Institut d’été d’études amazighes (The Critical Amazigh Studies Summer Institute -CASSI-)

Dr. Mohamed Chtatou

L’Institut d’été d’études amazighes critiques (The Critical Amazigh Studies Summer Institute -CASSI-), dans sa première session, est organisé conjointement par le professeur Aomar Boum, éminent professeur membre de l’Académie du Royaume du Maroc, anthropologue et enseignant à l’université en Californie (UCLA), et le professeur Brahim El Guabli, professeur associé d’études arabes et de littérature comparée à l’université John Hopkins de Baltimore. Les deux éminents professeurs sont cofondateurs et corédacteurs en chef du Tamazgha Studies Journal, une revue à comité de lecture consacrée à l’étude de Tamazgha.

Le programme est organisé en collaboration avec l’Université Internationale de Rabat (UIR), sous la supervision de la Direction des relations internationales et des partenariats, dirigée par Meryem El Alaoui et coordonné par le professeur Najib Mokhtari, directeur académique du programme international MENASA de la Faculté des sciences sociales (CSS). La logistique a été magnifiquement pilotée par le duo sympathique de Nidal Benali et Salma Chliyah.

Session d’ouverture du CASSI

Cet institut d’été offre aux étudiants américains et marocains qui participent aux différentes sessions, les cours suivants :

Tamazight élémentaire

Tamazight élémentaire est un cours intensif d’introduction à la langue amazighe. Ce niveau se concentre sur l’acquisition des compétences fondamentales pour parler le tamazight et lire et écrire dans son alphabet officiel, le tifinagh. Les participants apprendront à lire et à écrire le tifinagh, à mener des conversations basiques et acquerront des connaissances culturelles sur la société amazighe. En plus des cours structurés en classe, une heure entière sera consacrée chaque jour à la pratique de la conversation en tamazight. Les enseignants utiliseront une approche communicative et immersive qui aidera les apprenants à utiliser la langue dans son contexte et à accomplir des tâches concrètes dans le contexte spécifique des langues amazighes parlées au Maroc. En dehors du campus, les apprenants sont encouragés à tester leurs compétences dans des situations de communication réelles, par exemple lorsqu’ils font leurs courses ou des commissions.

Cours : Les sociétés amazighes dans la longue durée (Aomar Boum & Brahim El Guabli)

Ce cours est un moment fondamental pour permettre aux participants de comprendre la longue trajectoire historique des sociétés amazighes, de la préhistoire à nos jours. Ce cours pose les bases d’une compréhension nuancée de l’histoire amazighe, dans l’ensemble de l’Afrique du Nord, en examinant diverses théories sur les origines des Imazighen et en explorant de nouvelles recherches qui remettent en question les récits plus anciens. Partant des récentes recherches archéologiques, qui ont bouleversé les anciennes théories sur l’histoire de cette région, en particulier en ce qui concerne les origines phéniciennes de la civilisation nord-africaine, ce séminaire posera les bases du reste du CASSI.

Aomar Boum & Mohamed Chtatou (de gauche à droite)

Séminaire : « Problématiser la catégorie amazighe » (Aomar Boum & Brahim El Guabli)

S’appuyant sur la conférence sur l’histoire amazighe dans la longue durée, ce séminaire examine de manière critique le concept d’« Amazigh ». Les spécialistes dans ce domaine ont été confrontés à des problèmes de terminologie entre l’utilisation des termes Amazigh et Berbère. Bien que cette question puisse sembler anodine et puisse être expliquée en rejetant l’utilisation romaine du terme pour dénigrer toutes les personnes qui ne parlaient pas latin, l’insistance de certains chercheurs à utiliser le terme « berbère » plutôt que « amazigh » en raison de l’utilisation prédominante du premier dans les sources historiques nécessite une disposition critique pour problématiser la signification de la terminologie et de la nomenclature dans un contexte autochtone. Ce séminaire examinera et discutera les prémisses des travaux universitaires les plus importants à cet égard. Ce séminaire abordera également les questions de continuité historique entre les anciens Imazighen et les Imazighen actuels. Les présentations et les discussions engagent les deux perspectives afin d’aider les participants à réfléchir aux questions de dénomination et de continuité/rupture historique et à leurs enjeux idéologiques sous-jacents.

