Religion et politique: L’amazighité, alternative pour l’autonomie de la conscience

Par : Moha Moukhlis

Luther et Calvin ont lutté contre l’Inquisition pour remettre en question le monopole exercé par l’Eglise au niveau de l’interprétation des Ecritures saintes, et affirmer l’autonomie de la conscience : le croyant n’a pas besoin d’intermédiaire entre lui et le créateur.(…) Les extrémistes islamistes comme les wahhabites saoudiens se définissent comme soldats du djihad qui « légalisent » la violence et le terrorisme sous toutes ses formes. Les « docteurs » de la foi musulmane critiquent la hiérarchisation de l’Eglise, mais reproduisent la même structure, avec des Mollahs, des Emirs, des Ouléma et autres Muftis. (…) Dans chaque Etat musulman, une structure, un Ministère est dédié au culte, avec des fonctionnaires payés par l’Etat dans le seul but de s’accaparer le champ religieux et légitimer ses décisions politiques. Au Maroc, le Ministère des Affaires Religieuses est la voix officielle de l’islam de l’Etat qui tient à en détenir le monopole, comme ce fut le cas de l’Eglise au Moyen âge ….

La réforme initiée par Martin Luther et Calvin en Europe au 16 ème siècle, a permis à la société d’enclencher la rupture avec le Moyen âge et asseoir les bases philosophiques et politiques d’une modernité en construction et libérer le peuple du joug despotique de l’Eglise apostolique et romaine. Le statut divin du pape, représentant de Dieu sur terre, et l’exploitation de la religion à des fins commerciales par le Trafic des Indulgences, ont servi de catalyseur pour la Réforme.

Luther et Calvin ont lutté contre l’Inquisition pour remettre en question le monopole exercé par l’Eglise au niveau de l’interprétation des Ecritures saintes, et affirmer l’autonomie de la conscience : le croyant n’a pas besoin d’intermédiaire entre lui et le créateur. Le sens des écritures, affirme Calvin, n’est pas immuable. La Bible (ancien et nouveau Testament) est un ensemble de mots et de lettres qu’il faudrait expliquer par la foi. Cette révolution religieuse, matée dans le sang comme en témoignent les massacres de la Sainte Barthélemy, sera irréversible et dégagera l’Europe des ténèbres du Moyen page. L’autonomisation du champ politique va grandissant et aboutira à la séparation des l’Eglise et de l’Etat. Le régime laïc prend le dessus. La société se développe rapidement et libère ses énergies créatrices.

Le « monde islamique » vit toujours au rythme du Moyen âge, en déphasage avec le monde qui avance, recroquevillé sur lui-même autour de ses minarets, passe son temps à se lamenter sur la « gloire » d’un passé révolu. Les dignitaires religieux, tous courants confondus, se veulent les représentants de Dieu sur terre, les détenteurs de la Vérité, totale et absolue. A eux, exclusivement, revient le droit d’interpréter le texte coranique pour en donner le Vrai sens, l’unique sens autorisé.

Les extrémistes islamistes comme les wahhabites saoudiens se définissent comme soldats du djihad qui « légalisent » la violence et le terrorisme sous toutes ses formes. Les « docteurs » de la foi musulmane critiquent la hiérarchisation de l’Eglise, mais reproduisent la même structure, avec des Mollahs, des Emirs, des Ouléma et autres Muftis. Des gardiens du temple qui imposent à la masse des croyants leurs lectures univoques.
Dans chaque Etat musulman, une structure, un Ministère est dédié au culte, avec des fonctionnaires payés par l’Etat dans le seul but de s’accaparer le champ religieux et légitimer ses décisions politiques. Au Maroc, le Ministère des Affaires Religieuses est la voix officielle de l’islam de l’Etat qui tient à en détenir le monopole, comme ce fut le cas de l’Eglise au Moyen âge. Une manière de gérer officiellement les âmes et les consciences. La « parole » de Dieu est ainsi, officiellement, instrumentalisée.

