Lions du désert, luttes et obstacles pour garantir la vie et l’intégrité des populations de l’Azawad

Par: Mahfouz AG Adnane

Ibrahim Ag Alhabib connu comme Abraybone, leader et membre fondateur du groupe international touareg, le célèbre Tinariwen, a rejoint les combattants du Cadre Stratégique Permanent pour la Paix, la Sécurité et le Développement (CSP-PSD), appelé localement les “révolutionnaires de l’Azawad”. Ibrahim est guitariste et chanteur renommé mondialement, il affirme dans des échanges avec les jeunes de sa région qu’il a choisi: “laisser la scène internationale, momentanément, pour participer dans la lutte de l’honneur pour défendre sa terre, l’Azawad (Nord du Mali). Deux mois après le déclenchement de cette nouvelle phase du conflit entre les mouvements de l’Azawad rassemblé dans le CSP-PSD et l’Armée Malienne et ses supplétifs mercenaires de Wagner, appuyés par le Burkina Faso et le Niger (dans le cadre l’Aliance des États du Sahel – AES). Des jeunes militants de la cause azawadienne ont diffusé les photos de leur célèbre musicien, en octobre dernier (2023) avec enthousiasme. Il faut souligner qu’Abraybone et son groupe représentent un symbole dans le monde saharien. Tinariwen a gagné le prix du Grammy Award Music en 2011.

L’histoire révolutionnaire de cet artiste tamacheque a commencé dès le bas âge, lors de l’assassinat de son père en 1963 par l’armée malienne, dont il a rendu l’hommage dans une chanson intitulée « soixante trois ‘63’ s’est passé mais il reviendra» . Ibrahim et d’autres jeunes de sa communauté faisaient partie des révolutionnaires Touaregs qui ont appris les techniques modernes de la guerre en Libye. Pour réaliser cet objectif, ils ont été obligés de combattre aux côtés des forces libyennes au Tchad et au Liban. Ibrahim était parmi les premiers jeunes Ishumar qui ont quitté la Libye pour éclater ce qu’ils ont appelé de « la révolution de 1990 » dans le désert de l’Azawad, connue officiellement comme « Rébellions Touarègues des année 1990».

Le conflit est vu par les guerriers imazighen du Sahara, Kal Tamachaq, c’est-à-dire “les Touaregs”, comme une question de légitime défense et d’honneur (achak). Ils déclarent toujours dans les réseaux sociaux, comme WhatsApp, Facebook, twitter, entre autres qu’ils sont prêts à lutter contre l’agression malienne jusqu’au dernier homme d’entre eux dans l’objectif de garantir la dignité de leurs mères et soeurs . Dans ce contexte, une figure emblématique de la musique touarègue contemporaine, Ibrahim Ag Alhabib a enregistré sa participation dans la guèrre de libération de son territoire. Celui-ci est leader et membre fondateur du groupe Tinariwen, le plus célèbre du blues du désert du Grand Sahara. Il est important de souligner que la présence d’Ibrahim sur le front a eu une grande signification pour toute la jeunesse azawadienne, ses chansons et celles d’autres membres de Tinariwen ont encouragé l’adhésion de milliers de jeunes dans la révolution/ rébellion des années 90 et 2012. Ibrahim et une centaine (peut-être même des milliers) des jeunes de l’Adagh ont grandi dans cette résistance, elle a fait et fait toujours partie de leur vie, leur seul rêve de voir le soleil de l’independance de leur Azawad, même quelques second avant de quiter ce monde, comme l’a dit Ibrahim même devant son publique à Kidal en 2020, durant les festivités annuelle du MNLA. Certains ont vu leurs pères exécutés devant leurs yeux (cas d’Ibrahim lui même et bien d’autres) et/ou maltraité jusqu’à la mort (cas de plusieurs autres) en 1963/64, lors de la première Tanakra (révolution ou révolte) contre la colonisation malienne comme ils l’ont qualifié.