Conférence : « Les sciences humaines amazighes et la pensée rationnelle » (Abdeslam Benmaisa)

Cette conférence explore la manière dont les Imazighen se sont historiquement engagés dans la pensée rationnelle et la réflexion critique. Présentée par Abdeslam Benmaisa, l’un des plus grands experts marocains dans ce domaine, cette session met en lumière les traditions intellectuelles des sociétés amazighes anciennes et médiévales. Allant de la littérature à la religion en passant par la théorie politique, les contributions multiples des Imazighen à la pensée humaine ont été sous-estimées ou peu étudiées. Cette conférence présentera une lecture différente de la production culturelle en Afrique du Nord avant et après l’avènement de l’islam au VIIe siècle.

Séminaire : « Colonialisme, nationalisme et l’avènement de la question amazighe » (Mohamed Chtatou)

Dans le contexte de l’impact durable et permanent du colonialisme français sur les sociétés amazighes, ce séminaire examine comment la colonisation a changé et transformé les sociétés amazighes autrefois prédominantes et leurs identités. À contre-courant des contingences socioculturelles et historico-politiques, ce séminaire mettra en évidence les différentes façons dont les politiques coloniales ont favorisé le nationalisme arabe et marginalisé les communautés amazighes, ouvrant la voie à une situation postindépendance dans laquelle le tamazight et les Imazighen ont été mis à l’écart dans leurs pays d’origine, ce qui a conduit à l’émergence du Mouvement culturel amazigh (MCA) en 1966/1967. L’avènement du MCA a entièrement bouleversé le paysage culturel et créé les conditions d’une transformation politique et sociétale qui accepte désormais le tamazight. Les thèmes qui seront abordés comprennent, sans s’y limiter, la conquête, l’administration, l’éducation et l’exclusion postcoloniale des Imazighen dans Tamazgha.

Brahim El Guabli et Najib Mokhtari (de gauche à droite)

Conférence : « Écrit dans la pierre : les inscriptions amazighes anciennes » (Abdellah Elhaloui)

En 1920, Henri Basset écrivait que les chercheurs étaient perplexes devant le fait que les Imazighen, qui possédaient l’un des alphabets les plus anciens de l’univers, ne l’aient jamais développé et aient préféré écrire dans les langues de leurs colonisateurs. Dans le prolongement de l’exploration de la civilisation amazighe antique, cette conférence se concentrera sur l’histoire et le déchiffrement de l’écriture libyco-berbère (tifinagh). Elle expliquera les utilisations historiques de l’alphabet ainsi que les obstacles qui ont empêché sa normalisation par les premiers Imazighen, malgré son utilisation continue par les Touaregs du Sahara. Faisant le lien entre le passé et le présent, la conférence mettra également en lumière la normalisation du tifinagh par l’IRCAM et ses utilisations actuelles dans tout le Tamazgha, l’Afrique du Nord au sens large et sa diaspora.

Séminaire : « Le cinéma amazigh » (Jamal Bahmad)

Le cinéma amazigh a connu une croissance phénoménale entre le milieu des années 1990 et 2025. En l’espace de trente ans, le cinéma amazigh est passé d’un domaine artistique amateur à une industrie professionnelle qui dispose de ses propres bailleurs de fonds, producteurs, cinéastes et critiques. Bien que ce cinéma ait encore du mal à trouver sa place dans les études sur le cinéma maghrébin dominant, sa réalité témoigne d’un domaine en pleine expansion qui façonne la manière dont les sociétés amazighes consomment le cinéma et le perçoivent. Les participants exploreront l’histoire et le développement du cinéma amazigh, depuis son émergence dans les années 1970 jusqu’à son expansion actuelle, en découvrant ses avancées et ses revers, ainsi que les changements qu’il traverse dans le cadre des fluctuations qui ont caractérisé l’institutionnalisation de la langue et de la culture amazighes dans différents pays de tamazgha. Le séminaire offre un aperçu de ce mouvement culturel dynamique et de son rôle dans la renaissance amazighe.

Événement : projection de film et questions-réponses avec la réalisatrice (femme cinéaste)

À la suite du séminaire sur le cinéma amazigh, les participants assisteront à une projection de film au Centre cinématographique marocain, suivie d’une session de questions-réponses avec la réalisatrice.