Or, le rôle des religieux, chez Imazighen, a toujours été confiné dans la « gestion » des âmes. La cité est réservée aux assemblées élues démocratiquement. Le religieux avait pour fonction de prêcher la parole de Dieu, combler un besoin spirituel et non se mettre au service d’un pouvoir politique. Les religieux, avec leur Conseil de Ouléma et leur Ministère de tutelle, n’existent que pour soutenir la politique de l’Etat, s’ils sont sollicités, s’alignent sur ses positions.
Ces mêmes religieux se taisent sur les questions relatives aux droits de la femme, de l’enfant, de l’homme. Ils brillent par leur silence complice dans le domaine des droits identitaires, culturels, linguistiques et historiques amazighes. Ils ne se sont pas prononcés sur les années de plomb.

Pire, avec le soutien à peine déguisé du Ministère de tutelle, des imams zélés et autres alim ont proférés des propos incendiaires sur l’amazighité et ses dépositaires. D’aucuns sont allé jusqu’à accuser la mouvance amazighe de collusion avec l’impérialisme et le sionisme. Des propos staliniens qui témoignent de la jonction entre ces oulémas et les arabo-baâthistes dans ce sens qu’ils font, tous, du combat contre Imazighen et l’amazighité une constante idéologique. Il suffit de relire les déclarations des responsables du PJD et celles des autres congrégations staliniennes pour conclure que cette faune politico-religieuse s’accorde sur un fait : la destruction de l’amazighité et la désintégration de ses valeurs.

Devant les déclarations de religieux « officiels » contre l’amazighité, le Ministère de tutelle ne réagit pas. Il laisse les prédicateurs des dérives fanatiques transformer les lieux de culte en podium pour y tenir des discours moyenâgeux, xénophobe, y prêcher la haine et l’appel au meurtre du juif, du chrétien et des non croyants.
Ces mêmes religieux se sont arrogés le droit d’émettre des Fatwas, semblables aux Bulles émises par le pape au moyen âge, pour condamner les « hérétiques », les accuser d’apostasie et rendre leur décapitation légitime. Au nom de Dieu, créateur de tous les hommes, de toutes les religions, de toutes les langues.

A cheval sur la religion et la politique, les religieux nagent dans des eaux troubles, mélangent les registres, sèment la confusion en mettant en concurrence le livre saint et la physique quantique : deux domaines différents et qui ne sont pas forcément opposés. Pour ces religieux de l’islam officiel, tout est dans le Coran dont ils donnent une lecture misogyne et primaire. Et cette position bornée et dogmatique traduit la peur des religieux et leur incompétence à comprendre le monde qui évolue.

L’islam est inscrit dans la constitution comme religion de l’Etat pour le « nationaliser ». Comme si les âmes ont un Etat, une nation, un territoire, une langue ou une idéologie! La foi est décrétée et la liberté de conscience asservie. Tout marocain, avant sa naissance, est décrété musulman et arabe. Comme si la parole de Dieu a besoin de lois humaines pour se perpétuer!

Pourtant la réalité marocaine est autre. L’Etat est mieux situé pour le savoir. Ses statistiques sont éloquentes : le nombre de marocain qui fréquentent la mosquée est limité. Ceux qui pratiquent l’islam, exception faite du mois de jeune observé pour des raisons morales inscrites dans la culture populaire, ne sont pas nombreux. En témoignent les centaines de bistrots installés sur tout le territoire national : personne n’est dupe pour penser que ces lieux sont, exclusivement, fréquentés par des étrangers! Les marocains sont certes croyants, mais pas fanatiques. Leur culture amazighe leur a inculqué les valeurs millénaires de tolérance et de respect de la différence. Le Maroc est une terre où cohabitent plusieurs cultes.

