Niger/crise politique: La fiction démocratique

Abdoulah ATTAYOUB
Abdoulah ATTAYOUB

Afin de justifier leur posture dans la crise politique actuelle au Niger, les différentes parties s’empressent d’avancer les arguments les plus invraisemblables dans l’espoir de mieux dissimuler leurs véritables motivations.

Ainsi la pauvre démocratie, parée de ses « élections libres et transparentes », est brandie pour légitimer les autorités récemment déchues. La souveraineté populaire est alors invoquée contre toute accusation d’ingérence dans les affaires intérieures du pays. Or, il est rare que la Communauté internationale regarde de près la réalité de l’expression « libre et transparente » de la volonté du peuple lors des consultations électorales. L’implication de la CEDEAO dans cette crise aurait été mieux accueillie si cette dernière nous avait habitués à davantage d’exigence démocratique envers le pouvoir en place. La crédibilité et la sincérité de la CEDEAO souffrent de son absence de réaction quand des voix s’élèvent pour attirer son attention sur les dysfonctionnements qui entachent couramment les élections dans certains pays de la sous-région. Ce manquement à la vigilance démocratique altère gravement aujourd’hui sa légitimité à évoquer la volonté du peuple pour justifier la radicalité de sa position dans la crise actuelle.

Quant à la communauté internationale de manière générale, elle a également failli et peut difficilement s’abriter derrière des valeurs et des principes démocratiques qu’elle n’a pas su défendre quand la gabegie, la corruption et le népotisme s’installaient progressivement au Niger. Ainsi l’usage abusif de l’argument démocratique apparaît comme une autre manière de dévoyer la volonté du peuple et de s’arroger sa représentation. Alors même que l’ancien président Issoufou Mahamadou était adulé et présenté comme champion et lauréat de la vertu démocratique, tout le monde connaissait l’étendue de sa mégalomanie et de sa volonté à régner sans véritable partage sur le pays. Les seules affaires de corruption connues et documentées, sans parler des atteintes aux libertés, suffisent à tout démocrate sincère pour garder une certaine distance avec lui.

Finalement, le grand perdant est toujours le peuple, régulièrement convoqué comme argument rhétorique de légitimation mais dont les intérêts, les droits et la volonté sont bien souvent bafoués. Après tout, quelles réelles différences entre un pouvoir civil et un régime militaire si l’impact sur le bien-être des populations et leur espace d’épanouissement civique demeure le même ? Quelle importance que les instances de l’Etat leur soient confisquées par les uns ou par les autres ? La CEDEAO et la communauté internationale ne nous ont pas accoutumés à être aux côtés des peuples lorsqu’ils sont victimes d’injustice et de mal-gouvernance. Cela laisse dubitatif sur la nature de leurs motivations dans cette crise. Les largesses avec lesquelles elles avalisent certains scrutins ont fini par dévaloriser la démocratie ainsi que le concept même de politique aux yeux des citoyens. La CEDEAO ne peut jouer le rôle de régulateur des processus démocratiques tant qu’elle continue à fermer les yeux sur certaines de leurs dérives et qu’elle le fait de manière sélective. Dans ce contexte, l’argument des élections ne semble pas valide et opposable à ceux qui souhaitent un changement et la fin du régime déchu.

Enfin, la proximité du chef de la junte le Général TIANI Abdourahmane avec l’ancien Président Issoufou Mahamadou, soupçonné d’être l’instigateur de ce coup d’Etat, jette un sérieux doute sur ses motivations à mettre un terme au système qui était en place et auquel il participait. Les relations qu’il continue à entretenir avec l’ancien chef de l’Etat, au point de suggérer aux délégations étrangères de le rencontrer pour jouer on ne sait quel rôle, en disent long sur l’opacité de ses véritables capacités à incarner le changement.

Il serait illusoire de chercher à convaincre les Nigériens de la probité d’un système mis à mal par les caprices d’un enfant gâté qui ne pouvait se satisfaire d’être subitement devenu milliardaire à la faveur des largesses autooctroyées par son pouvoir et qui prétendait en sus instrumentaliser les intérêts d’un pays afin de pérenniser une sorte de dynastie.

Quelle que soit l’issue de cette crise, il apparaît clairement que la volonté du peuple devrait être à l’avenir mieux prise en compte car les incantations douteuses sur la démocratie ne trompent plus grand monde. Le simulacre démocratique a des limites car porteur d’instabilité et le peuple doit être respecté dans sa souveraineté, longtemps usurpée par ceux qui aspirent à le diriger, protégés en cela par une Communauté internationale dont les véritables motivations se situent parfois à d’autres niveaux.

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