Vue générale des participants

Séminaire : « Littérature amazighe : genèse, paramètres et traduction » (Najib Mokhtari & Brahim El Guabli)

L’avènement du MCA et son activisme de plusieurs décennies en faveur des Imazighen ont été multiples. L’effort visant à faire revivre, revitaliser et réhabiliter une langue et une culture vivantes ainsi que l’identité qui les sous-tend n’a pas été une tâche facile ni sans heurts. En fait, cela a nécessité un travail considérable et une attention méticuleuse aux différents aspects de la question, entre l’activisme direct et l’utilisation du soft power pour attirer l’attention sur le statut précaire et activement marginalisé du tamazight. La production littéraire et la création d’un imaginaire amazigh ont été fondamentales pour le MCA, dont les membres ont compris l’importance de raconter l’histoire amazighe pour contrer l’état de honte intellectuelle que la génération des fondateurs a connu en raison de l’absence de littérature amazighe écrite. Quarante ans après, la littérature amazighe est à la fois abondante et prospère, et les participants au CASSI découvriront les méandres de sa trajectoire tortueuse et apprendront son importance pour les Imazighen. Ce séminaire se concentre sur le développement de la littérature amazighe, en particulier depuis les années 1980, en explorant comment les militants du MCA l’ont mise à profit pour créer un champ littéraire amazigh contemporain qui couvre tous les genres littéraires. Le séminaire abordera également les questions de l’oralité, de l’enregistrement et de la revitalisation de la langue.

Table ronde avec les éditeurs de littérature amazighe : associations Ad Nuru et Tirra (Baha Mansoub ; Lahcen Zaheur & Sahoui)

Depuis l’avènement du MCA, la revitalisation de la langue et de la culture amazighes a été confiée à la société civile amazighe, qui a également hérité de la tâche, ou plutôt du fardeau, de publier de la littérature en tamazight. Bien que le paysage institutionnel entre le Maroc et l’Algérie soit différent, les deux pays ont en commun le rôle actif de la société civile amazighe dans la production littéraire. Cette table ronde ouverte réunira deux éditeurs marocains et un éditeur algérien qui discuteront de leur vision, de leur approche et de leurs mesures pour encourager la production littéraire amazighe.

Séminaire : « Manifestations de l’environnementalisme amazigh » (Abdellatif Bencherifa)

Les Imazighen ont façonné leur environnement tout comme leur environnement les a façonnés. Contraints de vivre dans des régions accidentées et montagneuses à la suite des conquêtes et invasions qui ont eu lieu depuis l’aube de l’histoire, les Imazighen ont développé des pratiques environnementales adaptées à leurs paysages naturels. Des systèmes d’irrigation à la distribution de l’eau en passant par les pratiques de récolte. Les Imazighen ont conçu et maintenu des traditions et des pratiques applicables qui ont perduré pendant des siècles. Ce séminaire mettra en lumière et discutera les pratiques environnementales traditionnelles amazighes, telles que l’utilisation des igudar (anciennes installations de stockage), les systèmes de conservation de l’eau, les obligations agricoles, la propriété collective des terres et l’exploitation cyclique des ressources. Lorsqu’on les examine d’un point de vue environnemental, ces pratiques reflètent une sensibilité écologique profondément enracinée qui a façonné la vie des Amazighs pendant des millénaires.

Vue des participants

Conférence sur l’intersectionnalité amazighe (Hassan Id Balkassam)

Le MCA a œuvré tant au niveau national qu’international. Au niveau national, les militants du MCA ont rédigé des déclarations, organisé des manifestations, participé à des débats et produit des ressources littéraires et non littéraires qui constituent une riche archive amazighe alternative. Au niveau international, les militants amazighs ont participé à des conférences des Nations unies, formé des coalitions et collaboré avec d’autres groupes autochtones, en particulier dans les années qui ont précédé la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones en 2007. Hassan Id Balkassam est un éminent militant marocain et défenseur des droits humains qui a participé au processus des Nations unies pour la reconnaissance des droits des peuples autochtones. Sa conférence et la séance de questions-réponses qui suivra expliqueront le processus par lequel la défense de la langue et de la culture amazighes s’est intégrée aux réseaux mondiaux des peuples autochtones et l’impact de ce processus sur le discours du MCA au niveau national. Dans son objectif plus large, cette conférence vise à contextualiser la lutte culturelle amazighe dans le contexte plus large des mouvements autochtones mondiaux.

