La bataille d’Anoual [i] est un important désastre militaire pour l’armée espagnole en 1921 pendant la guerre du Rif au Maroc. Elle a entraîné la mort de milliers de soldats espagnols et la perte de territoires dans le nord du Maroc. La défaite d’Anoual a eu de graves conséquences sur la politique espagnole, entraînant la chute du gouvernement et l’effondrement de la monarchie.
Le contexte colonial au Maroc
Il y a environ 100 ans, un conflit colonial de grande ampleur a débuté sur la rive sud de la Méditerranée. [ii] D’abord considéré comme une rébellion « indigène », le conflit s’est transformé en une guerre intense, dont la phase finale a impliqué l’intervention de deux grandes puissances coloniales (la France et l’Espagne). [iii]
Évaluée à la lumière de son coût humain, largement oublié aujourd’hui, la guerre du Rif [iv] peut alimenter les débats par une nécessaire réflexion historique autour de l’action humanitaire et du rôle du Comité international de la Croix-Rouge. Elle permettra également d’examiner les liens complexes entre la vérité historique, la mémoire collective et les difficultés politiques inhérentes à la réconciliation.
Le Rif, région du nord de l’actuel Maroc, est une région montagneuse, relativement sèche et très difficile d’accès. Situé entre la mer Méditerranée et le fleuve Ouergha au sud, le Rif est bordé à l’est par la Moulouya et à l’ouest par l’océan Atlantique. Il est principalement peuplé de communautés amazighes (ou berbères), de confession musulmane sunnite. [v]
En 1905, la France et l’Espagne ont le plus d’influence sur le sultanat du Maroc, mais celui-ci est toujours convoité par l’Allemagne, retardataire avec son « Drang nach Afrika » (poussée vers l’Afrique), qui revendique la région de Tanger. En 1911, Berlin envoie une canonnière SMS Panther dans la baie d’Agadir, [vi] sous le prétexte habituel que ses ressortissants sont menacés. [vii]
Cette démonstration de force crée de graves tensions en Europe, et l’Allemagne se voit ensuite offrir des territoires supplémentaires en Afrique équatoriale et au Congo en échange de l’abandon de ses prétentions sur le Maroc. En 1912, le traité de Fès entre la France et le sultan du Maroc crée officiellement le protectorat français au Maroc, tout en accordant à l’Espagne une certaine souveraineté dans le nord, établie par un traité séparé entre la France et l’Espagne. [viii]
Ce traité de 1912 établit une zone française au sud du Rif (connue sous le nom de « Maroc utile »), une zone espagnole au nord avec Tétouan comme capitale, [ix] la zone internationale de Tanger et un territoire saharien au sud de la zone française, également attribué aux Espagnols. Le traité de Versailles (1919) a confirmé que le Maroc resterait sous la protection de la France et de l’Espagne, mettant ainsi un terme définitif à toute revendication allemande sur le pays.
L’établissement du protectorat français au Maroc en mars 1912 résulte de l’implosion de l’État marocain après des décennies d’ingérence européenne dans les affaires marocaines. [x] En novembre 1912, les Britanniques ayant insisté pour qu’un tampon soit créé entre l’Afrique du Nord française et la base stratégique britannique de Gibraltar, les Français ont accordé à l’Espagne une « sous-location » de protectorat de 20 000 km² le long de la côte méditerranéenne du Maroc. Ce territoire était contigu aux enclaves espagnoles de Melilla et Ceuta, établies de longue date, et reflétait le désir de l’Espagne de rétablir une présence coloniale après les pertes humiliantes de la guerre hispano-américaine (1898). [xi]
La cession de Ceuta et Melilla fut discutée maintes fois au Cortes d’après Bernarbé López-García en 1811 : [xii]
‘’ La question des rochers fut discutée entre février et mars 1811 aux Cortès réunies à Cadix. Sur proposition de la Régence, on parla du bien-fondé de leur aliénation, deux positions s’affrontant : celle des opposants à toute atteinte à l’intégrité du territoire de la Monarchie, et celle de ceux qui étaient convaincus « de la nécessité pressante dans laquelle nous nous trouvons d’adopter cette mesure pour obtenir des vivres pour les provinces et les armées ». Ces derniers furent défaits par 84 voix contre 49, mais, quelques mois plus tard, en septembre, la question fut à nouveau discutée en raison du manque pressant d’argent, et l’on aboutit à une décision favorable à la cession, par 65 voix contre 63. La négociation avec le Sultan ne devait jamais être menée à terme, mais son opportunité devait réapparaître plusieurs fois dans des contextes bien différents.’’
Et de continuer :
‘’ Diego Sevilla Andrés, qui a étudié le sujet, ne voit pas d’arrière-plan partisan dans les deux positions qui s’affrontèrent aux Cortès de Cadix à propos du destin des Présides. Cependant, c’est à l’occasion d’une nouvelle période libérale que devait resurgir le problème, aux Cortès de 1820, sur proposition d’un ancien ressortissant, Martinez de la Rosa. On en vint même alors à considérer l’attitude partisane de la conservation des places comme « un reste du fanatisme religieux qui motiva les conquêtes de l’Afrique ». Finalement, le 13 juin 1821 furent autorisées les cessions de Melilla, Vêlez de la Gomera et Alhucemas, mais la crise par laquelle se termina le règne de Muley Sliman (avec la révolte des confréries et l’intronisation de Muley Abderrahman) parallèlement à la chute du régime constitutionnel en Espagne en 1823, laissèrent une fois de plus le projet en suspens.’’
Malheureusement pour l’Espagne, la majeure partie du protectorat était un arrière-pays rural inaccessible, constitué d’un terrain montagneux difficile habité par des dizaines de groupes amazighes, connus collectivement sous le nom de Rifains. [xiii] Bien que ces groupes soient nominalement soumis à l’autorité du sultan marocain, la plupart d’entre eux conservent une autonomie locale considérable et sont absolument opposés à être gouvernés par des chrétiens espagnols. [xiv] Le gouvernement espagnol confie l’administration et la « pacification » du protectorat à l’armée espagnole. Il n’est pas certain que cette force de conscription dispose des ressources, de l’encadrement, de l’entraînement et du moral nécessaires pour mener à bien cette mission. En effet, après six ans d’efforts militaires, les trois quarts du protectorat n’étaient toujours pas « pacifiés ».
Frustré par la situation, le gouvernement espagnol autorise en 1919 le haut-commissaire du protectorat, le général Dámaso Berenguer, à redoubler d’efforts pour placer une plus grande partie du protectorat sous le contrôle de l’Espagne. Berenguer, basé dans la capitale du protectorat, Tétouan, dans la partie occidentale de la zone, est assisté à l’est par son subordonné plus agressif, le général Manuel Fernández Silvestre. L’objectif principal de Berenguer était d’avancer prudemment dans la région montagneuse de Jbala et d’occuper la ville sainte de Chefchaouene. L’objectif principal de Fernández Silvestre est de sécuriser le plus rapidement possible la baie stratégique d’Alhoceima, dans le centre du Rif, et de pacifier les Ait Ouriaghel ⴰⵢⵜ ⵡⴰⵔⵢⴰⵖⴻⵔ, le groupe le plus important, le plus belliqueux et le plus indépendant du Rif. [xv]
Les Abdelkrims étaient l’une des principales familles des Ait Ouriaghel [xvi] et avaient collaboré pendant de nombreuses années avec les autorités espagnoles à Melilla. Cette relation s’est brusquement terminée en 1919 lorsque les Abdelkrims se sont rendu compte que les Espagnols avaient l’intention d’occuper militairement leur groupe et de le dominer. Après la mort de son père en 1920, Mohammed Abdelkrim, un homme aux qualités de dirigeant et d’organisateur considérables, a entrepris, avec son frère et d’autres membres de sa famille élargie, de galvaniser son groupe et les peuples voisins contre les avancées espagnoles. [xvii]
Les Aftricanistas de l’Espagne coloniale [xviii] avait une grande fascination pour les Imazighen du Rif, : pour leur machisme, leur ténacité et leur courage. Ce sentiment est discuté par Sebastian Balfour et Pablo La Porte dans ce qui suit : [xix]
‘’ Les africanistes partageaient également une curiosité, voire une fascination, pour la culture arabe, en particulier celle de leur principal ennemi et parfois allié, les Berbères du Rif. Le mythe espagnol de l' »autre » marocain, censé se caractériser par le fatalisme, l’incohérence et la tromperie. D’autre part, l’attrait de la culture berbère pour les africanistes résidait dans le machisme perçu de ses guerriers, sa religiosité et son sens du destin, autant d’éléments qui suggéraient un héritage historique commun et une affinité avec le mythe de la droite de la race espagnole. Ces caractéristiques mythifiées de l' »autre » marocain ont contribué à façonner le sens de l’identité africaniste, tandis que les paysages austères et le climat extrême du Rif ont servi de toile de fond à une culture commune de la dureté physique.
