L’Amazighité au Maroc en 2025: Entre Reconnaissance et Défis

Hamid FAYOU
Docteur en sciences économiques & Chercheur en identité et culture amazighe

Le Maroc a renforcé son engagement envers l’amazighité, notamment avec la reconnaissance officielle du Yennayer comme jour férié national depuis 2023, célébré en janvier 2025 avec des festivités à Agadir, Rabat et Marrakech. Le gouvernement a alloué un budget de près d’1 milliard de dirhams en 2025 pour la promotion de la langue amazighe, contre 300 millions en 2024, finançant des initiatives comme l’installation de 3 000 panneaux bilingues et le recrutement de 1 684 agents amazighophones dans les administrations . La Banque Al-Maghrib a également émis un billet de 20 dirhams avec des inscriptions en tifinagh, marquant une étape symbolique.

– Enseignement : Avancées et lacunes

Bien que 30 % des écoles primaires intègrent désormais l’amazigh, seuls 600 000 élèves l’apprennent, loin des objectifs de généralisation . Le manque de manuels et d’enseignants qualifiés persiste, avec seulement 3 000 enseignants formés en 2025. Ahmed Arahmouch, avocat et militant, dénonce un « manque criant de moyens » et une méthodologie de recensement qui sous-estime le nombre de locuteurs amazighs, estimé à 24,8 % par le HCP, mais contesté par les militants .

– Revendications socio-économiques

Les régions amazighophones, comme le Haut Atlas touché par le séisme de 2023, dénoncent une reconstruction lente et un isolement socio-économique . En avril 2025, des milliers de manifestants à Marrakech et Rabat ont exigé une meilleure protection juridique de la langue et une répartition équitable des ressources  Ces mobilisations coïncident avec le 45e anniversaire du Printemps amazigh, rappelant les luttes historiques contre la marginalisation .

– Dynamiques culturelles et médiatiques

La culture amazighe connaît un renouveau grâce à des initiatives comme la playlist « Bladna Kenz » de Kenz Maroc ou la série de couscous édition limitée célébrant le Yennayer . La chaîne Tamazight TV (AL24) élargit sa programmation, tandis que des campagnes comme #TamazightTrend sur TikTok attirent les jeunes . Cependant, les militants critiquent une « folklorisation » de la culture, réduite à des symboles sans ancrage politique profond .

– Débats identitaires et politiques

La polémique sur l’absence du tifinagh dans le logo de la Coupe du Monde 2030, malgré les demandes répétées des organisations amazighes, relance les tensions identitaires . Par ailleurs, le sondage Sunergia de 2025 révèle que 25 % des Marocains parlent couramment l’amazigh, contre 94 % pour la darija, alimentant un débat sur la place des langues dans l’identité nationale .

– Mobilisation internationale et solidarité

L’Assemblée Mondiale Amazighe (AMA) soutient des causes transnationales, comme la dénonciation du génocide des Amazighs de l’Azawad au Mali, et appelle à une solidarité panamazighe . Ces efforts s’inscrivent dans une stratégie visant à exploiter des événements globaux, comme la CAN 2025 ou la Coupe du Monde 2030, pour renforcer la visibilité de l’amazighité .

– Perspectives et feuille de route

La loi organique 26-16 fixe des échéances clés : généralisation de l’enseignement en 2026, usage obligatoire dans les médias d’ici 2031, et officialisation totale en 2036

Les militants, comme Rachid Raha de l’AMA, insistent sur un « trinôme » prioritaire : langue, histoire et identité, tout en exigeant une démocratie participative pour impliquer les citoyens dans les décisions 1. L’enjeu dépasse la linguistique : il s’agit de justice sociale et d’égalité, comme le résume Ahmed Arahmouch : « Si nous ne faisons rien, l’amazigh continuera de reculer ».

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