Les textes d’Ibrahim et son groupe Tinariwen ont joué un rôle fondamental pour faire connaître le mouvement touareg à l’intérieur comme à l’extérieur, un mouvement dans lequel ils étaient aussi de combattants et ils jouaient pour les combattants. Avec la guitare dans une main et la kalachnikov dans l’autre. Tout le monde (jeunes, femmes et vieillards) a été ému et a même pris la décision d’aller au front en voyant des photos d’Ibrahim à Anafif parmi les combattants. Les femmes ont aussi envoyé leurs encouragements et leurs félicitations à leur grand musicien.

Le gouvernement de transition dirigé par des jeunes colonels maliens, à savoir : Assimi Goïta (président), colonel Malick Diaw (président du Conseil national de transition) Sadio Camara (ministre de la défense), Modibo Koné (ministre de la Sécurité d’État) et Ismaël Wagué (ministre de Reconciliation Nationale). Ce sont les cinq colonels les plus influents du régime de transition qui dirige le Mali actuellement. Ces officiers ont renversé le régime d’Ibrahim Boubacar Keita (IBK) après le putsch du 18 août 2020 après plusieurs manifestations antigouvernementales, principalement dans la capitale, Bamako, mais aussi dans certaines régions. À l’époque, ils ont été considérés par la rue malienne comme des héros et même des sauveurs de la patrie qui ont achevé la révolte populaire.

Pour un premier temps, le Comité National pour le Salut du Peuple (CNSP), le nom que les putschistes se sont donné après le coup d’État, s’est approché et traitait avec l’ensemble des entités qui ont organisé des manifestations contre l’ancien président, le défunt Ibrahim Boubacar Keita. Les militaires ont assuré de donner le pouvoir aux civils dans un délai de maximum un an, comme s’est passé dans toutes les fois qu’il y a eu un coup d’Etat au Mali (1990, 2012). Mais ce que la population malienne n’avait pas compris s’était l’intention des ces militaires de continuer au plus longtemps possible au pouvoir.

Pour atteindre tel objectif, la junte malienne a commencée par questionner l’accord d’Alger, un accord que le gouvernement démocratiquement élu avait signé en 2015 avec la Coordination des Mouvements de l’Azawad (CMA), en soulignant  qu’il fallait l’appliquer intelligement, si non, ça risque d’amener à une division du pays. Donc, sa relecture, selon le gouvernement de transition était importante. Dès son arrivé, l’actuel premier ministre. Choguel Kokalla Maïga, a commencé un discours de haine contre les populations de l’Azawad, critiquant l’accord d’Alger dont lui-même faisait la campagne lors de sa signature. Le débat s’est ensuite porté sur l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, issu du processus d’Alger. Pour éviter d’affronter immédiatement la rue malienne, la Junte a convoqué des Assises Nationales de la Refondation, présidées par des militaires ou des civils proches de la junte. Les conclusions de ces assises ont suggéré que la transition soit prolongée pour une durée maximale de cinq ans, passant ainsi de six mois à cinq ans.

En se légitimant par ces rencontres, les militaires au pouvoir ont crée un nouveau discours lié à ce qu’ils appellent : Mali koura qui veut dire le nouveau Mali, ajoute à cela, un discours d’un Mali fort avec une armée qui monte en puissance. Il faut rappeler qu’au Mali pour être populaire il suffit d’assumer un programme de massacrer les Touaregs et les Arabes de l’Azawad. Le président de la Transition se présente, alors, comme l’homme qui va sauver le Mali de grands guerriers azawadiens, afin que le pays retrouve « sa dignité perdue » depuis sa défaite devant l’Armée Révolutionnaire de l’Azawad en 2012, lors de la reconquête du Mouvement National de Libération de l’Azawad (MNLA). Des accords de défense ont été signés avec plusieurs pays, la Russie en première position; la Chine et d’autres comme la Turquie pour fournir des armements (chars, avions de guerre, drones etc…) et les plus récentes technologies de la guerre moderne.

Cela fait plus d’un an que les soldats français de l’opération Barkhan (initialement appelé serval) ont quitté le pays suite à l’arrivée des soldats de Wagner et puis en juin de l’année passé (2023), le ministre malien des Affaires Étrangères, Abdoulaye Diop, a demandé le départ de la mission multidimensionnelle intégrée pour la stabilisation du Mali (MINUSMA), ce qu’a été accordé par le Conseil de Sécurité à l’unanimité.

L’Accord d’Alger signé en 2015 et les arrangements sécuritaires signé en 2014 ont défini les positions de chaque parti (Armée Malienne et la Coordination de Mouvements de l’Azawad- CMA). la tension a commencé à se dégrader depuis le début d’août 2023, lors d’une attaque à Foita (dans la région de Timbuktu), suivi des bombardements par l’aviation de guerre malienne à la positions de la CMA à Kidal, ce que cette dernière a considéré une violation flagrante des accords précédents avec l’Etat malien et responsabilise la junte de conséquences de ces attaques. La sortie de la MINUSMA de la localité de Ber était le point de départ de cette nouvelle crise qui continue jusqu’à aujourd’hui. La CMA considère que l’occupation de l’Armée Malienne à Ber était illégitime, conformément au document signé en mai 2014 pour garantir les cessez-le-feu entre les mouvements de l’Azawad et le Mali. Un peu plus tard, précisément depuis le 04/10/2023, de violents affrontements ont eu lieu entre l’Armée Malienne, vu comme une force de colonisation et d’occupation, et les résistants du Cadre Stratégique Permanent pour la Paix et la Sécurité (CSP-PSD). Plusieurs avions de guerre, de chars, de pick-up de l’Armée Malienne et ses mercenaires russes Wagner ont été détruits par les Lions du Désert du Sahara, les combattants du CSP-PSD.

Cette phase de la lutte de résistance des Lions du Désert a terminé avec leur retrait de Kidal, le 14 novembre de l’année dernier et la prise de la ville par les mercenaires russes de Wagner. Depuis leur arrivée dans les villes de l’Azawad, le couple Wagner/Famas a commencé son sale boulot en commettant des massacres contre des civils dans toutes les régions de l’Azawad et du Macina. Selon l’Association humanitaire Kal Akal, l’Armée malienne et ses mercenaires de la société Wagner ont tué environs plus de trois cents (350) civils innocents.

Le gouvernement de Goita s’est senti victorieux contre les lions du désert dès son entrée à Kidal et a commencé à jeter tous les efforts de la communauté Internationale. Dans son discours du 31 décembre dernier pour le nouvel an, le putschist malien, le Colonel Assimi Goïta a annoncé la mise en place de ce qu’il a appelé un “dialogue direct inter-malien” pour la paix et la réconciliation, en annonçant indirectement la fin de l’Accord d’Alger. Et à la fin la Junte de Bamako a officialisé, le jeudi 25 janvier 2024, la « fin avec effet immédiat » de l’Accord pour la Paix et la Réconciliation issu de Processus d’Alger, dans un communiqué lu à la télévision d’État malien par le Colonel Abdoulaye Maïga (un autre homme fort de la junte), porte-parole du gouvernement militaire.

Le CSP-PSD a alerté toute la communauté internationale sur la gravité de la situation, selon Mohamed Elmaouloud Ramadane, son porte-parole : les militaires au pouvoir ont mis fin à toute possibilité de négociation en choisissant la voie de la guerre. Ramadan dit que les conséquences qu’il a qualifié de « graves » et il a considéré l’Accord comme une chance unique pour la réconciliation au Mali et intégrité territoriale. Les azawadiens affirment être prêts à lutter pour leur dignité et émancipation le plus longtemps possible. Les prochains mois, voir années nous diront plus sur la lutte des résistants et anticolonialistes azawadiens et selon eux l’Azawad vaincra.

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