Le contact avec les habitants et la terre du Maroc a donc profondément influencé la culture des africanistes et renforcé leur sentiment d’aliénation par rapport à la vie en Espagne. Franco écrira plus tard : « Mes années en Afrique vivent en moi avec une force indescriptible […] sans l’Afrique, je ne peux guère m’expliquer à moi-même, ni m’expliquer à moi-même, ni à mes compagnons d’armes « .’’
L’armée espagnole a reflété le déclin national
Sur le papier, les Espagnols disposaient d’un avantage militaire écrasant. Ils disposaient de milliers d’hommes sur le terrain et étaient équipés de tous les instruments de guerre moderne : mitrailleuses, artillerie et avions. A l’époque d’Anoual, Abdelkrim comptait peut-être 3 000 combattants dans ses rangs, armés de vieux fusils et vêtus de longues djellabas de laine et de sandales. [xx]
La réalité était quelque peu différente. L’armée espagnole a reflété le déclin national. Depuis l’armada de 1588, l’Espagne avait subi une cascade de défaites militaires, culminant avec la ruineuse occupation française pendant les guerres napoléoniennes, un événement qui allait déclencher des rébellions dans son empire latino-américain et la perte de ces colonies. L’assaut final et brutal contre la fierté nationale fut la calamiteuse guerre hispano-américaine (1898), qui révéla au monde entier le cas désespéré qu’était devenue l’Espagne. [xxi]
À l’instar du pays, avec son système politique dysfonctionnel et son économie en déclin, l’armée s’est dégradée au fil des années jusqu’au statut de troisième ordre. L’un des problèmes centraux était une classe d’officiers pléthorique qui consommait la majeure partie du maigre budget de la défense. Par exemple, de 1900 à 1910, la moitié du budget militaire espagnol était consacrée à la paie, alors que la masse salariale française représentait moins de 20 pour cent du budget militaire. À cette époque, l’armée comptait 60 généraux de division pour commander 111 435 hommes. [xxii]
À titre de comparaison, l’armée britannique comptait 24 généraux de division pour 374 000 hommes. La marine espagnole était également très lourde. Même après 1898, alors que la marine ne disposait plus que de peu de navires capitaux, une centaine d’amiraux restèrent en service actif. Avec autant d’argent consacré à la masse salariale, l’état de préparation militaire en a souffert. L’Espagne ne pouvait pas se permettre d’acquérir suffisamment d’armes modernes, dont la plupart devaient être importées. [xxiii] L’artillerie en est un exemple. En 1909, l’Espagne avait un ratio de 3,9 pièces d’artillerie pour 1 000 hommes, ce qui était inférieur aux armées de Grèce, du Portugal et de Bulgarie 4,6. [xxiv]
Malgré des dépenses apparemment somptueuses, la classe d’officier était, dans l’ensemble, un sort désolant. Même si l’Espagne possédait ses académies militaires, la situation financière était telle que les officiers ne pouvaient pas entraîner leurs unités à une certaine fréquence. De plus, comme l’Espagne était restée en dehors de la Grande Guerre, ses officiers manquaient d’expérience pratique dans les techniques modernes de guerre interarmes. La culture était un problème plus sérieux. S’il y avait certainement des officiers consciencieux dans l’armée espagnole, trop nombreux étaient ceux qui considéraient l’État comme un simple employeur et le corps des officiers comme un groupe d’intérêt particulier dont les prérogatives devaient être vigoureusement défendues. [xxv]
Les bas salaires de tous, à l’exception des officiers les plus hauts gradés, signifiaient que de nombreux officiers travaillaient dans des emplois secondaires, détournaient des fonds ou volaient des fournitures pour les revendre sur le marché noir. C’étaient des tire-au-flanc qui passaient le plus de temps possible loin de leur poste, laissant les affaires quotidiennes à leurs sous-officiers. Le plus accablant de tout, c’est que l’officier espagnol avait tendance à être totalement ignorant et insouciant à l’égard des soldats qu’il commandait. Ces hommes égocentriques se souciaient peu de leurs subordonnés, en tout cas des inférieurs sociaux. Il s’ensuit que la solde et les conditions de vie des hommes enrôlés, pour la plupart des conscrits, sont épouvantables. Pas étonnant que l’esprit combatif du soldat espagnol soit médiocre.
En revanche, le combattant du Jbala et du Rif était coriace, très motivé et maîtrisait les terrains difficiles. Pechkoff a écrit dans ce sens : [xxvi]
‘’Nous n’étions pas restés à ce poste plus d’une demi-heure’’, s’est-il émerveillé, ‘’lorsque nous avons été lourdement attaqués de tous côtés. Nous ne pouvions pas croire que quelqu’un se cachait, que quelqu’un puisse se cacher derrière ces rochers abrupts. Pourtant, de tous côtés, nous voyions des burnous blancs et gris [une cape de laine] rampant prudemment d’une pierre à l’autre.’’
Mais ces vérités n’étaient pas encore manifestes au printemps 1921, lorsque le haut commandement espagnol cherchait avec optimisme à atteindre son objectif stratégique de longue date : un pont terrestre entre Melilla et Ceuta le long de la côte nord. C’est exactement ce que Silvestre était prêt à faire. Il avait avancé la ligne de front sur une distance de près de 100 kilomètres à l’ouest de Melilla, avec des positions avancées allant de Sidi Driss, au sud de la Méditerranée, à travers les montagnes jusqu’à Zoco el Telata (Souk Tlat) de Metalsa. Seule une colonne de montagnes séparait ses forces de la baie d’Alhociema.
De la procession militaire à l’usure
En 1912, le protectorat espagnol au Maroc se résume à quelques petites villes de la côte atlantique, Asilah, Larache (1911) et Ksar al-Kebir, ainsi qu’à une étroite bande de part et d’autre de la route Ceuta-Tétouan. Les deux enclaves de Ceuta et Melilla, rattachées à l’Espagne depuis le XVIe siècle, servent en 1912 de têtes de pont à la pénétration espagnole. [xxvii]
L’Espagne, qui avait perdu Cuba et les Philippines en 1898, rêvait d’acquérir de nouvelles possessions assurant une continuité territoriale avec la péninsule ibérique et de réaliser d’ambitieux projets coloniaux au-delà de l’étroite bande côtière qu’elle contrôlait déjà. Le Maroc est la cible idéale pour une nouvelle expansion en Afrique du Nord.
Ce n’est qu’en 1920 que l’effort d’expansion de l’Espagne se traduit par une activité militaire, notamment dans la région de Chefchaouen. L’objectif est de contrôler les territoires occupés par les tribus berbères qui résistent à l’exploration minière et à la colonisation espagnole en général. Pour cette opération, l’Espagne avait créé en 1920 le Tercio de Marruecos, [xxviii] plus connu sous le nom de Légion espagnole, qui fut ensuite placé sous la direction du commandant Francisco Franco. [xxix]
Si l’armée espagnole remporta au début un certain nombre de victoires assez faciles, sa progression dans le Rif suscita la mobilisation progressive des tribus berbères, qui se soumirent et se rallièrent peu à peu à l’autorité de l’émir Abdelkrim al-Khattabi, [xxx] originaire du Rif et chef de la tribu des Ait Waryaghal. Abdelkrim était un juge islamique, un journaliste et un enseignant.
Il croit d’abord que l’Espagne va moderniser le protectorat et qu’il peut y jouer un rôle. Il s’est progressivement rendu compte que la colonisation avait d’autres objectifs que le développement du pays. Il se retourne alors contre Madrid et prend la tête du soulèvement. Abdelkrim était un chef de tribu local, mais il s’identifiait à la lutte anticoloniale au sens large, comme celle de l’émir Abdelkader (1808-1883) en Algérie. [xxxi]
En effet, un petit nombre de ses troupes étaient des déserteurs algériens de la Légion française, dont certains ont probablement été inspirés par la révolte d’Abdelkader. Les interprétations divergent quant à ses objectifs politiques, mais tous les historiens s’accordent à dire qu’il souhaitait une large autonomie pour son peuple, même s’il restait flou sur le concept d’indépendance et sur le degré de modernité de l’État qu’il souhaitait créer.
Tout au début
À l’approche des années 1920, le projet colonial de l’Europe en Afrique s’est pratiquement essoufflé. Les populations ne souhaitent plus – si tant est qu’elles ne l’aient jamais fait – être dirigées depuis les capitales européennes par des rois, des dictateurs ou des ministres qu’elles n’ont jamais rencontrés et qui ne connaissent ni ne s’intéressent à leurs terres ou à leur culture.