Quelle différence existe-t-il entre une Eglise qui envoyait au bûcher les hérétiques et les libres penseurs et des Muftis qui appellent au meurtre et légalisent les actions terroristes? Les religieux rêvent de contrôler notre liberté d’expression, de conscience, de mouvement pour, en définitif, contrôler nos âmes!
Nos religieux tiennent un discours hypocrite. Leur tartufferie bute contre le réel. Ils vivent choyés par le pouvoir, dans des palaces et des villas. Des oulémas devenus propriétaires officiels de la religion. Ces mêmes oulémas qui ont collaboré avec le colonisateur pour concasser la résistance amazighe. Ces mêmes oulémas qui ont scandés le Latif, au tombeau de Moulay Driss, pour implorer la guérison du Lyautey, s’élever contre la reconnaissance de la France de l’existence d’un droit coutumier amazighe. Des Hajs qui, en s’acquittant de leur fonctions officielle, font la prière chaque vendredi, arnaquent le citoyen. Ils prêchent la charité et la solidarité, mais ne sont pas disposé à céder aucun de leurs privilèges. Existe-t-il un haj ou un alim prêt à donner ses biens aux nécessiteux et aux pauvres ou consacrer sa vie, comme Soeur Térésa aux intouchables de l’Inde ?

Allié objectif de l’arabo-baâthisme, les dignitaires religieux, du PJD, du Cheikh Yacine ou de toute autre mouvance obscurantiste, traînent avec eux une mentalité esclavagiste et féodale. Ils affirment être contre l’idolâtrie, mais se hissent en idoles à vénérer et jugent les hommes à la place de Dieu.

Nos oulémas sont des dictateurs en miniature, des hommes bornés qui régurgitent le livre saint sans le comprendre. Ils estiment que le champ théologique leur appartient et en gardent jalousement l’entrée. Ils entretiennent la confusion entre l’arabisme et l’islam. Et au nom de la religion, ils soutiennent les potentats arabes : peut-on toujours considérer le tyran de Syrie musulman ? Et le gang de la famille saoudienne qui a fait de l’Arabie Saoudite une propriété familiale ? Et le petit Hitler d’Iran qui appelle au génocide ?…
En séparant la sphère du religieux et du politique, Imazighen ont pu sauvegarder l’autonomie de la conscience mais surtout la tolérance, la transparence et la liberté de conscience. L’islam officiel et ses dignitaires hypothèquent le devenir de notre pays. Il est temps de clore le Moyen âge arabo-islamique, source de sous développement et de blocages multiples.

La sacralisation de l’arabe est une mascarade politico-religieuse. L’islam n’est ni arabe, ni la propriété des Arabes. Avant d’être la « langue du Coran », l’arabe est d’abord la langue des Arabes. Elle n’est pas une langue divine, tout comme les Arabes ne sont pas un peuple divin, ni leur langue d’ailleurs. Une lecture critique de l’exégèse «islamique» s’impose. La lecture qui nous est présentée par nos oulémas est stérile, dogmatique et tourne en rond. Elle nuit à l’islam, du moins à l’islam amazighe.  Les dignitaires du pouvoir tiennent des discours erronés. Ils appellent à la démission de la raison, à son inhibition et à sa paralysie. Incapables de s’adapter au monde qui avance, ils dérivent vers les extrêmes. Leurs victimes, formatés par une école qui a cédé aux sirènes des intégristes et par des télévisions arabocranisées, développent des réflexes conditionnés, réagissent par la violence comme tentative d’abolir la réalité.

Le rejet de l’Autre, fait partie de tout parcours religieux. Il est temps de marquer une rupture théologique et politique au sein du « monde islamique ». C’est son unique chance. La survie de l’islam n’est pas liée à l’arabe ni aux Arabes. La Réforme européenne a commencé par la traduction de la Bible vers d’autres langues. Le refus de traduire le coran vers d’autres langues ne repose sur aucun argument qui tienne. On ne peut pas commander les consciences des citoyens. Seul Dieu est juge de nos actes.

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