La guerre chimique contre le Rif (5éme Partie)

Nous n’avons plus retrouvé, dans les sources rifaines, des allusions aux gaz toxiques, et ce jusqu‟au 24 juillet 1922, date à laquelle le Caïd Haddou Ben Hamou revient, dans une lettre à Abdelkrim, à s’y référer dans les termes suivants: «Je t’informe qu’un bateau français a transporté 99 quintaux de gaz asphyxiant pour le compte des espagnols. Le dit chargement est arrivé à Melilla le 16 juin du courant mois»(18). Il convient de signaler que le terme arabe utilisé pour se référer à ce gaz est de nouveau celui de «alwahji», qui pourrait correspondre, pour les raisons précitées, à celles appelées par les espagnols «bombes d’illumination». Dans cette même lettre, le Caïd Haddou Ben Hamou communiquait à Abdelkrim qu’un tel mons ieur Bartoli était arrivé de Paris, rapportant, entre autres choses dont il avait été chargé, cent masques à gaz qu’il lui céderait pour le prix de 100 francs l’unité, mais que, dans le cas où la quantité qu’ils voudraient acquérir serait plus grande, il serait disposé à les vendre à 60 francs. Les masques se trouvaient à Oran où ils pouvaient aller les recueillir. Et abondant sur le même thème, il envoyait à Abdelkrim une image du «canon qui lance des obus avec gaz asphyxiants»(19), dont la portée était de 50 km et le prix de 5.000 francs .

Cette correspondance indique que les premiers gaz toxiques dont disposa l’armée espagnole au Maroc étaient de provenance française. Mais si la France n’avait pas, à ce qui semble, d’inconvénient à fournir à l’Espagne ce matériel belliqueux, comme non plus à donner des instructions au personnel militaire chargé de le manier, elle ne pensait pas, cependant, l’utiliser elle-même, comme cela se dégage d’un autre paragraphe de la lettre mentionnée, dans laquelle le Caïd Haddou Ben Hamou disait ce qui suit: «Les espagnols ont envoyés 300 soldats en France à une fabrique de gaz asphyxiant pour apprendre la manière de l’utiliser dans la guerre. Les espagnols ont adopté cette mesure, alors que les français ont refusé de l’employer eux-mêmes»(20). En même temps, peut être pour se libérer de toute accusation possible, le Gouvernement français avait fait savoir, «par le biais de la presse, que depuis que la paix avait été signée les principales puissances avaient décidé de prohiber l’emploi de gaz asphyxiants dans les guerres futures» (21). En fin de compte, la France le fournissait à d’autres pays sous le manteau, déclarant en même temps publiquement son refus à l‟utiliser.

Peut être que ce chargement arrivé à Melilla le 16 juin 1922 fut le même auquel se réfère l’avis donné dans cette ville le 22 mai 1922, selon lequel des «projectiles chargés de gaz»(22) seraient rapidement disponibles. Ce premier gaz pourrait être le phosgène, qui était, à ce qui semble, le préféré par les français, qui l’avait privilégié dans leurs essais chimiques pour l’avoir considéré comme étant un gaz de combat plus toxique que l’ypérite(23). En sus du phosgène, il est possible que les français aient livré à l’Espagne la chloropicrine, bien que l’armée espagnole pouvait aussi l’avoir obtenu de réserves civiles, étant donné que ce produit chimique s’utilise, comme l’on sait, dans les champs(24), surtout pour éliminer les animaux nuisibles (insectes ou rats).

L’image du canon, qui «lance des obus avec gaz asphyxiants», envoyée par le Caïd Hadou Ben Hamou à Abdelkrim, paraît suggérer que l’armée espagnole les avait déjà lancés avant juin 1922, bien que celà puisse signifier qu’il s’agissait tout simplement du canon apte pour les lancer en n’importe quel moment; raison pour laquelle les rifains, devant cette éventualité, pensèrent, d’un côté, à la possibilité d’acquérir eux-mêmes un canon de ces caractéristiques, et, d’un autre côté, d’avoir des masques anti-gaz pour se protéger des attaques avec gaz de l’artillerie espagnole.