L’Afrique du Nord, en particulier, est en pleine mutation. Sous l’effet du cataclysme de la Première Guerre mondiale, [xxxii] la domination coloniale connaît un dénouement douloureux. L’Espagne et la France ont longtemps détenu des territoires dans la nation que nous appelons aujourd’hui le Maroc, mais ses peuples disparates se défendent.
La guerre entre les Espagnols et les tribus amazighes des montagnes du Rif a éclaté en 1921 et, pour les premiers, elle a marqué un tournant non seulement dans leurs ambitions indépendantistes, mais aussi dans l’avenir de leur nation tout entière.
Une lourde défaite face aux États-Unis lors de la guerre hispano-américaine de 1898 [xxxiii] avait entraîné la fin de la domination espagnole dans les Amériques et la perte de territoires – notamment les Philippines – dans le Pacifique occidental. Humilié et dépendant du soutien militaire français au Maroc, Alphonse XIII (1886-1941 ; roi d’Espagne) cherche désespérément à sauver la face.
Dans son pays, confronté à la montée du républicanisme, à une économie en chute libre et à des manifestations alimentées par la pauvreté et le chômage, Alphonse XIII verra se succéder 33 gouvernements différents entre 1902 et 1923, mais son ingérence constante dans les affaires parlementaires ne fait qu’exacerber la dégradation de sa réputation. [xxxiv]
Le roi a décidé que seule une victoire militaire exceptionnelle détournerait l’attention de ses malheurs intérieurs et de ses embarras internationaux, et il était prêt à s’opposer à son parlement, les Cortes, pour l’obtenir.
La fête de Saint-Jacques – le saint patron de l’Espagne – tombe le 25 juillet. Après le déclenchement du conflit du Rif, Alphonse XIII envoie un télégramme au général Manuel Fernández Silvestre, qui commande une division près d’Anoual, dans la vallée de Beni Oulichek, au nord-est du Maroc.
La première ligne du télégramme disait « Hourra pour les vrais hommes » [xxxv] et demandait à Silvestre de lancer une attaque contre les bastions de la guérilla amazighe rifaine. La victoire serait annoncée le jour de la fête.
Resistance rifaine
Abdelkrim [xxxvi] a réussi à organiser la résistance indigène aux avancées espagnoles dans le Rif central en juin-août 1921, et ces affrontements ont marqué le début de la guerre du Rif. [xxxvii] L’armée espagnole de conscrits, mal organisée, entraînée, approvisionnée et commandée par le général Manuel Fernández Silvestre, a été mise en déroute par les combattants d’Abdelkrim lors d’une retraite épique depuis leur campement d’Anoual le 22 juillet 1921. Entre 8 000 et 10 000 soldats espagnols ont été tués, une grande partie de l’armement espagnol a été abandonnée, plus de 300 prisonniers ont été capturés et tout le territoire de la partie orientale du protectorat que l’Espagne occupait depuis 1909 a été perdu. [xxxviii]
La défaite écrasante d’Abdelkrim [xxxix] contre les Espagnols à Anoual le propulse, lui et son mouvement, sur la scène internationale. Il est considéré comme une figure héroïque dans le monde islamique et comme un exemple de combattant courageux se dressant contre le colonialisme européen par la gauche internationale. Le soutien à l’intérieur du pays s’est toutefois avéré plus compliqué. Abdelkrim a dû faire appel à tous ses talents de persuasion et à la force pour inciter les différents groupes rifains à soutenir sa campagne.
Ces efforts ont finalement abouti à la création de Jamhūriyyat ar-Rīf ⵜⴰⴳⴷⵓⴷⴰ ⵏ ⴰⵔⵔⵉⴼ Tagduda n-Ârif) (République du Rif) en février 1923. [xl] Conformément à l’esprit de l’époque, il s’est autoproclamé « président » du « cabinet » de la République du Rif, qui était composé principalement de ses parents et de ses proches alliés. Ses partisans, en revanche, le désignent par le terme plus traditionnel de mujāhid (« chef de guerre »). [xli]
En 1922, les Espagnols avaient repris la quasi-totalité du territoire qu’ils avaient perdu en 1921, mais compte tenu du coût et de l’impopularité de la guerre en Espagne, la plupart des opérations offensives furent suspendues. En conséquence, la guerre est restée dans l’impasse jusqu’à la fin de 1924, lorsque le général Miguel Primo de Rivera, qui avait pris le contrôle du gouvernement espagnol par un coup d’État militaire en septembre 1923, [xlii] a décidé de poursuivre les négociations de paix avec Abdelkrim tout en retirant les forces espagnoles de la partie occidentale du protectorat. Aucune de ces initiatives n’aboutit, Abdelkrim rejetant tout accord qui ne reconnaîtrait pas la pleine souveraineté du Rif et précipitant très vite ses forces dans le vide créé par le retrait. À l’apogée de son pouvoir, au début de 1925, Abdelkrim contrôlait près des trois quarts du protectorat espagnol. Au cours de ce processus, il a remplacé une société hiérarchique par une bureaucratie et une force de combat centralisées, un code juridique musulman, des accords commerciaux internationaux et un réseau naissant de routes et de télécommunications. [xliii]
L’étape suivante d’Abdelkrim consistait à déplacer ses forces au-delà de la frontière, dans le protectorat français, afin de protéger ses lignes de ravitaillement et ses importantes sources de denrées alimentaires. Dans ce cas, ses combattants rifains remportèrent autant de succès contre les Français qu’ils en avaient eu contre les Espagnols, dépassant des dizaines de positions sur la ligne de front, faisant quelque 6 200 victimes françaises et mettant en danger les importants centres urbains de Fès et de Taza. Ce succès, cependant, a finalement condamné la cause des Rifains, car il a amené les deux puissances coloniales à s’allier pour réprimer le soulèvement. Après une préparation et une coordination minutieuse, une offensive conjointe a été lancée en septembre 1925, les Espagnols débarquant quelque 18 000 soldats dans la baie d’Alhoceima et les Français insérant quelque 20 000 soldats dans le protectorat espagnol par le sud. Les forces d’Abdelkrim comptent tout au plus 13 000 hommes. [xliv]
Au sujet de l’implication de la France dans la guerre du Rif, Alain Ruscio écrit dans Orient XXI : [xlv]
‘’ Mohamed Ben Abdelkrim El-Khattabi dit « Abdekrim », vivant dans la partie du Maroc sous contrôle de Madrid, lève l’étendard de la révolte contre l’occupant espagnol en 1921. Il lui inflige une cuisante défaite à Anoual (juillet 1921). En Espagne, le général Miguel Primo de Rivera prend le pouvoir en septembre 1923, installant une des premières dictatures d’extrême droite d’Europe. Rageusement, Madrid va répliquer par une guerre d’une cruauté inouïe, utilisant massivement l’arme chimique (d’ailleurs fournie alternativement par les deux anciens ennemis, la France et l’Allemagne). En avril 1925, les troupes d’Abdelkrim empiètent sur le territoire du Haut-Ouergha, dans le Maroc français. Occasion rêvée pour le colonialisme français de mater ce dissident devenu menaçant. La France est alors dirigée par un gouvernement de gauche, dit « du Cartel » (Paul Painlevé est président du Conseil), dirigé par le Parti radical, soutenu par la Section française de l’internationale socialiste (SFIO). Nationalistes à Madrid, hommes d’une certaine gauche à Paris : il n’y a pas de barrières idéologiques quand il s’agit de défendre la civilisation occidentale.’’
Erreur catastrophique
Ce fut une erreur catastrophique. Bien que les arguments pour et contre aient été débattus à maintes reprises au sujet d’une bataille dont très peu de gens, en dehors de l’Espagne et du Maroc, ont entendu parler, on peut affirmer que, par le biais des vicissitudes du destin politique, les événements de l’été 1921 ont conduit directement à la guerre civile espagnole 15 ans plus tard et au totalitarisme de Franco. [xlvi]
La bataille d’Anoual, qui a débuté le 21 juillet, a été un désastre total – un mélange d’incompétence et de démesure vaniteuse. « Un exemple classique d’incompétence militaire« , écrit l’historien Antony Beevor. [xlvii]
Les Rifains, sous le commandement de Mohammed Ben Abdelkrim al-Khattabi, ancien fonctionnaire du régime colonial, ont mis les envahisseurs en déroute.
Les Espagnols se trouvaient à plus de 100 km de leur base côtière de Melilla, sans lignes de ravitaillement ni communications, mais Silvestre était pugnace et désireux de plaire au roi.
Il est également allé à l’encontre des ordres de son commandant et des avertissements d’AbdelKrim concernant les représailles. Selon l’estimation la plus élevée, l’Espagne a perdu entre 19 000 et 22 000 soldats [xlviii] à Anoual et dans les combats qui ont suivi, alors qu’elle battait en retraite vers Melilla, la plupart des victimes étant des conscrits à peine alphabétisés, [xlix] mal entraînés et mal équipés, atteints du typhus ou de la malaria. Épuisés et le moral éteint, leur retraite s’est déroulée dans le chaos. [l]
En comparaison, seuls 800 guérilleros du Rif ont été tués. Déshonoré, Silvestre s’est certainement suicidé, bien que ses restes n’aient jamais été retrouvés.
En tant qu’acte antonyme d’autoglorification nationale, Anoual n’a probablement pas d’égal dans l’histoire. Au Congrès des députés, l’éminent socialiste Indalecio Prieto a déclaré : « La campagne en Afrique est un échec absolu de l’armée espagnole, sans aucune justification« . [li]
Alfonso XIII a été surnommé par ses détracteurs « l’abruti africain », qui n’a fait qu’attiser l’indignation en déclarant au lendemain de la bataille que « la viande de poulet n’est pas chère« . En vacances en France, il n’est pas revenu rencontrer les familles des personnes tuées et n’a pas proposé de payer une rançon pour les personnes capturées.
Dans toute l’Espagne, la colère contre Alfonso XIII et les généraux torpides menant un style de vie colonial confortable est écrasante, tout comme la sympathie pour les conscrits infectés de poux et mal nourris.
Au fur et à mesure que la guerre du Rif se poursuit et que les pertes espagnoles s’accumulent, l’opinion publique bascule. L’année suivante, les Cortes entament une enquête sur ce que les Espagnols appellent aujourd’hui le Désastre d’Anoual. [lii]
Alfonso XIII est mis en cause, mais avant la publication du rapport en 1923, des soldats embarquant pour le Maroc se mutinent tandis qu’à Barcelone et ailleurs, des manifestants agitent simultanément des drapeaux rifains et catalans et brûlent des drapeaux espagnols.
Le contre-coup
Le 13 septembre, le capitaine général d’Alfonso XIII en Catalogne, le général Miguel Primo de Rivera, prend le pouvoir. Le roi est débordé mais, croyant que le coup d’État détournerait l’attention du public du rapport accablant, il offre son soutien. [liii]
Cela lui permet de s’accrocher à sa position de chef d’État, car Primo de Rivera devient un dictateur de facto, suspendant la constitution et instaurant la loi martiale. [liv]
À bien des égards, Primo de Rivera a eu de la chance. La monarchie et les administrations précédentes s’étaient montrées si incompétentes que son arrivée au pouvoir a été généralement acceptée par la classe moyenne libérale qui estimait que rien ne pouvait être pire que le désordre de ces dernières années. [lv] Ils acceptent également les réformes militaires de Primo de Rivera destinées à gagner la guerre au Maroc et à consolider la position de l’armée dans la société espagnole.
L’un des bénéficiaires immédiats de ces réformes est un jeune officier originaire de Galice. Il était commandant en second de la Légion étrangère espagnole et responsable de la libération de Melilla, sur la côte nord-africaine, assiégée par les forces rifaines après la déroute d’Anoual, Francisco Franco. [lvi]
Sergio Barua, un soldat de sa force, a déclaré à propos de Melilla : « Mon souvenir est l’odeur, les cadavres, à chaque pas un cadavre, chaque pas plus horrible« . Mais Abdelkrim n’a pas réussi à faire valoir son avantage, réalisant que d’autres nations avaient des citoyens à Melilla.
Son hésitation a permis à Franco de sauver efficacement des milliers de civils terrifiés et affamés, ainsi que 1800 soldats ravagés par la maladie. Il est promu à la tête de la Légion étrangère, puis général, le plus jeune d’Espagne. Sa cote de popularité augmente, tout comme la réputation brutale de sa Légion étrangère.
Surnommée facétieusement « les fiancés de la mort », elle se considère comme le sauveur de l’Espagne réelle, notamment auprès des colonialistes et des monarchistes. À l’inverse, elle représente un nationalisme qui déplaît de plus en plus aux progressistes espagnols. [lvii]
Le régime de De Rivera, d’abord couronné de succès, stagne au fur et à mesure que l’opinion publique continue de s’opposer aux campagnes d’outre-mer. En conséquence, le soutien du gouvernement à l’armée africaniste au Maroc, en particulier à la Légion étrangère, s’est affaibli.
Cependant, le rôle de Franco dans la victoire finale sur les Rifains – au prix de 43 000 soldats espagnols aux côtés de leurs homologues français – obtenue grâce à la pratique moralement douteuse du bombardement et du gazage des villages rifains à l’aide de munitions allemandes, [lviii] l’a propulsé sur le devant de la scène.
De retour dans son pays, confronté au chômage, à l’agitation agraire et syndicale, à des allégations de corruption, à la montée de la gauche républicaine et des nationalismes basque et catalan, le gouvernement de Rivera s’est effondré en janvier 1930 – il est mort deux mois plus tard.
Pour beaucoup d’Espagnols, la colonisation du Maroc était une catastrophe financière, Jean-Louis Miège écrit dans ce sens : [lix]
‘’ L’Espagne traversait une des crises les plus graves de ses institutions. De 1917 à 1923, en sept ans elle connut treize crises ministérielles totales et 30 crises partielles. Dans la confusion politique l’autorité de la minorité dirigeante se perd. Syndicalisme, catalanisme, laïcisme, militarisme s’affrontent. Dans ce débat, une grande partie de l’opinion se désintéresse du Maroc ou dénonce le gouffre que représente pour les finances de l’Etat une entreprise stérile qui, après les trois milliards de pesetas qu’avait coûté la vaine défense de Cuba avait absorbé plus de un milliard et demi, de 1908 à 1915, et plus de un milliard de 1916 à 1921. Certains milieux avaient envisagé en 1919 une vente à la France. Miguel Primo de Rivera n’avait-il pas, lui-même, dans un célèbre discours prononcé à Cadix proposé, dès 1917, l’abandon de la zone espagnole.’’
Anoual n’est pas une place facile à défendre
Pour cette offensive, Silvestre dispose de 25 700 hommes (20 600 soldats espagnols et 5 100 soldats indigènes, appelés Fuezzas Regulares Indígenas, ou simplement » Regulares « ), mais en réalité, seuls 12 000 hommes sont disponibles pour les opérations de combat. Les autres, qui n’étaient pas malades, en congé ou à l’arrière, étaient répartis dans les 144 avant-postes et blockhaus qui assuraient la sécurité du front et des points clés le long des lignes de ravitaillement. Ces positions étaient principalement de petits bastions de 15 à 20 hommes, mais des centres tels que Batel, Dar Drius, Buy Meyem et Anoual disposaient de garnisons de 800 hommes ou plus. Le ravitaillement de ces positions, en particulier en eau potable (la plupart des sites n’avaient pas de source naturelle à proximité), constituait un défi majeur. [lx]
Dans le meilleur des cas, Anoual n’est pas une place facile à défendre et les Espagnols n’ont pas consacré suffisamment d’efforts à leurs ouvrages défensifs. Un petit affluent de l’Amekran, l’el Hayar, traversait la position, la divisant en une série de collines sur lesquelles les Espagnols avaient construit trois camps. Au centre se trouve le camp général, défendu par un parapet, une triple rangée de barbelés et une redoute d’artillerie ; sur une autre colline, à droite de la piste menant au camp, se trouve le camp tentaculaire des Regulares ; cette position n’a qu’une seule clôture de barbelés. De l’autre côté de la piste se trouvait un troisième camp, celui du régiment d’Afrique, dépourvu de parapet et peu grillagé ; les hauteurs de cette position étaient occupées par une batterie d’artillerie et une compagnie d’infanterie. Ces trois camps sont reliés par une série de lunettes, [lxi] des redans en forme de demi-lune, qui sont occupés la nuit. Il ne s’agit pas d’une défense bien intégrée, et un attaquant peut enrouler chaque camp en détail. [lxii]
À 0h30 le 22 juillet, Silvestre convoque un conseil de guerre composé de ses officiers supérieurs, dont le colonel Gabriel Morales, chef de l’état-major de la direction des troupes et de la police indigènes, et les chefs de ses principales formations de manœuvre, le colonel Corrales, le colonel Manella, le lieutenant-colonel Ortiz et le lieutenant-colonel Marina, ainsi que le major Écija, commandant de l’artillerie, le major Alzugaray, commandant du génie, et le chef d’état-major, le capitaine Sabaté. Alzugaray, l’un des quatre survivants du groupe, a fait le récit de cette réunion. Selon lui, le général est allé droit au but : [lxiii]
« Messieurs, commença Silvestre, nous sommes assiégés à Anoual ; nous [probablement en référence aux unités de Melilla] n’avons pas d’éléments pour former une colonne de secours ; par conséquent, nous n’avons pas d’autre solution que de nous contenter de ce que nous avons aujourd’hui. Dans une situation aussi grave, je souhaite que vous m’aidiez à décider du maintien ou de l’abandon d’Annual.’’
