Pourquoi certains pays européens sont appelés à revoir « le Programme d’enseignement de la langue arabe et de la culture marocaine » ?

Certaines communautés régionales autonomes d’Espagne gouvernées par le parti de centre-droit, le Parti Populaire, et par l’extrême droite, Vox, ont commencé à envisager sérieusement la suppression du «Programme pour l’enseignement de la langue arabe et de la culture marocaine » dans les établissements publics de la Communauté de Madrid et de Murcie [1], et qui est dispensé dans près de 400 établissements scolaires répartis sur 12 communautés autonomes.

Ce programme linguistique et culturel s’inscrit dans le cadre de la coopération bilatérale entre les gouvernements des royaumes du Maroc et d’Espagne et financé par la Fondation Hassan II pour les Marocains résidant à l’étranger. Un programme similaire a été aussi signé entre le Maroc et d’autres pays européens comme la France, l’Allemagne, la Belgique, les Pays-Bas, le Portugal et l’Italie, en référence aux accords bilatéraux relatifs à « l’Enseignement de la langue et de la culture d’origine (ELCO) », mis en œuvre sur la base d’une directive européenne du 25 juillet 1977 visant la scolarisation des enfants de travailleurs migrants.

Parmi les principaux objectifs de ce programme, on peut citer :

  • Enseigner la langue arabe et la culture marocaine aux élèves marocains scolarisés dans les établissements européens.
  • Offrir aux élèves marocains une formation leur permettant de préserver leur identité et de vivre leur culture tout en respectant celle du pays d’accueil.
  • Assurer l’inclusion scolaire et socioculturelle de ces élèves dans le système éducatif européen et dans la société européenne, en développant pour cela des valeurs de tolérance et de solidarité.

Selon les autorités marocaines, ce programme contribue à améliorer l’estime de soi des élèves marocains et à renforcer le lien avec les familles immigrées, en offrant un enseignement destiné à préserver leur identité nationale d’origine et à vivre leur culture dans le respect de celle du pays d’accueil. Malheureusement, les nobles objectifs de cet ambitieux « Programme d’enseignement de la langue arabe et de la culture marocaine » ne s’accompagnent en réalité d’aucuns résultats positifs. Son cuisant échec s’explique par une raison simple : la langue d’origine de ces élèves n’est pas du tout «l’arabe classique», mais plutôt la langue amazighe (berbère) ou la darija (connue comme arabe dialectal, vulgaire ou populaire) [2].

Ce programme est coordonné et financé par la Fondation Hassan II pour les Marocains résidant à l’étranger, est promu par son président délégué et éminent conseiller du roi, M. Omar Azziman. Ainsi, au lieu d’améliorer le rendement scolaire des enfants marocains, de lutter contre l’échec scolaire, au contraire, il parvient à déraciner leur identité, à falsifier l’histoire de leur pays d’origine, remise en question par les dernières découvertes archéologiques, et bien sûr, à gaspiller de l’argent public [3]. Pourquoi ?

Parce que, comme je l’ai récemment souligné devant la directrice générale de l’UNESCO [4], ce programme contrevient aux dispositions suivantes :

  1. Les directives royales exprimées lors du discours d’Ajdir, le 17 octobre 2001, où Sa Majesté le Roi Mohammed VI avait affirmé que : « Dans la mesure où l’amazighe constitue un élément principal de la culture nationale et un patrimoine culturel dont la présence s’affirme dans toutes les expressions de l’histoire et de la civilisation marocaine, nous lui accordons une sollicitude particulière, dans le cadre de la mise en œuvre de notre projet de société démocratique et moderniste, fondé sur la consolidation de la personnalité marocaine et de ses symboles linguistiques, culturels et civilisationnels… ».
  2. La Constitution du 1er juillet 2011, dont l’article 5 stipule clairement que : « De même, l’amazighe constitue une langue officielle de l’État, en tant que patrimoine commun à tous les Marocains sans exception…».
  3. La loi organique n° 26.16 fixant les étapes de l’activation du caractère officiel de l’amazighe et son intégration dans l’éducation et les domaines prioritaires de la vie publique, adoptée à l’unanimité par les deux chambres du Parlement en 2019 (Dahir n° 1-19-121 du 12 moharrem 1441/12 septembre 2019) [5].
  4. Les recommandations onusiennes, notamment celles de Mme Tendayi Achiume, Rapporteuse spéciale sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l’intolérance associée, à l’issue de sa visite au Maroc en décembre 2018 [6], ainsi que les observations finales du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale (CERD) sur le rapport du Maroc, le 8 décembre 2023 [7].
  5. La Convention internationale des droits de l’enfant (1989), dont l’article 8 engage les États parties à respecter le droit de l’enfant de préserver son identité, y compris linguistique.
  6. Les recommandations de l’UNESCO, notamment celle exprimée lors de la déclaration de Mme. Audrey Azoulay à l’occasion du 25e anniversaire de la Journée internationale de la langue maternelle [8]: « Loin d’en faire une source d’incompréhension, nous devons en valoriser les apports culturels et cognitifs. Reconnaître cet apport des langues du monde, c’est d’abord permettre à chacune et chacun d’apprendre dans sa langue natale, en particulier au cours des premières années de scolarisation où s’acquièrent les compétences de base en lecture et en écriture, en même temps que les langues nationales sont graduellement introduites. La recherche est claire à ce sujet. Le nouveau rapport de l’UNESCO publié à l’occasion de cette Journée…rappelle les nombreuses vertus du multilinguisme pour l’éducation. Les enfants sont plus nombreux à fréquenter l’école et à y obtenir de bons résultats s’ils apprennent dans leur langue maternelle. Ils se sentent aussi pleinement reconnus si on la leur parle à l’école et sont mieux disposés à assimiler de nouvelles langues… ».

En définitive, il est impossible d’assurer une bonne intégration des enfants de travailleurs migrants marocains dans les écoles européennes à travers les programmes d’éducation multiculturelle relatifs à « l’Enseignement de la langue et de la culture d’origine (ELCO) », s’ils ne reposent pas clairement sur leur langue maternelle, qu’est l’amazighe ou la darija, et pas de tout l’arabe classique.

Por Rachid RAHA, Presidente de la Asamblea Mundial Amazighe

Notes:

[1]- https://www.atalayar.com/fr/articulo/politique/communaute-madrid-diaz-ayuso-annule-programme-langue-arabe-et-culture-marocaine/20250728120000217085.html

[2]- https://amamazigh.org/2025/04/pourquoi-jinsiste-sur-la-necessite-de-promouvoir-lenseignement-du-tamazight-en-europe/

[3]- https://amadalamazigh.press.ma/fr/lama-proteste-de-nouveau-contre-lexclusion-de-lenseignement-de-la-langue-amazighe-aux-enfants-des-citoyens-marocains-residant-a-letranger/

[4]- https://amamazigh.org/2025/09/lettre-de-protestation-a-propos-du-prix-international-dalphabetisation-de-lunesco-accordee-a-une-ecole-marocaine/

[5]- https://amadalamazigh.press.ma/pdf/26.16.pdf

[6]- https://amadalamazigh.press.ma/fr/lonu-demande-au-maroc-dintensifier-les-efforts-pour-que-les-amazighs-ne-soient-pas-victimes-de-discrimination-raciale/

[7]- https://amamazigh.org/2024/01/lassemblee-mondiale-amazighe-demande-au-ministre-marocain-des-affaires-etrangeres-de-respecter-les-recommandations-onusiennes-concernant-les-droits-des-amazighs/

[8]- https://unesdoc.unesco.org/ark:/48223/pf0000392824

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