Séminaire : « Traduction et production culturelle amazighe » (Brahim El Guabli)

La traduction est un aspect crucial des efforts continus visant à revitaliser la langue et la culture amazighes ainsi que l’identité qui les sous-tend dans toute l’aire Tamazgha. Au lieu d’un processus unidirectionnel du tamazight vers les langues étrangères, le processus de traduction en tamazight s’est avéré riche, multilingue et extrêmement diversifié. La diversité et la richesse des pratiques de traduction amazighes ont été accueillies par le silence et l’absence de réflexion théorique sur leur importance de la part des universitaires. Ce séminaire présentera certaines de ces traductions et initiera les participants à la traduction de tamazight. Organisé sous forme d’atelier, ce séminaire proposera aux participants une activité pratique leur permettant d’essayer de traduire eux-mêmes de petits extraits de textes écrits en tamazight.

Table ronde sur la traduction avec des traducteurs de tamazight et vers tamazight (un théoricien et un praticien) / débat sur l’opportunité d’organiser une discussion avec un groupe de femmes amazighes

Institut Royal de la Culture Amazighe -IRCAM-

Séminaire : « Migration, genre et village amazigh » (Nadia Khrouz)

Les Imazighen vivent dans ce monde, profitent de ses avantages et font face à ses défis comme tous leurs homologues humains. Compte tenu de leur existence au carrefour de l’Afrique, de l’Europe, du Moyen-Orient et de l’Atlantique, l’histoire des Imazighen a été façonnée par la migration et les questions de genre qui l’accompagnent. Ce séminaire examinera la migration amazighe à travers le monde et la manière dont elle s’est reflétée dans la production culturelle – à travers les chansons, les films et la littérature – ainsi que ses conséquences sociales et économiques, en particulier en ce qui concerne les droits des femmes et les rôles de genre. En outre, cette session s’intéressera au changement historique qui s’opère au sein des diasporas amazighes, en particulier au rôle croissant que jouent les Amazighs nord-américains dans la revitalisation de la langue et de la culture amazighes en contact avec les notions d’indigénéité dans le contexte nord-américain.

Visite à l’IRCAM

Séminaire : « Anthropologie des sociétés amazighes » (Aomar Boum)

Animé par un anthropologue, ce séminaire se penche sur la littérature fondamentale et explore comment l’anthropologie des sociétés amazighes peut être redéfinie. La session vise à esquisser de manière critique la portée et l’avenir de ce domaine.

Tamazgha

Atelier musical (Abdellah Bouzandag)

Séminaire : « Repenser les études amazighes » (Aomar Boum & Brahim El Guabli)

Cette session marquera l’aboutissement du CASSI 2025. Plutôt que d’organiser un séminaire dirigé par des professeurs, nous aimerions profiter de cette occasion pour réfléchir à la discipline des études amazighes et à ses liens avec les domaines connexes. Plus précisément, nous aimerions discuter de la question ancienne-nouvelle de la marginalisation et de l’occultation persistantes de la dimension amazighe de ce qu’on appelle les études maghrébines/nord-africaines afin de dégager des solutions à court terme et des objectifs à long terme qui contribueraient à remédier à cette situation inhabituelle. Cette session est une invitation à repenser l’étude de la région en plaçant les Imazighen et leur production culturelle au centre de notre interrogation. Ce changement d’orientation, en plus d’ouvrir de nouvelles perspectives pour une réflexion critique sur la discipline des études maghrébines/nord-africaines, démontrera également l’importance de mettre au centre la dimension amazighe, jusqu’ici passée sous silence par les études dominantes, pour une nouvelle tradition scientifique qui changerait la façon dont cette région est étudiée et abordée. Cette session tournée vers l’avenir permettra aux participants de trouver leurs propres solutions à l’effacement scientifique des Imazighen.

Présentations finales des groupes

Tamghart, femme amazighe, pilier de la société et gardienne de la civilisation amazighe

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