Le colonel Morales est le premier à prendre la parole et estime qu’il est trop tard pour évacuer. Il doute que l’armée puisse atteindre la position défendable la plus proche, Ben Taieb, distante de 15 kilomètres. Les autres officiers se prononcent en faveur d’une évacuation. Ils n’ont pas le choix, car il ne reste que quatre jours de rations, peu d’eau, et leurs réserves de cartouches et d’obus d’artillerie sont insuffisantes pour un combat prolongé. Face à ce front uni, Morales finit par reculer et se rallie à leur point de vue. Apparemment satisfait de ce conseil, Silvestre ordonne que les préparatifs commencent à 6 h du matin pour un retrait vers Ben Taieb. Le général demande à ses officiers de garder le secret jusqu’à cette heure, et il ordonne que les hommes voyagent légèrement, comme s’ils allaient au combat. La réunion se termine à 2 h 30 et les officiers retournent à leur commandement pour le reste d’une nuit sans sommeil. [lxiv] Silvestre a probablement réfléchi à sa décision, car ce n’est qu’à 4 h 55 qu’il envoie un télégramme au ministère de la Guerre et à Berenguer pour l’informer de sa décision. Parce qu’il est » constamment harcelé « , [lxv] que ses lignes de ravitaillement sont coupées et qu’il n’a pas assez de munitions pour un combat prolongé, il est obligé de se retirer à Ben Taieb.
Les forces espagnoles présentes à Anoual se composaient de trois régiments d’infanterie, le 45e Ceriñola (cinq compagnies de fusils et une compagnie de mitrailleuses) ; le 68e Africa (cinq compagnies de fusils et deux compagnies de mitrailleuses) ; le 11e San Fernando (quatre compagnies de fusils et une compagnie de mitrailleuses renforcée), la force mixte du Melilla Regulares No. 2 (deux tabors d’infanterie et deux escadrons de cavalerie), et un régiment de cavalerie, le 14e Alcantara (cinq escadrons). En outre, il y avait une brigade disciplinaire (qui n’avait de brigade que le nom, puisqu’elle comptait entre 250 et 500 hommes), deux régiments mixtes d’artillerie, une section d’artillerie de montagne, trois compagnies d’intendance, six compagnies du génie, deux compagnies de signalisation, deux détachements sanitaires et 14 compagnies de police indigène, soit un total de 6 500 hommes. Un millier de soldats stationnés dans les positions adjacentes et à l’arrière, notamment à Buimeyan, Talilit et Izumar, se joindront à la retraite, soit un total de 7 600 hommes [lxvi] (5 100 Espagnols et 2 500 soldats et policiers indigènes).
Pour atteindre Ben Taieb, l’armée ne disposait que d’un seul itinéraire pour sortir des montagnes, une piste sinueuse actuellement délimitée par une étroite route asphaltée, la route 610. Elle commençait par une pente descendante à partir du camp qui, après 4 kilomètres, se transformait en une piste sinueuse aux pentes abruptes, avec des terrains élevés au nord et un profond ravin au sud, un tronçon de terrain que les Espagnols surnommaient « le Toboggan ». Au point médian, Izumar, la piste se transforme en un goulot d’étranglement entre deux pics avant de déboucher sur la plaine à Ben Taieb, où les Espagnols disposaient d’un dépôt de munitions. [lxvii] Silvestre espère s’y regrouper et attendre des renforts.
La Bataille d’Anoual
À la veille de la bataille, la garnison espagnole qui occupait le campement avancé d’Anoual comptait 5 000 hommes. Il s’agit principalement de conscrits de la péninsule issus des régiments Ceriñola, Africa, Alcantara et San Fernando. [lxviii] En outre, il y avait quatre batteries d’artillerie et environ deux mille soldats indigènes (Regulares) sous les ordres d’officiers espagnols. [lxix]
Le 22 juillet, après cinq jours d’escarmouches, [lxx] la force espagnole est attaquée par 3 000 combattants du Rif. Les munitions étant épuisées et la base de soutien d’Ighriben déjà envahie, le général Silvestre, [lxxi] qui n’est arrivé à Anoual que la veille, décide de se retirer en suivant la ligne de l’avancée espagnole précédente. Peu avant 5 h du matin, un dernier message radio est envoyé, signalant l’intention de Silvestre d’évacuer Anoual plus tard dans la matinée.
Vers 10 h du matin, la garnison commence à marcher en colonne [lxxii] depuis le campement en direction de Melilla, mais une mauvaise direction et une préparation inadéquate signifient que tout espoir d’un retrait discipliné dégénère rapidement en une déroute désorganisée. [lxxiii] Les Regulares marocains, la police indigène et les alliés tribaux, jusqu’alors fiables, désertent au profit des forces rifaines, privant la colonne espagnole de flancs et d’arrière-garde. Les conscrits espagnols, [lxxiv] sous un feu nourri et épuisés par la chaleur intense, se dispersent dans une foule confuse et sont abattus ou poignardés par les membres des tribus. Seule une unité de cavalerie, les Cazadores de Alcántara, [lxxv] reste en formation et parvient à battre en retraite, [lxxvi] tout en subissant de lourdes pertes.
Manuel P. Villatoro a écrit au sujet de la débandade espagnole dans Diario ABC en 2016, ce qui suit : [lxxvii]
‘’ Après le désastre d’Anoual, les Rifains ont poursuivi leur progression sans relâche vers Melilla, égorgeant tous les Espagnols qu’ils trouvaient sur leur chemin. Leur cruel périple les a conduits jusqu’au mont Gurugú, une position clé pour l’armée espagnole en raison de sa proximité avec Melilla (à peine trois kilomètres). Sur cette colline de 900 mètres, véritable point d’observation pour contrôler la ville et qui aurait dû être défendue par un important contingent en raison de son importance stratégique, il n’y avait que quelques hommes. Quelques combattants défendant l’un des « blockhaus » qui avait fait le plus de victimes en raison de sa situation privilégiée : celui de Dar Ahmed.
« Le blockhaus de Dar Ahmed, situé entre la « Segunda caseta » et la position de Sidi Ahmed el Hadj (avec pour mission de surveiller la sortie des ravins près de Sidi Musa), fut dès le premier jour l’un des objectifs préférés des Maures rebelles », explique Vicente Pedro Colomar-Cerrada dans son ouvrage « El infierno de Axdir : prisioneros españoles en el Rif, 1921-1923 » (L’enfer d’Axdir : prisonniers espagnols dans le Rif, 1921-1923). La vérité est qu’appeler cette position défensive précaire « blockhaus » était plutôt généreux, car les chroniques définissent ce « blockhaus » comme un ensemble de pierres, de sacs de terre avec plusieurs meurtrières (ou meurtrières) couronnées de quelques tristes planches et entourées de fil de fer barbelé.’’
Le dispositif militaire espagnol surchargé dans le Protectorat espagnol oriental au Maroc s’effondre. Après la bataille, les Rifains avancent vers l’est et envahissent plus de 130 blockhaus espagnols. [lxxviii] Les garnisons espagnoles sont détruites sans qu’une réponse coordonnée aux attaques ne soit mise en place. À la fin du mois d’août, l’Espagne avait perdu tous les territoires qu’elle avait gagnés dans la région depuis 1909. Le général Silvestre disparut [lxxix] et sa dépouille ne fut jamais retrouvée. Selon un rapport, le sergent espagnol Francisco Basallo Becerra de la garnison de Kandussi, un avant-poste à l’est d’Anoual, [lxxx] identifia la dépouille de Silvestre grâce à son écharpe de général. [lxxxi] Un courrier maure de Kaddour Namar a déclaré que huit jours après la bataille, il avait vu le cadavre du général étendu face contre terre sur le champ de bataille et toujours reconnaissable [lxxxii] à sa ceinture et à ses épaulettes.
