temples pour lui rendre un culte. Plus de deux siècles plus tard, il revivra dans l’épopée de Silius Italicus, La Guerre punique, sous les traits d’un guerrier valeureux et énergique, et d’un entraîneur d’hommes aux éminentes qualités morales. À notre époque, Massinissa, le conquérant et le bâtisseur de la grande Numidie, demeure une figure emblématique de l’Histoire du Maghreb. Universitaire algérienne, H. Kadra-Hadjadji est l’auteure de plusieurs livres, notamment d’un premier essai sur Jugurtha (Jugurtha, un Berbère contre Rome, Paris éd. Arléa, Alger, éd. Barzakh) ; d’une méthode d’arabe moderne (4e édition, Paris éd. Bachari) en collaboration avec Hamdane Hadjadji. Avec Massinissa, le Grand Africain, elle signe la première biographie de cet illustre Berbère.’’

[lxxvii] Tite-Live (59-17 ap. J.-C.), Ab urbe condita à XXIV, 48 ; Livres XXI-XXX traduits par Aubrey de Sélincourt, édités par Betty Radice, comme The War with Hannibal (Penguin 1965, 1972) . Ici, la note de bas de page de l’édition moderne donne à Masinissa dix ans de plus que son âge dans le texte de Live, lui donnant naissance date vers 240.

[lxxviii] Gaid, Mouloud. (1962). Aguellids et Romains en Berbérie (2ème édition). Alger: Sned 1962.

[lxxix] Begley, Sharon. (2012, août 6). Genetic study offers clues to history of North Africa’s Jews. Reuters. https://www.reuters.com/article/idUSBRE8751EJ/#:~:text=DNA%20evidence%20lends%20credence%20to,there%20were%20500%2C000%20Jews%20there.

[lxxx] Gottreich, Emily Benichou (2021). Jewish Morocco: A History from Pre-Islamic to Postcolonial Times. London: I.B. Tauris.

L’histoire du Maroc ne peut être racontée efficacement sans l’histoire de ses habitants juifs. Leur présence en Afrique du Nord-Ouest est antérieure à la montée de l’Islam et se poursuit jusqu’à nos jours, combinant des éléments de la culture berbère (amazighe), arabe, séfarade et européenne. Emily Gottreich examine l’histoire des Juifs au Maroc depuis la période préislamique jusqu’à l’époque postcoloniale, en s’appuyant sur des preuves nouvellement acquises dans les archives de Rabat. En fournissant une réévaluation importante de l’impact du protectorat français sur le Maroc, l’auteur renverse les opinions largement acceptées sur la participation des Juifs au nationalisme marocain – une question souvent marginalisée par les récits sionistes et nationalistes arabes – et innove dans son analyse de l’implication juive. dans l’istiqlal et ses conséquences. S’inscrivant dans un corpus croissant d’érudition qui s’efforce consciemment d’intégrer les études juives et moyen-orientales, Emily Gottreich offre ici une perspective originale en plaçant les problèmes urgents de la société marocaine contemporaine dans leur contexte historique et juif.

[lxxxi] Ibn Khaldoun. (1852). Histoire des Berbères et des dynasties musulmanes de l’Afrique septentrionale, vol. I. Traduction de William Mac Guckin de Slane. Alger : Imprimerie du Gouvernement.

Ibn Khaldoun. (1854). Histoire des Berbères et des dynasties musulmanes de l’Afrique septentrionale, vol. II. Traduction de William Mac Guckin de Slane. Alger : Imprimerie du Gouvernement.

Ibn Khaldoun. (1856). Histoire des Berbères et des dynasties musulmanes de l’Afrique septentrionale, vol. III. Traduction de William Mac Guckin de Slane. Alger : Imprimerie du Gouvernement.

[lxxxii] Taïeb, J. (2004). Juifs du Maghreb : onomastique et langue, une composante berbère ?”. Encyclopédie berbère, 26, document J17. http://journals.openedition.org/encyclopedieberbere/1373; DOI: https://doi.org/10.4000/encyclopedieberbere.1373

[lxxxiii] Beider, Alexander. (2017). Jews of Berber Origin: Myth or Reality? Hamsa, 3. http://journals.openedition.org/hamsa/693; DOI: https://doi.org/10.4000/hamsa.693

[lxxxiv] Gottreich, Emily. (2021). Op. cit.

[lxxxv] Behar, D. M.; Yunusbayev, B. ; Metspalu, M. ; Metspalu, E. ; Rosset, S. ; Parik, J. ; Rootsi, S ; Chaubey, G., ; Kutuev, I. ; Yudkovsky, G. ; Khusnutdinova, E. K. ; Balanovsky, O. ; Semino, O. ; Pereira, L. ; Comas, D. ; Gurwitz, D. ; Bonne-Tamir, B. ; Parfitt, T. ; Hammer, M. F . ; Skorecki, K. ; Villems, R. (July 2010). The genome-wide structure of the Jewish people. Nature, 466 (7303), 238-42. https://www.nature.com/articles/nature09103

