Sahel: La «réarticulation» de Barkhane sera-t-elle suffisante pour éviter la généralisation du chaos?

Abdoulah ATTAYOUB
Abdoulah ATTAYOUB

Depuis l’annonce du départ de l’opération Barkhane du territoire malien, la situation sécuritaire semble se dégrader à une allure inquiétante, qui s’est d’ores et déjà traduite par une multiplication d’attaques des groupes extrémistes violents. Plusieurs centaines de civils ont été massacrés et des dizaines de milliers déplacés dans la zone des trois frontières.

Le vide laissé par le départ de Barkhane du Mali a davantage mis en évidence les insuffisances de l’armée nationale et surtout l’inadéquation, voire l’inexistence, d’un dispositif sécuritaire apte à faire face à cette nouvelle situation. Une réadaptation des engagements opérationnels sur le terrain semble par conséquent indispensable afin d’éviter que la situation n’échappe inexorablement au contrôle des Etats concernés.

Les Forces de Défense et de Sécurité (FDS) ayant fréquemment fait preuve de leur incapacité à exploiter efficacement la collaboration des populations locales, la confiance de ces dernières se réduit à vive allure. Les exemples ne manquent pas d’alertes non suivies d’effets et d’assaillants qui repartent et s’ébranlent pendant des journées avec du bétail sans être poursuivis par les FDS. Très souvent, ces dernières arrivent sur les lieux tardivement, pour constater l’ampleur des dégâts et des massacres avant de regagner leurs bases. Cette attitude est ressentie comme un aveu de faiblesse ou pire comme une absence manifeste de volonté des FDS de protéger les populations ce qui expose ces dernières aux pires exactions.

Ce constat, amplifié à la mesure du désespoir des populations, requiert une attention qui ne doit plus échapper à la vigilance des acteurs militaires internationaux s’ils veulent éviter la généralisation de leur rejet par les populations se sentant abandonnées et sacrifiées. Il est primordial que les populations locales puissent avoir une appréciation directe de la présence française et internationale par une gestion efficiente de l’ensemble des actions militaires et de développement ainsi qu’une sensibilité plus clairement exprimée à leurs souffrances. Il semble par conséquent utile pour la Communauté internationale de ne pas trop s’enfermer dans un rapport exclusif avec les Etats, qui ne sont manifestement plus en capacité de s’acquitter convenablement de leurs missions régaliennes.

Au Niger par exemple, ce contexte ne doit pas être sous-estimé car l’opinion est déjà travaillée par des courants prétendument « panafricanistes » qui sont en réalité les relais d’intérêts géopolitiques internationaux. Néanmoins, la société civile demeure encore sur des positions généralement considérées comme pragmatiques et pourrait être convaincue de l’importance de consolider certains acquis démocratiques sans renoncer à ses exigences sur l’amélioration de la qualité de la gouvernance.

L’Assemblée nationale ayant autorisé le Président Bazoum Mohamed à engager les discussions avec la France afin de déterminer les contours d’un éventuel renforcement de sa présence dans le pays, il convient de tirer les leçons des récents évènements dans la sous région pour s’assurer une adhésion réelle et « intelligente » de l’ensemble des populations.

Au regard de la détérioration progressive, particulièrement dans la zone des trois frontières, et dans la région de l’Azawagh (Nord Tahoua), il est urgent que les dispositifs sécuritaires soient repensés pour obtenir des résultats tangibles pour ces populations ; initiatives qui ne se limiteraient pas à des actions stratégiques dont l’impact ne se voit pas sur le terrain.

La communauté internationale, notamment le Conseil de sécurité des Nations unies devra reconsidérer son approche de la réalité au Sahel et redéfinir son action pour la mettre en adéquation avec les impératifs sécuritaires locaux. En effet, face à des pays limités dans leurs capacités à protéger les populations, il revient à cette Communauté internationale de créer les conditions nécessaires à l’utilisation des moyens disponibles pour sécuriser les civils dans cet espace. La souveraineté des Etats ne saurait justifier l’abandon de populations à elles mêmes dès lors que leurs Etats n’assurent plus les fonctions les légitimant et cherchent à masquer leurs défaillances en s’en prenant parfois même à ces populations. Cela mérite pour le moins une réflexion sur les contours de cette souveraineté ainsi que les conditions de son exercice.

Certains Etats sahéliens sont encore embryonnaires et la prééminence d’intérêts particuliers empêche encore l’avènement d’institutions à même de se mettre au service de tous les citoyens. Le recours aux groupes d’autodéfense est ainsi devenu inévitable pour pallier les insuffisances des FDS dans les zones sous tensions. Les autres acteurs militaires de terrain devraient intégrer cette réalité dans les différentes stratégies sécuritaires afin de leur donner davantage de chances d’un impact significatif sur la situation des populations. Cela pourrait également réduire les risques de voir toute la sous-région sombrer dans un chaos généralisé dont les conséquences pourraient se révéler désastreuse pour la stabilité du Sahel.

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