La débandade
À Afraou, sur la côte, les navires de guerre espagnols évacuent la garnison. À Zoco el Telata (Souk Tlata) de Mtalsa, au sud, les troupes espagnoles et les civils se replient dans la zone française. Les survivants espagnols de la bataille se sont repliés sur 80 kilomètres jusqu’à la base fortifiée de Monte Arruit, construite entre 1912 et 1916 et située au sud de Melilla. La position étant encerclée et privée d’eau et de ravitaillement, le général Berenguer autorisa sa reddition le 9 août. Les Rifains ne respectent pas les conditions de la reddition et tuent 3 000 soldats espagnols ; [lxxxiii] le général Navarro est fait prisonnier, ainsi que 534 militaires et 53 civils ; ils seront rançonnés quelques années plus tard. [lxxxiv]
Melilla n’est qu’à une quarantaine de kilomètres, mais la garnison qui s’y trouve n’est pas en mesure de l’aider, car la ville est presque sans défense et manque de troupes bien entraînées. Les survivants d’Anoual qui ont atteint Melilla, épuisés et démoralisés, n’étaient pas en mesure de renforcer efficacement la garnison existante. Cependant, les forces rifaines s’étaient largement dispersées après la prise de Monte Arruit, laissant Abdelkrim avec un nombre insuffisant d’hommes pour assiéger Melilla. En outre, des citoyens d’autres nations européennes vivaient à Melilla, et il ne souhaitait pas risquer une intervention internationale. [lxxxv] Abdelkrim déclara plus tard que cela avait été sa plus grande erreur. [lxxxvi]
L’Espagne rassemble rapidement environ 14 000 renforts à partir d’unités d’élite de l’Armée d’Afrique, [lxxxvii] qui opère au sud de Tétouan dans la zone occidentale. Il s’agit principalement d’unités de la Légion espagnole, nouvellement levées en 1920, et de Regulares marocains. Transférés à Melilla par voie maritime, les renforts permettent de tenir la ville et de reprendre Monte Arruit à la fin du mois de novembre.
Les Espagnols auraient perdu jusqu’à 22 000 soldats à Anoual [lxxxviii] et dans les combats qui ont suivi L’historien allemand Werner Brockdorff affirme que seuls 1 200 des 20 000 soldats espagnols s’en sont sortis vivants, mais cette estimation des pertes est contredite par l’enquête officielle espagnole. [lxxxix] Les pertes rifaines n’auraient été que de 800. Les chiffres officiels définitifs des pertes espagnoles, tant à Anoual qu’au cours de la déroute qui a suivi et qui a conduit les forces rifaines jusqu’aux abords de Melilla, ont été communiqués aux Cortes Generales comme étant de 13 192 tués, y compris les forces coloniales marocaines. [xc]
Le matériel perdu par les Espagnols, au cours de l’été 1921 et en particulier lors de la bataille d’Anoual, comprenait 11 000 fusils, 3 000 carabines, 1 000 mousquets, 60 mitrailleuses, 2 000 chevaux, 1 500 mules, 100 canons et une grande quantité de munitions. Abdelkrim a fait remarquer plus tard : « En une seule nuit, l’Espagne nous a fourni tout l’équipement dont nous avions besoin pour mener une grande guerre« . [xci] D’autres sources indiquent que le butin saisi par les Rifains s’élevait à 20 000 fusils Mauser, 400 mitrailleuses Hotchkiss et 120 à 150 pièces d’artillerie Schneider. [xcii]
Le désastre d’Anoual
A Rabat, Lyautey [xciii] a reçu un appel téléphonique l’informant des nouvelles d’Anoual. Selon lui, cette humiliation était imputable à une multitude de facteurs : l’ineptie des autorités coloniales espagnoles, des politiques malavisées, des dirigeants incompétents et une corruption endémique. Il sympathisait cependant avec le simple soldat. ‘’Le soldat espagnol, remarqua-t-il, qui est aussi courageux que patient, peut, sous un autre commandement, connaître des jours meilleurs.’’ [xciv]
Au lendemain d’Anoual, ces jours meilleurs étaient difficiles à imaginer. Aussi terribles qu’aient été les événements du 22 juillet, le désastre ne faisait que commencer. Au cours des deux semaines suivantes, la marée rifaine continue. Chacun des 144 avant-postes serait envahi, la plupart des défenseurs massacrés. Le 25 juillet, le commandant espagnol de Kebani-Kandoussi rendit ses 700 soldats sans combat. Après avoir été désarmés, les membres de la tribu les ont massacrés. [xcv] Il en fut ainsi à Dar Kebdani et ailleurs, soit déconnectés des événements ailleurs, soit poussés à se jeter à la merci de l’ennemi. Ils n’en ont trouvé aucun. Les plus chanceux ont été tués au combat ou envoyés rapidement après leur capture, d’autres ont été torturés, coupés en morceaux ou brûlés vifs. Beaucoup de morts ont été horriblement mutilés. Quelques évasions ont été tentées ; très peu ont survécu. Les soldats de Timayant, Sidi Abdallah, Tisingar, entre autres endroits, ont tenté de s’échapper, mais très peu ont réussi à se mettre en sécurité. [xcvi] Par exemple, à Dar Drius, seuls 37 des 604 défenseurs ont survécu. [xcvii] A Sidi Driss, la garnison de 500 hommes s’est élancée vers la plage et vers la sécurité des navires de guerre en attente, mais les Rifains les ont abattus comme des lapins. Cinq hommes ont été sauvés. [xcviii] La ligne de front brisée, les Rifains traversent la rivière Kert et avancent vers Melilla. Ils prirent Nador puis Selouan où plus de 500 Espagnols furent sauvagement assassinés. [xcix] Le 3 août, il ne restait qu’une seule position espagnole à l’extérieur de Melilla, le Mont Arruit, où le général Filipe Navarro et environ 3 000 soldats, dont beaucoup de survivants d’Anoual, s’étaient réfugiés.
Malgré les instances de Madrid, Berenguer refusa de monter une opération de secours. Il était déterminé à s’accrocher à Melilla. Le 9 août, Navarro, assuré d’un sauf-conduit vers les lignes espagnoles à Melilla, se rendit. Que ce soit par trahison ou par réaction spontanée de membres de tribus indisciplinés, une fois les officiers retirés du camp, le reste de la garnison, soit environ 2 400 soldats, fut massacré. Les 570 survivants, dont Navarro et plusieurs de ses officiers, furent mis en captivité. Ils croupiraient de faim et de maladie pendant plus de 16 mois, jusqu’à ce que le gouvernement espagnol cède finalement à la pression publique pour les rançonner. À ce moment-là, seuls 326 personnes, dont Navarro, étaient encore en vie.
Ainsi, l’effondrement qui avait commencé à Abarran était terminé. Dans les 18 jours qui ont suivi Anoual, l’Espagne a perdu la plupart de ses conquêtes au Maroc, quelque 5 000 kilomètres carrés de territoire, des zones dans lesquelles elle avait investi d’énormes sommes d’argent dans des fortifications, des mines, des exploitations agricoles, des routes, des voies ferrées, des ponts, des ports et plus. [c] Les pertes en vies humaines n’étaient pas moins stupéfiantes. La liste des morts espagnols était initialement établie à 13 192, mais ce chiffre était largement considéré comme faible.
Dans un rapport ultérieur adressé aux Cortes, les autorités militaires ont estimé le nombre de tués entre 19 000 et 20 000. [ci] (Les pertes marocaines n’ont jamais été enregistrées, mais se comptent probablement par centaines.) Et, comme on l’a noté, l’armée a perdu une énorme quantité de matériel de guerre, qui promettait de faire de toute reconquête une longue et sanglante campagne. Enfin, le gouvernement, déjà confronté à une crise politique intérieure, a été confronté à la perspective humiliante de devoir négocier la rançon de centaines de captifs – un argent qui représenterait un formidable trésor de guerre pour l’ennemi.
Le désastre d’Anoual a été la première salve de ce qui est devenu une guerre de six ans pour l’indépendance du Rif, la soi-disant guerre du Rif. [cii] Mohammed Abdelkrim y réussit avec brio. Il organisa une république rudimentaire avec lui-même comme émir ; il a construit des réseaux routiers et téléphoniques ; il organisa des impôts et un trésor ; et il cultivait les liens et le commerce avec l’étranger. Son frère, Mhammad, en tant que chef de l’armée, a façonné une armée nationale basée sur un noyau de soldats professionnels, dotés d’un code de conduite, formés à l’utilisation des mitrailleuses et de l’artillerie capturées et complétés par des réserves tribales. À la fin de 1924, l’armée rifaine avait contraint les Espagnols à une retraite stratégique. Les récriminations sur la responsabilité d’Anoual ont contribué à faire tomber le gouvernement parlementaire et le roi a nommé le général Miguel Primo de Rivera à la tête d’un directoire militaire chargé de redresser le navire de l’État. Primo était un abandonista discret, l’un des nombreux Espagnols favorables à l’abandon du protectorat. Il a admis à un ami journaliste : ‘’Abdelkrim nous a vaincus’’. [ciii] Et il aurait pu laisser le projet mourir sur la vigne, malgré les vues opposées d’impérialistes véhéments comme Millán Astray et Francisco Franco.
