Face à la progression fulgurante des djihadistes du Groupe de Soutien à l’Islam et aux Musulmans (GSIM), dirigé par le Touareg Iyad Ag Ghali, inspiré par le modèle syrien et déterminé à étrangler économiquement Bamako par des attaques ciblées contre les villes, les positions militaires, les usines sucrières, les banques et les camions-citernes de carburant, la junte malienne a ouvert une procédure contre les dirigeants algériens, les accusant de soutien au terrorisme et de crimes contre l’humanité [1].
Cette affaire, d’abord soumise à la Cour internationale de Justice (CIJ), fut rapidement enterrée en raison du refus catégorique d’Alger de se soumettre à la juridiction. Peu après, Bamako annonça son intention de se retirer du Statut de Rome, traité fondateur de la Cour pénale internationale (CPI). Eduardo González, expert indépendant sur la situation des droits de l’homme au Mali, avertit alors :
« Se retirer de la CPI reviendrait à trahir les victimes des violations flagrantes des droits humains et du droit international humanitaire commises au Mali. » [2].
Aujourd’hui, le président de transition Assimi Goïta et ses officiers putschistes sont directement menacés : les colonnes djihadistes sont déjà aux portes de la capitale. Leur faute stratégique fut d’annuler les Accords d’Alger et de rompre tout dialogue avec la Coordination des Mouvements de l’Azawad (CMA) et le Mouvement National de Libération de l’Azawad (MNLA), désormais transformé en Front de Libération de l’Azawad. Résultat : Iyad Ag Ghali, malgré un mandat d’arrêt de la CPI émis le 21 juin 2024 pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité (période 2012-2013, à la tête d’Ansar Dine), s’apprête à s’emparer du pouvoir central, avec l’appui discret mais constant des services secrets algériens. Pire encore, il menace désormais de déstabiliser la Mauritanie.
En vérité, les putschistes maliens comme les généraux algériens devraient être traduits ensemble devant la Cour pénale internationale.
Les responsabilités maliennes
Depuis l’abandon de l’Accord d’Alger, la junte a fait appel aux mercenaires russes du Groupe Wagner [3],, coupables d’exactions massives : exécutions sommaires, enlèvements, arrestations arbitraires, massacres de troupeaux, pillages de villages… Ces crimes, visant directement les civils de l’Azawad, ont provoqué l’exode de milliers de femmes, d’enfants et de personnes âgées vers les camps de réfugiés en Mauritanie ou vers les régions frontalières de l’Algérie [4].
Les responsabilités algériennes
Les généraux algériens ne sont pas en reste. Comme je l’avais signalé au président sud-africain Cyril Ramaphosa, le 25 mai 2024 [5], ils portent la responsabilité de violations systématiques des droits humains : assassinats d’opposants, répression brutale des communautés amazighes et politiques d’apartheid imposées depuis des décennies. Leur « terrorisme d’État » s’est notamment traduit par la création et l’instrumentalisation de groupes terroristes tels qu’Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI), devenu GSIM, pour déstabiliser le Sahel et accélérer le génocide silencieux des Touaregs de l’Azawad, ces «Hommes Bleus » du Sahara.
La liste des crimes imputables aux généraux algériens est longue :
– la répression du Printemps noir en Kabylie (127 jeunes tués en avril 2001),
– les violences dans le Mzab (2013-2015),
– les atrocités de la Décennie noire (1990-2000) avec plus de 200 000 morts et des dizaines de milliers de disparus,
– l’assassinat du président Mohamed Boudiaf et du chanteur engagé Lounès Matoub. Etc.
L’ancien chef de la DGSI, le général Abdelkader Haddad, réfugié en Espagne, pourrait témoigner de l’implication directe de l’appareil militaire algérien dans ces crimes contre l’humanité commis tant contre les peuples de l’Azawad que contre les Algériens eux-mêmes.
Conclusion
Il est temps que la vérité éclate et que la justice internationale prenne ses responsabilités. J’appelle solennellement les ONG de défense des droits humains et les organisations de la société civile du Mali comme d’Algérie à déposer des plaintes conjointes devant la CPI à La Haye contre les généraux algériens et les officiers putschistes maliens. Car l’impunité, en Afrique comme ailleurs, n’est rien d’autre que le carburant du terrorisme et des dictatures.
Par Rachid RAHA,
Président de l’Assemblée Mondiale Amazighe (AMA : www.amamazigh.org)
Notes: