La guerre chimique contre le Rif (3éme Partie)

Les gaz toxiques dans la guerre du Rif

Bien que vulgairement connus comme «gaz de guerre», la plupart d’entre eux sont en réalité liquides, certains très volatiles, c’est à dire qu’une fois dispersés dans la zone d’attaque, ils s’évaporent rapidement, tandis que d’autres sont plus persistants comme l’ypérite, liquide qui ne présente pas un degré élevé de volatilité en comparaison avec d’autres agents chimiques. Si dans la guerre du Rif, le gaz dont il se parla le plus fut l’ypérite, peut être pour l’impact que causa son utilisation durant la première Guerre Mondiale, il ne fut cependant pas l’unique, puisque d’autres, particulièrement le phosgène et la chloropicrine, furent aussi utilisés. L’ypérite, dont la dénomination correcte est le sulfure de bis (2 chloropicrine), était appelée par les allemands HS («Hun Stoffe»; «German Stuff» en anglais). Elle est aussi connu comme «gaz moutarde», «mustard gas» en anglais, dû à ce que durant la première Guerre Mondiale, il se disait qu’elle sentait comme ce produit culinaire obtenu de la plante du même nom.

Bien que la volatilité de l’ypérite ne soit pas très élevée, sa persistance était plus ou moins grande en fonction de la température de la zone où elle était utilisée. Plus élevée est la température, plus élevée est la volatilité et par conséquent moindre la persistance. De nuit, en raison de ce que le refroidissement de la terre affecte les couches les plus basses et l’air, il fait plus froid, et là les gaz (ou liquides qui se volatilisent) tendent à se comprimer et ne s’étendent pas, c’est à dire que du fait de ne pas monter sa pers istance dans la zone augmente. Au contraire, de jour, le réchauffement de la terre, par absorption de la radiation solaire, affecte les couches les plus basses et, dans ce cas, l’air est plus chaud pour ce que les gaz (ou liquides volatiles) s’étendent, diminuant la pers istance de l’agent, mais affectant les individus qu’il croise en montant.

L’ypérite appartient au groupe des gaz dits vésicants. Depuis le point de vue physiologique, elle attaque avec plus ou moins d’intensité, selon sa concentration toxique, tous les tissus de revêtement, traversant les couches superficielles de la peau et produisant en elle des lésions semblables à des brûlures et cloques et, elle attaque aussi d’autres organes, tels les yeux, avec possibilité de provocation d’aveuglement passager. L’inhalation de ses vapeurs cause aussi de graves troubles digestifs (vomissements, diarrhée), cardio-vasculaire (chute de la pression artérielle) et nerveux (asthénie, coma) et jusqu’à la mort, des heures après l’inhalation.

Quant au phosgène et la chloropicrine, les deux sont des agents neumotoxiques. A la différence des agents vésicants, le phosgène ne produit pas de brûlures; la voie d’intox ication étant pulmonaire. Une fois inhalé, il altère la perméabilité de la membrane alvéolaire, qui est située à la fin du tractus respiratoire où se produit l’interchangement de l’oxygène qui passe au sang et le dioxyde de carbone qui passe au tractus respiratoire pour être expiré. La perméabilité de cette membrane étant altérée, du liquide passe à l’espace interstitiel, ce qui fait que la personne ait des difficultés pour respirer, en raison de l’empêchement de ce liquide, qui s’interpose, que l’oxygène puisse arriver jusqu’au sang. Si la concentration inhalée est très élevée, du liquide passe à l’intérieur des poumons et la personne affectée meurt par oedème pulmonaire. L’autre agent neumotoxique, la chloropicrine, réactione dans les parties hautes du tractus respiratoire sans arriver à la membrane alvéolaire; ce pourquoi les intoxications dans ce cas sont moins graves que celles du Phosgène. A se dissoudre dans l’eau des sécrétions bronchiales, elle produit de l’acide chlorhydrique qui lèse le tractus respiratoire, bien que, évidemment, si la concentration inhalée est très élevée, elle peut affecter non seulement le tractus respiratoire mais aussi les alvéoles.

Dans tous les cas, bien que les vésicants et les neumotoxiques soient deux agents distincts et que les mécanismes d’action ne soient pas les mêmes, le fait qu’un agent chimique soit incapacitant ou létal dépend de sa toxicité intrinsèque, mais aussi de la concentration inhalée et du temps d’exposition. L’inhalation d’ypérite produit aussi des lésions dans l’appareil respiratoire et il est établi que lors de la première Guerre Mondiale, les personnes qui mouraient de forme immédiate après les attaques avec ypérite l’étaient non en raison des brûlures de la peau, mais en raison de l’inhalation de hautes concentrations d’ypérite qui lésait le tractus respiratoire(10) .

Les documents du Service Historique Militaire (SHM) mentionnent les gaz toxiques, des fois de façon euphémistique, avec des expressions telles que «bombes X», «bombes spéciales» ou «bombes d’illumination», mais en de nombreuses occasions ils les mentionnent explicitement, tantôt de manière générique, sans spécifier de quel gaz il s’agissait, tandis que d’autres fois ils indiquent clairement le nom du gaz: ypérite, phosgène, chloropicrine.

Nonobstant, les différents types de bombes apparaissent avec un nom clé qui correspond au contenu et au poids de chacune. Ainsi, les clés pour les différents types de bombes étaient les suivantes: C-1 (ypérite, 50 kg); C-2 (ypérite, 10 kg); C-3 (phosgène, 26 kg); C-4 (chloropicrine, 10 kg); C-5 (ypérite, 20 kg). Il faut signaler que d’autres types de bombes, qui n’étaient pas asphyxiantes, portaient ainsi un nom clé: celles désignées par la lettre A (A-1 à A-3) étaient de tolite, un explosif puissant; les B-1 (essences, 7 kg), B-2 (Phosfore, 1 kg), B-3 (cartouches)(11).

 

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