Les Français, cependant, n’étaient pas prêts à accepter la création d’un État musulman indépendant dans leur empire nord-africain. Cela pourrait servir d’exemple malsain aux nationalistes du Maroc et, plus important encore, au joyau de sa couronne coloniale, l’Algérie. Ainsi, en 1925, Lyautey poussa Abdelkrim à attaquer la zone française. L’émir était alors convaincu de l’hostilité française envers son gouvernement. Si la guerre était inévitable, il valait mieux qu’il frappe le premier. Peut-être pourrait-il déclencher une rébellion en zone française. En outre, les sympathisants de gauche et anticoloniaux en Europe ont exhorté les Rifains à se battre, ce qui, selon eux, ferait tomber le gouvernement impérialiste français et conduirait à une médiation anglaise. [civ]
Pendant un certain temps, il semblait que les Rifains pourraient réussir. Une fois de plus, au début, ils ont fait peu de cas de leurs ennemis chrétiens, bien qu’ils soient en infériorité numérique et en armes. Début juillet 1925, 43 des 66 avant-postes français le long de la frontière sud du Ri avaient été perdus ou évacués et les Rifains se trouvaient à moins de 40 kilomètres de Fès ; les Français avaient subi quelque 6 200 pertes, dont 1 000 disparus au combat. [cv] À ce moment-là, la notoriété de Mohammed Abdelkrim en tant que leader islamique progressiste, nationaliste et combattant de la liberté a atteint son apogée dans le monde musulman. Le vaillant outsider, l’émir et sa cause ont également suscité la sympathie dans de nombreuses capitales occidentales, notamment à Londres ; et il était le chouchou des partis socialiste et communiste d’Europe. Des correspondants étrangers ont parcouru un chemin tracé jusqu’à la capitale rifaine d’Adjir, près d’Alhociema, pour documenter ce curieux mouvement et son obscur leader. L’apparition d’Abdelkrim en couverture du magazine Time, le 17 août 1925, est emblématique de cette notoriété.
Ce pari serait pourtant raté. En attaquant les Français, Abdelkrim a donné l’impulsion à une coopération militaire franco-espagnole qui faisait jusqu’alors défaut. L’année suivante, les alliés coordonnent une contre-offensive massive dont la pièce maîtresse est le débarquement amphibie d’Alhoceima. Confrontée à une guerre sur deux fronts contre 275 000 soldats européens bien armés et soutenus par tous les instruments de guerre moderne, notamment des chars, des bombardiers et des obus à gaz toxique, leurs villages incendiés et leurs récoltes détruites, la résistance rifaine a finalement éclaté. [cvi] Le 27 mai 1926, Mohammed Abdelkrim, son frère et ses ministres se rendent aux Français. [cvii] La plupart d’entre eux accompagneront leur chef en exil au large de La Réunion, dans l’océan Indien. La guerre du Rif [cviii] était effectivement terminée, même si des bandes isolées de combattants poursuivraient leur insurrection pendant encore un an.
Anoual avait été vengé ; l’honneur de l’Espagne était racheté. Si l’armée espagnole n’avait pas été transformée, au moins un élément avait été transformé en une force combattante efficace, l’Armée d’Afrique (la Légion et les Regulares). Comme l’a observé le philosophe et essayiste espagnol José Ortega y Gasset, ‘’le Maroc a transformé l’âme fragmentée de notre armée en un poing fermé, moralement prêt à attaquer.’’ [cix] Ce poing, brandi par l’impitoyable Francisco Franco, allait écraser l’Espagne en 1936 et déclencherait une guerre civile cataclysmique qui réduirait une grande partie du pays en ruines et soumettrait ce malheureux pays à quatre décennies d’autoritarisme et de répression.
Les Français avaient voulu que Mohammad Abdelkrim soit, selon les mots de Théodore Steeg, le successeur de Lyautey comme résident général, « ni exalté ni humilié, mais avec le temps oublié ». [cx] Ils devaient être déçus. [cxi] Dans sa défaite, il est devenu une sorte de figure chimérique et un symbole héroïque, non seulement du nationalisme islamique, mais aussi une source d’inspiration pour les combattants de la liberté du monde entier. Au fil des années, son exemple a ému de nombreux chefs de guérilla éminents, notamment Mao Zedong, Ho Chi Mihn et Ernesto (Che) Guevara. Abdelkrim est mort au Caire en 1963 à l’âge de 80 ans. (Il avait fui son exil tropical des années plus tôt.) Son rêve d’un Rif indépendant n’était que cela, mais il avait vécu assez longtemps pour voir les Français chassés de leur bien-aimée Algérie, ce qui lui a donné beaucoup de satisfaction. Alors que dans le monde postcolonial, son nom a perdu un peu de son éclat, Mohammed Abdelkrim continue d’inspirer ses compatriotes rifains dans leur désir de plus d’autonomie et d’opportunités économiques et les Imazighen marocains dans leur ensemble dans leur quête de plus d’inclusion en société. En cela, l’homme a de la résistance. Selon les mots de l’historien Zakya Daoud : [cxii]
‘’Ce phénix renaît sans cesse de ses cendres, car il est un élément essentiel de la révolte consciente du peuple marocain : on ne voit qu’en lui celui qui, avec sa République, jette la pierre sautante dans l’étang autoritaire. Mais il est bien plus que cela en réalité. Et c’est pourquoi son ombre flotte encore sur Ajdir’’.
Conséquences du Désastre d’Anoual
L’année suivante, des élections démocratiques ont vu triompher les socialistes et les républicains. La Seconde République espagnole est proclamée, l’armée espagnole retire son soutien à la monarchie – ce qui la met en conflit direct avec ses homologues coloniaux en Afrique – et Alphonse XIII s’enfuit en Italie.
L’Espagne est alors profondément divisée. D’un côté, les africanistes, les monarchistes, les fascistes, les propriétaires terriens et les régions rurales du nord et du nord-ouest de l’Espagne (y compris la Galice, région d’origine de Franco) qui adhèrent aux valeurs traditionnelles de l’Église catholique. La nostalgie de la Reconquista du XVe siècle, lorsque l’Espagne fut reconquise sur l’occupation islamique nord-africaine, était profonde. De l’autre, les socialistes, les communistes, les anarchistes, les sans-terres, les syndicats et les démocrates défendaient la légitimité de la Seconde République.
Il fallait bien que quelque chose change. Cinq ans après le départ d’Alphonse XIII, enhardis par la montée du fascisme ailleurs en Europe et perturbés par la formation de la coalition de gauche du Front populaire aux Cortes qui, sous la direction du premier ministre Manuel Azaña, réduisait l’influence des forces armées, les militaires marocains ont tenté de renverser les résultats démocratiques de 1931.
Convaincus de l’imminence d’une prise de pouvoir par les communistes, les Africanistas se sont mutinés. Franco, d’abord incertain mais surtout opportuniste, diffuse une déclaration de rébellion depuis les îles Canaries, d’où il avait été banni par un gouvernement qui espérait lui couper les ailes. Les chefs militaires passent du Maroc à l’Espagne continentale.
Au cours des trois années suivantes, la nation devient le champ de bataille d’idéologies concurrentes, la guerre civile s’éternisant jusqu’en 1939, souvent par le biais de l’antagonisme entre les nazis d’Hitler en Allemagne, qui soutiennent Franco, et l’Union soviétique de Staline, qui soutient la République. « Ce fut la première bataille de la Seconde Guerre mondiale« , a écrit l’historien Adam Hochschild. Elle a touché la vie de tous les Espagnols, tuant peut-être un demi-million d’entre eux et en mutilant ou en exilant beaucoup d’autres. Bien entendu, Franco a finalement remporté la victoire et a régné jusqu’à sa mort en 1975, 54 ans après Anoual.
Le fil qui mène d’Anoual à la guerre civile espagnole est, bien entendu, truffé de « si » et de « mais ». L’histoire aurait pu prendre n’importe quelle direction au cours des années qui se sont écoulées et Franco a été autant un acteur involontaire qu’un auteur de premier plan.
Toute guerre a des causes et des conséquences, et beaucoup d’entre elles ont conduit au déclenchement de la guerre civile espagnole. Néanmoins, si Alphonse XIII n’avait pas été si désireux de parader devant ses sujets et n’avait pas échoué si spectaculairement dans l’exécution, Francisco Franco aurait pu rester une note de bas de page dans l’histoire militaire de l’Espagne.
