Ouverte sur le monde extérieur, Céline FAU, présidente de l’association AMUD Amazigh a toujours considéré l’homme dans un système. Envisager l’individu dans son environnement et tenir compte de son propre rapport au monde. Elle s’est toujours sentie à part dans ce monde. En parallèle de sa licence en anthropologie sociale et culturelle à l’université du Mirail à Toulouse, elle a réalisé un DU d’arabe dialectal Marocain. Au-delà de la langue, elle a suivi des cours de civilisation et de littérature de l’Afrique du Nord, où elle entend pour la première fois le terme Amazigh. Tout s’est bousculé dans sa tête : elle s’est sentie presque trahie par l’histoire, par le système scolaire et les médias qui ont participé à lui raconter une autre réalité. Alors, elle a observé de plus en plus les maghrébins ou les personnes d’origine maghrébine autour d’elle et elle a commencé à comprendre les enjeux politiques, les dilemmes identitaires des citoyens. Elle a ressenti cette chappe de plomb qui contraint les Nord-Africains à réécrire une histoire et une identité qui sont dépourvus de sens. Elle a compris que les maghrébins ne sont donc pas des Arabes, voilà une porte culturelle qui s’ouvrait devant elle et qui fait écho à sa propre histoire. Elle se rappelle tout d’un coup de son grand-père paternel né dans l’arrière-pays du sud-ouest de la France. Lui qui ne connaissait pas un mot de français en arrivant à l’école et qui se faisait frapper par l’instituteur s’il osait parler sa langue maternelle, l’occitan, dans les murs de l’école. Trente ans plus tard, elle entend le même discours quand des Amazighs lui racontent ces anecdotes d’écoliers : les coups, le dénigrement…. Cette blessure résonne en elle !
La danse :
A la même période, elle a commencé à prendre en région Toulousaine des cours de danse dite orientale, Elle se sentait à sa place, comme si chaque coup de percussion la traversait, chaque mouvement l’habitait. Elle se réconcilie avec sa féminité. Cette danse lui permet de ne faire qu’un avec la terre mère. Son enseignante lui propose d’intégrer une troupe professionnelle. A travers la danse elle commence à s’interroger, l’Egypte… l’arabe ….et puis certaines danses apparaissent. Une langue différente, des tenues et des mouvements différents… ; alors elle reprenait avec ses amies le charqi comme si de rien n’était ou presque. Elle a compris alors que son enseignante Laïla LECLERC, originaire de Rabat, abordait parfois avec elles des danses amazighes. Ne se l’autorise-t-elle pas complètement ? Au fil des années leur collaboration lui permet de se réconcilier avec sa propre histoire. Aujourd’hui elle développe son Amazighité à travers la danse et reste une partenaire de qualité sur les projets culturels. Depuis 2011, elle est devenue danseuse, enseignante et chorégraphe et elle propose des danses traditionnelles mais également des fusions. Les danses amazighes ne sont pas figées dans le temps et se marient à merveille avec d’autres univers.
Création des jeux pédagogiques :
Céline FAU a fondé une association qui s’appelle AMUD Amazigh au sein de la commune d’Avignon (Sud Est de la France) en 2019. Elle a souhaité créer sa propre identité associative afin de remettre au cœur de ses actions la raison pour laquelle elle s’investissais depuis le départ : la préservation de la culture Amazighe. Elle s’est aperçue que bon nombre de berbérophones ne connaissaient pas l’écriture Tifinagh et que les non berbérophones n’avaient pas toujours pas de supports accessibles et adaptés à la transmission. Sachant qu’elle venait du milieu de l’animation culturelle, son cœur de métier est d’apprendre en s’amusant. Elle a donc décidé de créer au sein de l’association AMUD Amazigh des jeux pédagogiques autour de la question de la langue et de la culture. L’expertise d’un étudiant Marocain doctorant en langue berbère ou bien d’une enseignante Amazighe en Algérie (actuellement en reprise d’étude en France), Mme Malika KADDOUR lui ont apporté les éléments linguistiques nécessaires. D’autres jeux qui n’impliquent que des notions de vocabulaire ont été réalisés entièrement par ses soins. Actuellement, elle est en train d’élaborer un jeu autour de la question des tribus et du territoire de Tamazgha avec un anthropologue et archéologue basé à Paris. Elle cherche une maison d’édition pour diffuser ses jeux dans les établissements scolaires qui dispensent la langue Amazighe en Afrique du Nord et les rendre accessibles aux familles en France désireuses de transmettre cette langue à leurs enfants.
Evènements culturels :
Depuis 2017, Céline a participé de façon bénévole à des évènements amazighs organisés par d’autres associations dans le sud de la France mais également au sein de l’université d’Avignon. Elle a mis à disposition ses compétences dans la conduite de projets, sa créativité et sa passion pour cette culture afin de la préserver au mieux, à son modeste échelle. Pour elle, tout est prétexte à aborder la culture et l’histoire de façon ludique. A titre d’exemple, elle a collaboré avec une cavalière qui accueillait le public lors d’un événement. Avec cette présence féminine et majestueuse avec le cheval, elle a réussi à capter l’attention du public. De ce fait, elle a pu alors les emmener vers l’exposition qu’AMUD Amazigh avait réalisé sur la guerrière Tihiya et le modèle matriarcal originel des sociétés Amazighes.
Durant le confinement lié au COVID, AMUD Amazigh a proposé des cours en ligne de langue et de civilisation pour les adultes. Cette période qui semblait mettre un frein à tous les projets lui a permis d’ouvrir le chant des possibles. En effet, elle a souhaité dans tous les projets qu’elle proposait et qu’elle propose, représenter l’ensemble des ethnies et des territoires Amazighs. Elle s’est également aperçue au fur et à mesure de ses participations dans les évènements de ses partenaires que les choses étaient très cloisonnées. Elle mettait, donc, un point d’honneur à tenir un positionnement rassembleur et rappeler l’étendu et la force du territoire du Tamazgha. Cette période de confinement lui a permis de contacter des partenaires et artistes d’Afrique du Nord au-delà des frontières plus facilement où ils ont organisé un événement culturel en ligne en collaboration avec d’autres associations (concert, interview de maisons d’édition, danses, conférence-débat, jeux interactifs…).
Depuis la création de l’association AMUD Amazigh, cette française, prise d’Amour pour cette culture, participe à d’autres événements organisés par d’autres entités à travers ses stands de jeux, ses danses ou expositions diverses. AMUD organise également ses propres événements. Le dernier en date a mis en lumière l’univers du conte et la création de tableaux ainsi que des bijoux. D’autres projets sont à venir autour de la question de l’apprentissage du chant et de nombreux supports ludiques pour continuer d’apprendre en s’amusant où Céline FAU dédie son temps et ses compétences à disposition afin de permettre aux Amazighs et à leur culture de trouver un espace d’expression et de légitimité…