MOHA OU BABA AZROUF

Hommage au grand artiste Amazighe feu Moha Ou Baba, l’un des vétérans du chant instrumentalisé du Moyen-Atlas.

Extrait de mon ouvrage intitulé, LES INOUBLIABLES (El Maarif Al Jadida. Rabat/ 2014. pp 211, 212, 213 et 214)

M. Moha Ou Lahcen Ou Baba appelé communément Moha Ou Baba, fut un grand artiste et violoniste amazighe. Il est originaire du Ksar Tazrouft, limitrophe à la Zaouia de Sidi Hamza d’Abou Salim El Ayachi, où il était né en 1943.
Son fief est situé sur le territoire de la caidat de Foum Tilicht, cercle de Riche, province de Midelt.
Ses anciens amis artistes issus des autres tribus amazighes avaient l’habitude de l’appeler “Moha Ou Baba Azrouf ”, ce surnom il l’a tiré de son lieu de naissance précité. Il est à préciser que beaucoup de gens se trompent sur ses origines. Certains prétendent qu’il est des Ait Hdidou, d’autres avancent qu’il est originaire des Ait Zdeg. La réalité est qu’il est de Ksar Tazrouft et non pas de la Zaouia précitée, comme il l’affirme lui-même.
Il a grandit chez son oncle maternelle qui l’a adopté, encore enfant, après la mort de ses parents. Son oncle, Moha n’Itto, était lui aussi violoniste comme la majorité des Izroufen. Il est à rappeler que Ksar Tazrouft était jadis un réservoir d’artistes classé comme suit :
1- En premier lieu, les violonistes. Vers le début des années cinquante, d’après de nombreux témoignages et révélations, recueillis sur place, émanant de plusieurs personnes âgés, ce petit bled comptait entre trois cents quatre vingt et quatre cents violonistes.
2- Les tambourinaires et les aèdes.

Encore enfant, Moha Ou Lahcen a appris à manipuler d’abord le violon de son oncle puis après presque tous les violons du douar que ses semblables mettaient à sa disposition en l’absence de leurs parents. Le violon, faisait partie de la famille et tous les enfants l’ont côtoyé dés leur plus bas âge.
Dans cet environnement artistique, l’enfant Moha ne pouvait que devenir lui aussi un artiste violoniste et comme dit un adage de la ”darija“, sna3t bouk la y ghalbouk qui peut se traduire par : « perfectionnes-toi tout en apprenant le métier de ton père ».
Ayant maitrisé son instrument musical, il décida, comme ses prédécesseurs et ses semblables de partir hors de son fief avec quelques amis avec lesquels il a formé une troupe artistique ambulante, à la recherche de l’aventure qui peut être qualifié dans ce conteste, comme à la recherche du travail. Lui et son groupe ont eu l’occasion de se produire dans plusieurs villes, villages et douars en échange de petites sommes d’argent. Lui est sa troupe, ils ont sillonné toutes les régions du Maroc pendant plusieurs années.
Ses aventures se sont multipliés aux fils des années et c’est ainsi qu’il s’est produit dans “la halqa” et sur les scènes de “suirti”, mot espagnol qui signifie la chance, il est incorporé ici tel une sorte de théâtre ambulant dont notre génération se souvient encore.
Le violoniste Moha Ou Baba qui vit actuellement (2013) à Azrou a vécu auparavant pendant de longues années à Khémisset. Notons au passage qu’il s’est associé a un moment donné de son parcours d’artiste avec :
1- le célèbre comédien El Mardi Moha alias Moha Ou Rahou et son inséparable compagnon Ali n Hmimche, tous deux de la fraction des Ait Harzalla de la tribu des Ait Ndhir. 2- Ali Ouchibane, en tant que tambourinaire avec lequel il a formé un duo, pour sillonner les pays Européens tels : de 1981 à 1983, l’Espagne, la France, la Belgique, l’Allemagne et la Hollande où ils se sont produits durant de multiples soirées et fêtes organisées par les immigrés marocains. 3- Lahcen Azayyi, en tant que tambourinaire.

Notons au passage qu’après le décès de son dernier compagnon (Lahcen Azayyi), près cité, il a mis fin à sa carrière d’artiste pour devenir herboriste ambulant. Il a fréquenté tous les souks où il s’était produis, jadis, en tant qu’artiste, dans ‘la halqa’, pour vendre ses herbes médicinales. Concernant son violon, il l’a vendu au jeune anazur, Hakka El Mokhtar, de Khénifra.
L’amertume qu’éprouve Moha Ou Baba envers l’art, comme tant d’autres artistes qui considèrent qu’ils se sont sacrifiés pour ce métier mais qu’en échange, ils n’ont rien reçu maintenant qu’ils sont devenus âgés. Ceci, sans parler de son état de santé qui se détériore au fil du temps au point que sa mémoire lui fait défaut et ne peut plus restituer les souvenirs du passé ; souvenirs perdus à jamais…chose qui ne nous a pas trop aidée à mieux développer sa vie artistique.

Parmi ses grands succès sauvegardés dans les archives de la radio amazighe de la RTM (SNRT), ne nous citerons que ces quelques exemples, tels :
– Ata amammanou, ikka jbel inyrakh, bbin ibrdan qllan imazan. Ce succès a été repris par le tambourinaire, Hafsi Mimoun Ou Rahou et sa troupe très récemment. Il fut enregistré chez Mellali phone sans aucun changement au niveau de la composition, tandis que les paroles, elles étaient complètement rénovées.
– Ay amazane awa n3tas abrid iyma nou 3afach bar ad ir’hal ghouri.
– Achouf ay iyjrane ata b3den ibrdan , 3ari kkan inyrakh amary 3dbni. Cette chanson fut enregistrée, sur bande magnétique à la radio Amazighe en date du 11/06/1964.
– Ay awra 3afak a yma, tnghiti s wakha teddout tzriti. Ce chant figure aussi dans les archives de la RTM. Le violoniste, Moha Ou Baba, a débuté cette belle chanson par une magnifique Tamawayt.
– S walfkh ass i woul inou a tassa nou tzriti, khichtti mch rukh nk ayc itab3n. Succès enregistré le 15/06/1964 au profit de la RTM, radio Amazighe.
En ce qui est de ses innombrables enregistrements dans les maisons de productions, nous ne citerons que ces quelques exemples dont, notamment :
– Ad ach assikh, 3nda wnna mi ydar woul, mani tannikh wnna trit, ira dikh cha ydnine our kn iri. Cette belle chanson, chikh Moha Ou Baba l’a enregistré, chez Boussiphone, en compagnie des chikhates de Khémisset.
– Ata krakh anddu ata khrakh a ylli nou, ata krakh anddu g brid ar nttali 3ari. (idem)

Avant de conclure, il est à noter que le premier succès précité a été repris et chanté par plusieurs jeunes artistes, violonistes et outayris, qui ont gardé le refrain et la même composition originale avec une modification totale au niveau des paroles.

N° 1- Photo prise en 2013 à Azrou devant la maison de l’artiste Moha Ou Baba. (Photothèque privée, l’auteur)
N° 2- Couverture du livre où un volet est consacré à feu Moha Ou Baba.

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