Le Rif et les Rifains: Problèmes De Définition

Par: David M. Hart. In Le Monde Amazigh n°1 – Rabat 31 mai 2001.

Quoique les géographes désignent sous le nom de «Rif» toute la montagne de nord du Maroc, de Tanger jusqu’à Melilla, il n’y a que la moitié orientale qui se définit culturellement et linguistiquement comme rifaine. Targuist est au centre de la région et sert de plaque tournante : vers l’ouest se situent les tribus arabophones, les Jbala, en même temps que deux groupes plus petits, les Ghomara et le Sinhaja Srir, tandis que vers l’est se trouvent les importantes tribus berbérophones du Rif proprement dit. Partant la légende relie ces tribus dans une guerre mythique entre Sinhaja et Ghomara, dont les premiers sont considérés comme étant les vainqueurs grâce au concours de deux tribus rifaines majeures, les Aith Waryaghar ou Béni ourhiarel )qui allaient générer beaucoup plus tard le leader rifain Mohammed Ben Abdelkrim(, et les Igeinnayen ou Gzennaya, lesquels d’ailleurs comme leurs voisins, se sont installés sur leurs terres actuelles depuis plus d’un millénaire et depuis que l’Islam s’est installé dans la région. Il y a des différences culturelles entre les Jbala et les rifains. Les premiers labourent à l’aide de bœufs dont le joug est passé autour des cornes, les seconds à l’aide de vaches dont le joug est passé autour du cou. Les premiers avaient des maisons aux toits de chaume avant l’apparition de la tôle ondulée, les seconds ont des maisons aux toits plats et en adobe. Les premiers ont des vrais villages, les communautés des seconds sont faites de fermes dispersées. Ceci s’explique par leur désir de mettre leurs femmes à l’écart et, à l’époque précoloniale, pour rendre difficile les vendettas qui étaient plus fréquentes. En outre, la migration des travailleurs rifains vers l’Oranie algérienne coloniale a commencé au milieu du dix-neuvième siècle, alors qu’elle n’a commencé chez les Jbala qu’après l’indépendance marocaine en dix-neuf cinquante-six.

En effet, avant Abdelkrim et la Guerre rifaine contre l’Espagne et la France 1921-26, c’était le conseil tribal et non pas le cheikh ou le caïd qui arbitrait la loi coutumière.

Il existait également des différances politiques. Le pouvoir était plus centralisé chez les Jbala. Quant au Rif, il était plus décentralisé. En effet, avant Abdelkrim et la Guerre rifaine contre l’Espagne et la France 1921-26, c’était le conseil tribal et non pas le cheikh ou le caïd qui arbitrait la loi coutumière. Dans le Rif d’ailleurs, les alliances, les serments collectifs et les amendes pour les meurtres au marché s’étaient déjà répandus. Tandis qu’ils n’étaient pas connus dans le Jbala. Les femmes non seulement étaient plus respectées, mais aussi recluses dans le Rif, où il existe toujours l’unique institution rifaine qu’est le marché des femmes, auquel les hommes sont catégoriquement exclus. Dans le Jbala, il y avait une plus grande prolifération des descendants de prophète Mohammed et des ordres religieux que dans le Rif. Ceci dit, les rifains étaient très touchés par les réformes politico-religieuses de Ben Abdelkrim. En tant qu’ancien Cadi, il faisait de son mieux pour mettre fin à la loi coutumière et pour le remplacer par la chari’a, avec beaucoup de succès. Sous l’autorité colonial espagnol 1921-1926, les rifains et les Jbala de la zone nord étaient considérés pauvres par rapport aux tribus de la zone française, plus grandes et plus privilégiées. Néanmoins, les deux groupes ont maintenant des contingents importants d’ouvriers migrants qui travaillent en Europe occidentale.

Nous préférons que la définition du Rif soit limitée à la région de parler et de culture rifains, entre Targuist et Melilla. Nous voudrions proposer en plus la possibilité d’une division beaucoup plus générale de toute l’Afrique du nord en trois régions. Les rifains du nord du Maroc constitueraient, avec les Kabyles du nord de l’Algérie centrale, la région du nord. La partie centrale serait formée des éléments suivants : les imazighen du Haut-Atlas centre du Maroc, du Saghro et des Oasis présahariennes ; les ishlhayen du Haut-Atlas occidental et de l’Anti-Atlas au Maroc, les chaouias de l’Aurès, les mozabites dans le centre de l’Algérie et d’autres berbérophones des Oasis du Sahara du nord. Et finalement, les groupes de Touaregs, qui se trouvent dispersés aux quatre coins du Sahara central et du sud, constitueraient tous la partie du sud.

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