les Amazighs félicitent la nouvelle haut commissaire de l’ONU des droits humains

A Son Excellence La Présidente,
Mme. Michelle BACHELET,
Haut-Commissaire des Nations Unies aux Droits de l’Homme

Objet : Félicitations et état des lieux  des droits humains des populations autochtones de  Tamazgha (Afrique du Nord)

Excellence Présidente,

Vous venez d’être officiellement nommée en tant que Haut-Commissaire des Nations Unies aux Droits de l’Homme. A cette occasion, nous tenons à vous féliciter vivement et à vous souhaiter nos meilleurs vœux de succès dans l’exercice de vos fonctions dans cette nouvelle, difficile et noble responsabilité à la tête de la plus haute instance des Nations Unies aux droits humains.

Nous profitons de la dite nomination pour vous demander de nous laisser attirer votre attention sur la situation catastrophique des droits humains dans les pays d’Afrique du Nord, et plus particulièrement des citoyennes, citoyens et communautés autochtones que constitue le peuple amazighe, connu sous le nom de «berbère» (Réf. : http://amamazigh.org/wp-content/uploads/2018/09/AMA_9AG_Com_Final_Marrakech.pdf ).

Sachez que si le Royaume du Maroc et la République d’Algérie ont reconnu la langue amazighe en tant que langue officielle dans leurs constitution respectivement en 2011 et en 2016, les gouvernements de ces deux états s’excellent dans la violation des droits des amazighs et se distinguent même dans un exercice de compétition dans la répression des populations amazighophones, plus éloquent par la répression et l’incarcération des manifestants de Hirak du Rif dans le cas marocain et par la poursuite des procès politiques contre la communauté mozabite dans le cas algérien.

Déjà le Comité des Droits de l’Homme de l’Onu reconnaît que le Royaume du Maroc pratique une politique de discrimination de fait à l’encontre des Amazighs dans le domaine de l’emploi et de l’éducation par le Comité du Pacte international des Droits Economiques, Sociaux et Culturels, en octobre 2015 (https://tbinternet.ohchr.org/_layouts/treatybodyexternal/Download.aspx?symbolno=E/C.12/MAR/CO/4&Lang=Fr ), réaffirmé par le Comité  du sixième rapport périodique du Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 1er décembre 2016 (https://tbinternet.ohchr.org/_layouts/treatybodyexternal/Download.aspx?symbolno=E/C.12/MAR/CO/4&Lang=Fr). De même pour l’Algérie, le Comité des Droits de l’Homme de l’Onu, dans son quatrième rapport périodique du Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 17 août dernier, avait exprimé ses préoccupations quant aux allégations faisant état d’actes de discrimination, de stigmatisation et de discours haineux à l’encontre des populations amazighes (https://tbinternet.ohchr.org/_layouts/treatybodyexternal/Download.aspx?symbolno=CCPR/C/DZA/CO/4&Lang=Fr ). Egalement aussi pour le cas de la Tunisie, le Comité des Droits Economiques, Sociaux et Culturels avait relevé, dans ses observations finales du troisième rapport périodique du 14 novembre 2016, sa préoccupation quant aux informations reçues sur la discrimination que subirait la minorité amazighe et avait regretté la faiblesse des moyens budgétaires alloués à la culture et à la protection du patrimoine culturel amazighes (https://tbinternet.ohchr.org/_layouts/treatybodyexternal/Download.aspx?symbolno=E/C.12/TUN/CO/3&Lang=Fr ).  Quant à la Libye il n y a pas eu encore de rapport périodique, mais malheureusement après le triomphe de la révolution contre la dictature panarabiste de Colonel Kadhafi, à laquelle les jeunes révolutionnaires amazighs avaient le mérite de chasser ce dernier de la capitale Tripoli, il s’est sombré dans une préoccupante et mortifère guerre civile, comme en atteste ces tous récents affrontements violents dans la capitale. Il va continuer à sombrer encore dans le chaos tant que les arabistes, soutenu par les Émirats Arabes Unis et les salafistes djihadistes, soutenus par le Qatar, bloquent toute reconnaissance constitutionnelle des droits linguistiques et culturels des populations autochtones, à savoir les Amazighs de Jbel Neffoussa, les Amazighs touaregs et les Toubous du sud.