‘’Les Juifs contemporains comprennent un agrégat de communautés ethnoreligieuses dont les membres du monde entier s’identifient les uns aux autres à travers diverses traditions religieuses, historiques et culturelles communes. Les preuves historiques suggèrent des origines communes au Moyen-Orient, suivies de migrations conduisant à l’établissement de communautés juives en Europe, en Afrique et en Asie, dans ce que l’on appelle la diaspora juive. Cette histoire démographique complexe impose des défis particuliers lorsqu’il s’agit de tenter d’aborder la structure génétique du peuple juif6. Bien que de nombreuses études génétiques aient mis en lumière les origines juives et les maladies répandues au sein des communautés juives, y compris des études axées sur les marqueurs hérités de manière uniparentale et biparentale, les modèles de variation à l’échelle du génome à travers la vaste étendue géographique des communautés de la diaspora juive et de leurs voisins respectifs n’ont pas encore été identifiés. Ici, nous utilisons des réseaux de perles à haute densité pour génotyper des individus de 14 communautés de la diaspora juive et comparons ces modèles de diversité à l’échelle du génome avec ceux de 69 populations non juives de l’Ancien Monde, dont 25 n’ont pas été signalées auparavant. Ces échantillons ont été soigneusement choisis pour fournir des comparaisons complètes entre les populations juives et non juives de la diaspora, ainsi qu’avec les populations non juives du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord. Les analyses des composants principaux et de type structure identifient une sous-structure génétique jusqu’alors méconnue au Moyen-Orient. La plupart des échantillons juifs forment un sous-groupe remarquablement serré qui recouvre les échantillons druzes et chypriotes, mais pas les échantillons provenant d’autres populations levantines ou de populations hôtes appariées de la diaspora. En revanche, les Juifs éthiopiens (Beta Israël) et les Juifs indiens (Bene Israël et Cochini) se regroupent respectivement avec les populations autochtones voisines d’Éthiopie et de l’ouest de l’Inde, malgré un lien paternel clair entre les Bene Israël et le Levant. Ces résultats mettent en lumière l’architecture génétique variée du Moyen-Orient et font remonter les origines de la plupart des communautés juives de la diaspora au Levant. ‘’

[lxxxvi] Fenton, P. (2020). Les persécutions almohades, un modèle pour l’Inquisition catholique ? Pardès, 67, 77-97. https://doi.org/10.3917/parde.067.0077

[lxxxvii] Hirschberg, Haim Zeev. (1963). The problem of the Judaized Berbers. Journal of African History, 4, 313-339. DOI : 10.1017/S0021853700004278

[lxxxviii] Seligman, Adam B. & Robert P. Weller. (2012). Rethinking Pluralism: Ritual, Experience, and Ambiguity (p. 23). Oxford: Oxford University Press.

[lxxxix] Wittgenstein, Ludwig. (1997). Philosophical Investigations. Translated by G.E.M. Anscombe. Oxford, UK; Malden, Mass.: Blackwell.

[xc] Bashkow, Ira. (2004, September). A Neo-Boasian Conception of Cultural Boundaries. American Anthropologist, 106(3), 443-458, p. 443.

[xci] Chtatou, Mohamed. (2020, 9 August). Aspects of the Judeo-Amazigh Cultural Substratum of Morocco. Amazigh World News. https://amazighworldnews.com/aspects-of-the-judeo-amazigh-cultural-substratum-of-morocco/

[xcii] Les Films d’un Jour (Producteur) & Hachkar, Kamal (Metteur en scène). (2011). Tinghir-Jérusalem – Echos du Mellah. France, Maroc. https://www.film-documentaire.fr/4DACTION/w_fiche_film/36147_0

[xciii] Chtatou, Mohamed. (2020, 7 juin). Sefrou, havre marocain de coexistence entre Amazighs, Arabes et Juifs. Akal Press. https://fr.akalpress.com/4098-sefrou-havre-marocain-de-coexistence-entre-amazighs-arabes-et-juifs/

[xciv] Chtatou, Mohamed. (2023, 6 septembre). Les Imazighen en al-Andalous. Le Monde Amazigh. https://amadalamazigh.press.ma/fr/les-imazighen-en-al-andalous/

[xcv] Stepanova, A. (2018). Who Conquered Spain? The Role of the Berbers in the Conquest of the Iberian Peninsula. Written Monuments of the Orient, 4(1), 78-87. https://journals.eco-vector.com/2410-0145/article/view/35149

[xcvi] Coope, J. A. (2017). Berbers and Muwallads. In The Most Noble of People: Religious, Ethnic, and Gender Identity in Muslim Spain (pp. 128-143). Ann Arbor, Michigan : University of Michigan Press. http://www.jstor.org/stable/10.3998/mpub.9297351.9

[xcvii] Bosch-Vilà, J. (2012, December). Andalus. Encyclopédie berbère, 5, 641-647, document A217. http://journals.openedition.org/encyclopedieberbere/2501; DOI: https://doi.org/10.4000/encyclopedieberbere.2501

[xcviii] Convivencia est un terme espagnol qui fait référence à la coexistence de différents groupes religieux et culturels dans l’Espagne médiévale, en particulier pendant la période de domination musulmane dans la péninsule ibérique. Il est souvent associé à l’idée d’une coexistence pacifique et harmonieuse entre musulmans, chrétiens et juifs à cette époque.

