L’ONU recommande au Maroc d’intensifier ses efforts à mettre en œuvre la loi organique n° 26-16 relative au caractère officiel de la langue amazighe

Verene Albertha SHEPHERD Présidente CERD
Verene Albertha SHEPHERD Présidente CERD

Le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale (CERD) des Nations Unies vient de publier les observations finales concernant le rapport du Maroc valant dix-neuvième à vingt et unième rapports périodiques, où il a examiné le rapport du Maroc à ses 3024e et 3026e séances, les 22 et 23 novembre, et ses 3043 e et 3044 e séances, les 5 et 6 décembre 2023, et il a adopté les présentes observations finales en ce qui concerne la question des Amazighs et de leur langue.

Amazighs :

Tout en prenant note des mesures prises par l’État partie pour améliorer les conditions de vie des populations, tels que le Programme de réduction des disparités territoriales et sociales en milieu rural (2017-2023), le Comité est préoccupé par :

a) Le manque de statistiques relatives à la représentation des Amazighs, en particulier des femmes amazighes, dans la vie politique, notamment dans les postes de décision ;

b) La pauvreté qui affecte particulièrement les régions habitées principalement par les Amazighs et la persistance de la discrimination raciale dont ils sont victimes, notamment dans l’accès à l’emploi, à l’éducation et aux services de santé, surtout lorsqu’ils ne s’expriment pas en arabe ;

c) Les informations relatives aux cas de délimitation et de dépossession des terres collectives des Amazighs sans consultation adéquate avec les communautés affectées dans le contexte de projets de développement ou d’extraction de ressources naturelles, qui touchent de manière disproportionnée les femmes amazighes, et notamment les femmes soulaliyates, qui auraient été victimes de déplacement forcés et privées d’indemnisation ;

d) Les allégations de cas de répression par la police de manifestations organisées par des activistes et défenseurs de droits de l’homme amazighs, notamment contre la dépossession de leurs terres (art. 5).

Le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures nécessaires pour veiller à ce que les Amazighs puissent jouir pleinement de leurs droits dans des conditions d’égalité et sans discrimination, et lui recommande en particulier :

a) De prendre des mesures visant à collecter des données ventilées par sexe et par âge concernant la participation dans la vie politique et publique de membres des groupes ethniques, et d’intensifier les mesures pour accroître leur participation dans ces domaines, en particulier des femmes appartenant à ces groupes, notamment dans les postes de décision ;

b) De redoubler ses efforts visant à lutter contre la pauvreté qui affecte les Amazighs et garantir l’accès des Amazighs à l’emploi, à l’éducation et aux services de santé, sans discrimination ;

c) De protéger les Amazighs contre la dépossession de leurs terres et les déplacements forcés, en particulier les femmes soulaliyates; restituer les terres confisquées ou convenir d’une compensation adéquate ; assurer aux victimes un accès effectif à la justice ; et mener des consultations effectives et utiles avec les Amazighs avant d’autoriser un quelconque projet de développement ou d’exploitation des ressources naturelles susceptible d’avoir des incidences sur leurs terres ;

d) De mener des enquêtes sur tous les cas d’usage excessif de la force par les représentants de la loi à l’égard des activistes, défenseurs de droits de l’homme et manifestants amazighs et veiller à ce que les responsables soient poursuivis et, s’ils sont reconnus coupables, fassent l ’ objet de sanctions appropriées, et que les victimes et leur famille obtiennent une réparation adéquate ;

e) De prendre des mesures visant à adopter une législation spécifique sur la promotion et protection des défenseurs des droits de l’homme, y compris ceux qui travaillent dans le domaine de la lutte contre la discrimination raciale et sur les droits des groupes les plus exposés à ce type de discrimination.

 Langue amazighe :

Tout en notant la reconnaissance de la langue amazighe comme langue officiel de l’État partie dans la Constitution, il est préoccupé par l’enseignement insuffisant de la langue amazighe dans les écoles; la place limitée des émissions en langue amazighe dans les médias audiovisuels ; les difficultés rencontrées par les Amazighs pour utiliser leur langue dans le cadre de procédures judiciaires et, dans certains cas, pour enregistrer des prénoms amazighs de ses enfants ; ainsi que par l’utilisation encore limitée de l’amazighe dans des documents officiels (art. 5).

Rappelant ses précédentes observations finales, le Comité recommande à l’État partie d’intensifier ses efforts visant à mettre en œuvre les dispositions constitutionnelles et la loi organique n° 26-16 relatives au caractère officiel de la langue amazighe, et lui recommande en particulier :

a) D’accroître l’enseignement de l’amazighe dans tous les niveaux éducatifs, y compris au niveau de l’enseignement préscolaire, et d’élargir le nombre d’enseignants dûment formés à l’enseignement de l’amazighe;

b) D’augmenter la présence de la langue et la culture amazighes dans les médias audiovisuels ;

c) De réviser le cadre légal, notamment la loi n° 38-15 sur l’organisation judiciaire, à la lumière de la Constitution et la loi organique n° 26-16 qui font de l’arabe et de l’amazighe des langues officielles de l’État partie, afin que la langue amazighe soit utilisée au même titre que la langue arabe devant les tribunaux, y compris dans les plaidoyers et les jugements ;

d) De veiller à ce que les officiers d’état civil respectent pleinement les dispositions normatives relatives au droit de tout citoyen de choisir le prénom de son enfant et de l’enregistrer, y compris les prénoms amazighs ;

e) De redoubler d’efforts pour garantir l’utilisation effective de l’amazighe dans les documents officiels, tel que prévu dans la loi n° 26-16, et à cet égard, réviser la loi n° 04-20 relative à la Carte Nationale d’Identité Electronique qui n’as pas inclut une référence à l’emploi de la langue ni de l’alphabet amazighes parmi ses dispositions ni à la loi organique susmentionnée.

Le CERD, tout en regrettant de l’absence de données sur la composition ethnique de sa population, basées sur le principe de l’auto-identification, recommande à l’État marocain, par rapport à la diffusion d’information, de mettre ses rapports à la disposition du public dès leur soumission et de diffuser également les observations finales du Comité qui s’y rapportent auprès de tous les organes de l’État chargés de la mise en œuvre de CERD/C/MAR/CO/19-21 13 la Convention, y compris les régions, les préfectures, les provinces et les communes, ainsi que de les publier sur le site Web du Ministère des Affaires Étrangères, de la coopération africaine et des Marocains Résidant à l’étranger ou sur tout autre site Web accessible au public dans les langues officielles et les autres langues couramment utilisées, selon qu’il conviendra.

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