De toute manière, dans ses recommandations, les Comités des Nations Unies ne cessent de rappeler aux autorités des pays nord-africains de redoubler d’efforts afin qu’il y ait l’égalité des droits entre tous les citoyens et entre la langue amazighe, dont l’existence remonte à dix mille ans, et la langue arabe, imposée à la suite de l’islamisation presque complète des Amazighs, juste à partir de XI-ième siècle. Ils insistent à chaque fois que l’enseignement amazighe devrait être généralisé de cycle primaire jusqu’à l’université et que la dite langue soit intégrée dans les programmes d’alphabétisation des adultes, dans toutes les administrations et dans l’audio-visuel…Bizarrement, au lieu de travailler en faveur d’une politique nationale de « discrimination positive » qui prennent au sérieux ces véritables recommandations, tout à fait, au contraire, ces gouvernements autistes et autoritaires, spécialisés dans l’art de falsifier le jeu électorale, s’obstinent de plus en plus dans la continuation de leur politique de la négation et de la marginalisation des Amazighs et les répriment de plus en plus sévèrement et violemment. Au Mzab algérien par exemple, la gendarmerie au lieu de protéger les populations pacifiques ibadites de l’agression des populations arabophones, elle se met du côté des criminels et contribuent à bruler leurs voitures, leurs maisons et leurs commerces! Ceux qui réussissent à s’exiler en dehors de l’Algérie, les autorités les collent sans vergogne la fausse accusation de terroristes, comme s’est passé avec deux des membres de notre ONG, à savoir Khodir Sekkouti et Salah Abbouna. Et heureusement la justice espagnole les a innocentés de ces très graves accusations (https://kabyle.com/communiques/la-justice-espagnole-suspend-lextradition-de-deux-militants-amazighs-algeriens ).Au Maroc, des jeunes qui se sont manifestés pour réclamer des hôpitaux, des universités, des postes de travail se retrouvent bizarrement condamnés à de lourdes peines de prison allant jusqu’à vingt ans, à cause des procès judiciaires entachés de plein d’irrégularités et de manquements, qui selon les avocats « le parquet général, le juge d’instruction et le tribunal se sont comportés avec un grand cynisme envers les principes de liberté » (https://www.yabiladi.com/articles/details/66909/hirak-avocats-soulignent-manquements-l-equite.html ).

Excellence Présidente,

Depuis les révolutions populaires du printemps démocratique des peuples d’Afrique du Nord, en 2011, appelé à tort « printemps arabe », qui a commencé par la révolution du jasmin en Tunisie, et qui s’en est suivie par les révolutions du 17 Février en Libye et du 20 Février au Maroc, … la jeunesse nord-africaine, et plus particulièrement amazighe, s’est activement impliquée pour le changement des régimes dictatoriaux, qui s’alimentaient d’idéologie arabo-islamique importé du Moyen Orient. Ils l’ont fait parce que les jeunes amazighs  militaient, -et militent  toujours-, acharnement et pacifiquement, en faveur de la démocratisation de leurs pays, du fait qu’ils défendent un projet de société régie par de vrais institutions démocratiques, en faveur des états laïques où les réformes constitutionnelles passent par la séparation des pouvoirs, la liberté du culte, l’égalité des droits hommes femmes et le droit des régions à disposer de gouvernements régionaux et de parlements autonomes. Comme l’avait dit notre grand roi Massinissa, il y a de cela 2200 ans, et comme l’a rappelé opportunément l’ex-président américain Barack Obama à Accra le 11 juillet 2009/23 juillet 2959 : « l’avenir de l’Afrique appartient aux africains ». Alors, après ces révolutions, au lieu de réviser les manuels scolaires dédiés à l’histoire et d’intégrer la langue autochtone et les valeurs amazighs dans le système éducatif, les gouvernements continuent dans leur politique d’aliénation culturelle, basée sur l’arabisation idéologique complète de la population, qui n’a d’autre but que le génocide culturel des Amazighs, comme l’avait proclamé ouvertement le sanguinaire Kadhafi en 2007, en bloquant la promotion de la langue, de la culture et de la civilisation amazighe. C’est seulement dans ce sens qu’on pourrait comprendre ce cruel et étrange constat que beaucoup de jeunes tunisiens, marocains, algériens et libyens s’impliquent dans les rangs de Daech, chose que j’ai essayé de comenter à la directrice générale de l’UNESCO à travers mon courrier de novembre 2017 ( Réf : http://amamazigh.org/2017/11/lama-interpelle-lunesco-sur-limportance-de-la-langue-maternelle-dans-la-resolution-de-la-problematique-de-leducation-au-maroc-et-dans-les-pays-de-tamazgha/ ). En plus, c’est ce que vient de révéler un récent rapport onusien comme quoi 1 437 marocains combattent avec Daech en Syrie et en Irak, à côté de 2000 à 3000 tunisiens, et 200 à 300 algériens, auxquels il faut ajouter que parmi les 5000 combattants européens, il faut compter un bon nombre d’origine nord-africaine. Ainsi, selon un rapport du Sénat français, par exemple, sur les 19 725 fichés « S », plus de 3 000 sont de nationalité étrangère dont 24% d’algériens, 21,5% de marocains et 16% de tunisiens. Et le plus surprenant encore : selon un rapport hollandais de Centre international de lutte contre le terrorisme (ICCT), les marocains sont parmi les djihadistes qui commettent le plus d’attaques suicides dans ces zones du Moyen Orient. Ce reflète incontestablement que les jeunes marocains souffrent d’une profonde « crise d’identité », causé par cette néfaste politique d’arabisation idéologique de l’école, et par conséquent, ils deviennent de faciles victimes de lavage de cerveaux de la part des imams salafistes, comme il s’est passé avec les jeunes impliqués dans les attentats de Barcelone et Cambrils en août 2017 !

Excellence Présidente,

En vous remerciant de votre diligence à interpeller urgemment les autorités gouvernementales des pays de Tamazgha,  afin de les conseiller de changer cap et de respecter les légitimes revendications des Amazighs, les rappeler à l’ordre afin de se conformer au droit international, au respect scrupuleux des droits humains, à traduire sur le terrain les recommandations de l’ONU et de procéder à l’arrêt sur le champ de toute politique d’agression, de discrimination et de négation à l’encontre du peuple amazighe…

Veuillez agréer, Excellence Madame la Présidente BACHELET, l’assurance de notre considération forte distinguée.

Signé: Rachid RAHA
Président de l’Assemblée Mondiale Amazighe

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