Cf. Akasoy, Anna. (2010, August). Convivencia and its discontents: Interfaith life in Al-AndalusInternational Journal of Middle East Studies, 42(3), 489-99. doi:10.1017/S0020743810000516

[xcix] Leeuwen, A.P. van. (1975). Kitāb al-Masālik waʼl-mamālik [Texte imprimé] / d’Abū ʻUbayd al-Bakrī. Edition critique avec introduction, notes et indices. 3 volumes. Paris : Université de Paris III.

[c] Kennedy, Hugh. (1996). Muslim Spain and Portugal: A Political History of Al Andalus (p. 121). London: Longman.

[ci] Scales, Peter C. (1994). The Fall of the Caliphate of Córdoba: Berbers and Andalusis in Conflict (p. 13). Leiden, The Netherlands: E.J. Brill.

[cii] Lazreg, M. (1983). The Reproduction of Colonial Ideology: The Case of the Kabyle Berbers. Arab Studies Quarterly, 5(4), 380-395. http://www.jstor.org/stable/41857696

[ciii] Gershovich, Moshe. (2000). French Military Rule in Morocco: colonialism and its consequences. London: Routledge.

[civ] Miller, Susan Gilson. (2013). A history of modern Morocco (p. 113). New York: Cambridge University Press.

[cv] Montagne, Robert. (1930). Les Berbères et le Makhzen dans le Sud du Maroc. Paris : Felix Alcan.

[cvi] Oussedik, Tahar. (1986). Lalla Fat’ma N’Soumeur. Alger : Entreprise nationale du livre.

[cvii] Chaker, Salem. (2001). Hommes et femmes de Kabylie. Aix-en-Provence : Édisud.

[cviii] Carrey, Émile. (1858).  Récits de Kabylie: campagne de 1857. Paris : Michel Lévy Frères, Libraires-Editeurs.

[cix] Liorel, Jules. (1892). Races berbères, Kabylie du Djurjura (chap. 1, p. 238-250). Paris : E. Leroux.

[cx] Villanova, J. L. & Urteaga L. (2009). Jesús Jiménez Ortoneda, interventor militar en el Rif (1911–1936), Hispania. Revista Española De Historia, LXIX 232, 423-448.

[cxi] Chandler, J. A. (1975). Spain and Her Moroccan Protectorate 1898 – 1927. Journal of Contemporary History, 10(2), 301-322. http://www.jstor.org/stable/260149

[cxii] Charqi, Mimoun. (2014). Armes chimiques de destruction massive sur le Rif : Histoire, effets, droits, préjudices et réparations. Rabat : Éditions Amazigh, coll. « Histoire et lectures politiques ».

[cxiii] Cabot-Briggs, L. (2009, October 28). The Stone Age Races of Northwest AfricaAmerican Anthropologist. 58(3), 584-585. doi:10.1525/aa.1956.58.3.02a00390

[cxiv] Sagrillo, Troy Leiland. (2005). The Mummy of Shoshenq I Re-discovered? Göttinger Miszellen, 205, 95-103.

[cxv] Taklit, Slaouti Mebarek. (2020). Les Pharaons d’Egypte d’Origine Berbère du Dernier Millénaire Avant J.-C. Wilmington, DE : Generis Publishing.

[cxvi] Chtatou, Mohamed. (2022, December 29). Jewish-Muslim Conviviality in Morocco – Analysis. Eurasia Review. https://www.eurasiareview.com/29122022-jewish-muslim-conviviality-in-morocco-analysis/

[cxvii] Un Yom Hilloula (hébreu : יום הילולא, jour de fête) est un autre mot pour yahrzeit (l’anniversaire d’un décès). Cependant, il diffère d’un yahrzeit ordinaire à deux égards. Il fait spécifiquement référence au yahrzeit d’un grand tsadik qui a enseigné la Kabbale et/ou la Chassidus, et contrairement à un yahrzeit ordinaire, qui est marqué par la tristesse et même le jeûne, un Yom Hilloula est commémoré spécifiquement par la simcha (joie) et une célébration festive. Ce terme est le plus souvent utilisé dans les cercles hassidiques pour désigner le jour de la mort des Rabbins hassidiques. L’observation d’une hilloula dans les communautés juives maghrébines est également répandue, notamment au Maroc, avec parmi elles la Hiloula du rabbin Isaac Ben Walid et la Hilloula du rabbin Haim Pinto, ainsi que la Baba Sali dans la ville israélienne de Netivot.

Cf. Ben-Ami, Issachar. (1990). Culte des saints et pèlerinages judéo-musulmans au Maroc. Paris : Maisonneuve et Larose.

[cxviii] Chtatou, Mohamed. (2020, October 19). Al-Andalus: Glimpses of Human Coexistence and Compassion – Analysis. Eurasia Review. https://www.eurasiareview.com/19102020-al-andalus-glimpses-of-human-coexistence-and-compassion-analysis/

 

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