Au niveau de l’armée, le désastre d’Anoual suscita un sentiment de vengeance. Pour les Africanistas, le déshonneur de la gifle des Rifains d’Abdelkrim ne pouvait être lavé que dans le sang. Ce sentiment est confirmé par Sebastian Balfour et Pablo La Porte dans les termes suivants : [cxiii]
‘’ Les effets déshumanisants de la guerre coloniale ne se limitent pas à la Légion. Le massacre de milliers de soldats espagnols lors de la débâcle de 1921 a conduit à une culture de la vengeance qui a sanctionné la guerre. Des bombes ont été larguées sur des marchés et des villages. Les bombes incendiaires mettent le feu aux champs cultivés. Des bombes à gaz toxiques fabriquées à partir de produits chimiques provenant d’Allemagne ont été introduites en 1924 et larguées sur des civils et des militaires. Les plans d’invasion maritime de la zone d’Alhoceima, porte d’entrée du centre de la rébellion du Rif, est celui de l’officier responsable de l’opération, le général Ignacio Despujols. Dans son rapport, il préconise l’utilisation de gaz toxiques sur l’ensemble de la zone, en utilisant dix fois la quantité recommandée par l’armée allemande sur la base de son expérience de la Première Guerre mondiale. Bien que le gaz toxique ait été une méthode utilisée par toutes les parties dans cette guerre, il n’était considéré comme adapté qu’aux cibles militaires, et non, comme dans le cas des campagnes marocaines, contre les civils. Le fait que les autorités militaires marocaines et les gouvernements espagnols successifs ont toléré l’utilisation de la guerre chimique contre des cibles civiles, ainsi que les atrocités commises par le Tercio et d’autres unités militaires illustre l’échec de la stratégie de l’État restaurateur au Maroc.’’
L’importance de la bataille d’Anoual
La bataille d’Anoual a été l’une des plus grandes défaites d’une armée coloniale en Afrique. Elle a fait d’Abdelkrim une icône anti-impériale ; ses tactiques de guérilla ont été citées par Mao Zedong et Ho Chi Minh. En 1925, il a été désigné par le magazine Time comme la personne de l’année.
Le Maroc précolonial pouvait être divisé grossièrement entre les plaines, que l’État gouvernait étroitement, et les montagnes, comme le Rif, qu’il ne gouvernait pas. Celles-ci correspondent aux régions arabes et amazighes. Le sultan du Maroc n’était pas dépourvu de pouvoir dans le Rif – il nommait, par exemple, des gouverneurs dans la région – mais les tribus du Rif se gouvernaient pour la plupart elles-mêmes. Elles payaient des impôts, même si c’était de manière un peu irrégulière.
Selon C.R. Pennell, historien de la région, l’autonomie du Rif a servi les deux parties. Le sultan n’avait pas à supporter les frais d’un gouvernement direct tout en conservant sa souveraineté et un certain niveau d’ordre et d’imposition. Pendant ce temps, les tribus rifaines pouvaient faire appel au sultan pour la médiation en cas de litige et pour la légitimation des chefs locaux.
Les Français et les Espagnols ont compliqué cet arrangement en divisant le Maroc en deux protectorats en 1912. En principe, le sultan reste en charge de l’ensemble du pays. Mais ce sont les autorités coloniales qui détiennent le véritable pouvoir et, dans le Rif, les Espagnols s’emploient à coopter les élites locales. Cela signifiait que le plus grand nombre possible d’entre eux devaient être employés par les autorités coloniales. Dans certains cas, il s’agissait également de prendre les fils des chefs de tribus et de les éduquer dans les villes espagnoles, comme des sortes d’otages privilégiés.
Abdelkrim était l’un d’entre eux. Il était originaire des Ait Waryaghal, la plus grande tribu du Rif, et a vécu à Melilla pendant plus de dix ans en tant qu’enseignant, journaliste et finalement secrétaire-interprète à l’Office central des affaires indigènes. Il était très apprécié par l’administration et, de l’avis général, aimait la vie à Melilla. À un moment donné, son père et lui ont même demandé la nationalité espagnole, mais ils n’ont pas reçu de réponse.
Les relations entre les Ait Waryaghal et les Espagnols commencèrent à se détériorer pendant la Première Guerre mondiale. L’Espagne était neutre, mais Abdelkrim était connu, en partie grâce à son journalisme, pour ses critiques à l’égard du colonialisme français. De plus, son père soutenait discrètement des agents allemands dans le Rif. En septembre 1915, les autorités espagnoles ont emprisonné Abdelkrim.
Un peu moins d’un an plus tard, il est libéré. Il quitte Melilla et rejoint son père à Ajdir, au fin fond du Rif. Les autorités espagnoles font revenir son jeune frère de Madrid. En 1920, la famille avait effectivement rompu les liens avec les Espagnols et organisait la résistance. Lorsque son père meurt subitement cette année-là, Abdelkrim prend le contrôle.
Les préparatifs de la bataille d’Anoual ont été complexes, mais sous le commandement du général Manuel Fernández Silvestre, les Espagnols empiétaient de plus en plus sur le centre du Rif. Cette situation exaspère les tribus et met à rude épreuve l’armée coloniale. Des événements particuliers, tels que le bombardement non provoqué par les Espagnols, en avril 1921, d’un marché à Boukidan, une ville proche d’Ajdir, ont suscité la fureur. L’occasion se présentait d’unir les tribus fissurées, Abdelkrim la saisit.
Après la victoire d’Anoual, Abdelkrim a combattu l’Espagne jusqu’à l’impasse. En 1923, la République du Rif est officiellement fondée. Elle cherche à se faire reconnaître par la Société des Nations et trouve des poches de soutien international. En France, la gauche milite pour la cause rifaine. En Grande-Bretagne, un comité de soutien est créé pour faire pression sur le gouvernement afin qu’il reconnaisse l’État rifain. Les musulmans indiens envoient des dons.
Pendant ce temps, le gouvernement d’Abdelkrim développe l’appareil d’État. Il met en place une bureaucratie centralisée et construit des routes, un système téléphonique et un réseau de postes de commandement militaires. Il crée une armée permanente dans laquelle les déserteurs des Réguliers, les troupes majoritairement rifaines de l’armée coloniale espagnole, jouent un rôle important. Il crée sa propre monnaie, la Riffiya, qui est imprimée mais ne circule jamais. Elle a également adopté un drapeau. Le croissant de lune vert était une déclaration religieuse claire.
Il y a eu quelques tentatives pour mettre en place des services d’éducation et de santé, mais elles ont finalement été freinées par le manque de personnel qualifié et, surtout, par la guerre en cours, qui a tout englouti.
Mais la guerre a été perdue dès qu’Abdelkrim a attaqué les Français, les entraînant dans le conflit. En 1926, les armées espagnoles et françaises réunies contre la République du Rif dépassaient les 250 000 hommes.
Abdelkrim se rendit et fut exilé à La Reunión, l’île française au large de Madagascar. (Vingt et un ans plus tard, alors qu’il était transporté en France, il s’échappa au Caire). Le Rif se dissout dans son organisation tribale traditionnelle. L’Espagne rétablit le contrôle du protectorat, qui dura jusqu’à l’indépendance du Maroc en 1956.
Conclusion
La guerre du Rif, [cxiv] dans le nord du Maroc, est connue pour ses films romantiques et ses romans sur la Légion étrangère française, comme Beau Geste. En réalité, l’intervention française, bien que très importante, fut tardive et secondaire par rapport à celle des Espagnols.
L’Espagne combattait en Afrique du Nord depuis 1909 afin de s’emparer de nouvelles possessions coloniales, au moins en partie pour compenser la récente perte de Cuba et des Philippines au profit des États-Unis. Ce n’était cependant pas une route facile et l’Espagne a subi des catastrophes telles que Barranco del Lobo et des victoires comme la charge de cavalerie à Taxdirt en 1913, et il a dû affronter des ennemis comme Mezzian, El Roghi ou le célèbre El Raisouni. La révolte d’Abdelkrim causa la mort de milliers d’Espagnols à Anoual en 1921, au cours de laquelle une grande partie de la nouvelle colonie fut perdue, au moins temporairement.
La guerre a également vu l’armée espagnole complètement réformée, atteignant de nouveaux niveaux d’efficacité avec la fondation de la Légion espagnole et le recrutement de soldats marocains des Regulares. Ces troupes, ainsi qu’une multitude de commandants qui ont fait leurs débuts au combat dans le Rif, tels que Franco, Mola, Queipo de Llano et Kindelán, combattront plus tard dans la guerre civile espagnole. Ces commandants seront appelés les « Africanistas » et constitueront le noyau dur des militaires qui se soulèveront contre le gouvernement en 1936.
Notes de fin de texte :
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