Il conviendrait de penser ainsi à la possibilité selon laquelle l’armée espagnole se serait limitée jusqu’alors à de simples essais oubexpérimentations, mais non à une attaque en toute règle. En ce sens, la notice du journal colonial français La dépêche coloniale, citée par S. Balfour(25), selon laquelle l’artillerie espagnole aurait lancée, au début de novembre 1921, près de Tanger, la première attaque, avec des projectiles chargés de phosgène ou de chloropicine, ne semble pas très crédible. Par ailleurs, le journal attribut le succès de la campagne de Berenguer dans la région occidentale du Protectorat à l’emploi de gaz asphyxiants. En premier lieu, il faut tenir compte de ce que La dépêche coloniale, qui représente les intérêts de colons français d’Alger défendus par un groupe de députés et sénateurs, à la tête desquels se retrouvait Eugène Etienne, jusqu’à sa mort en 1921, et qui était profondément hostile à la présence de l’Espagne dans la zone nord du Protectorat, ne ratait pas l’occasion d’attaquer les espagnols; ce qui fait que la notice, basée sur de simples rumeurs, avait surtout pour objet de les déprécier devant l’opinion publique internationale. En second lieu, la situation dans la région occidentale du Protectorat n’était pas aussi grave, à l’automne 1921, au point d’exiger l’emploi de gaz toxiques, bien qu’une certaine agitation s’annonçait. Le désastre d’Annoual eut des répercussions immédiates dans la région de Larache, où déjà dans la nuit du 27 août 1921, fut attaqué par surprise la position de Akba El Kola et, après, celle de Gomara, où les rifains conjointement à des combattants gomaris attaquèrent, à partir du 21 octobre, quelques positions militaires espagnoles. Dans ces circonstances, il eut été plus logique que les gaz toxiques eurent pour objectifs ces lieux ou d’autres comme la tribu de Beni Aros, qui restait en grande partie insoumise, mais non la région de Tanger, où il ne s’enregistrait pas d’incidents dignes de mention jusqu’à ce qu’il se produisit le soulèvement de la tribu des Anjeras en décembre 1924, ce qui détermina alors l’emploi de gaz asphyxiants par l’aviation. En trois ième lieu, il résulte révélateur que l’attaché militaire de l’ambassade de Grande Bretagne à Madrid, bien informé par le biais des consuls britanniques à Tanger et à Tetouan, dit dans une dépêche, daté du 20 mai 1925, que l’utilisation de bombes de gaz remonte «à une date relativement récente» et que «antérieurement au soulèvement de la tribu de Anjera en décembre 1924, peu ou rien ne s’était entendu dire du gaz» (26). Il est fort certain qu’il se réfère à des bombes de gaz lancées par l’aviation et non par l’artillerie, mais, de toute façon, il résulte étrange que s’il y eut des cas d’emploi de gaz toxique dans la région de Tanger, antérieurement à décembre 1924, les consuls britanniques dans cette cité et à Tetouan ne seraient pas au courant et que surtout, ils ne se soient pas empressés de le dénoncer, tenant compte que les deux étaient fort critiques avec la politique de l’Espagne au Maroc, particulièrement avec l’actuation de l’armée espagnole dans le Protectorat.

Enfin, de la documentation du Service Historique Militaire correspondant à juin-septembre 1922, il se dégage que dans ces dates il ne s »était pas encore utilisé de gaz toxiques, pour des raisons fondamentalement techniques, encore qu’aussi politiques (27).

Néanmoins, la correspondance de Melilla avec le Haut Commissaire, entre juin et juillet 1922, révèle que dans le Parc d’Artillerie et les ateliers militaires de Melilla, il s’était déjà initié, depuis juin, la charge de projectiles avec ces gaz et que leur nombre atteignait, le 1 juillet, 700 de 15,5 cm (155mm) et le 14 juillet il y avait déjà 1000 tirs complets de projectiles avec cette charge(28).

Dans un télégramme du 4 juillet 1922, le Haut Commissaire demandait au Commandant général de Melilla de l’informer d’urgence de l’opportunité de l’emploi de «projectiles avec gaz asphyxiants» dans les secteurs dans lesquels ils pourraient s’utiliser« en vue de la situation politique», et surtout si tous les éléments qui intervenaient dans leur utilisation étaient prêts, de façon que lorsque leur emploi serait ordonné il y eut toutes les garanties de ce que «leurs effets sur l’ennemi devraient être efficaces» et que cela ne produirait pas d’accidents dans les troupes espagnoles, ce pour quoi devaient s’observer toutes les précautions dans l’emmagasinage, le transport et l’emploi, en accord avec les instructions approuvées par R.O.C du 14 octobre 1921(29). Dans sa réponse du 5 juillet 1922, le commandant général de Melilla informe le Haut Commissaire de ce qu’il existait les éléments nécessaires pour l’emploi de gaz dans des pièces de 155 mm et des masques en nombre suffisant pour éviter des accidents dans les troupes, tout en considérant qu’avant d’employer cette nouvelle méthode, il serait nécessaire de réaliser quelques tirs d’essai pour être sûr de ce que les distincts éléments fonctionnent parfaitement et que le personnel était familiarisé avec l’usage du masque. Par ailleurs, le Commandant général indiquait que les exercices de tirs se feraient sur le front «tirant au début sur des objectifs bien visibles» et pouvant s’essayer, par la suite, un tir de surprise sur les pièces que tenait «l’ennemi à Sidi Messaoud (tribu de Aït Said) et à Tzayuday (tribu de Tafersit) lorsque celles là attaqueraient. Il rajoutait que «pour des raisons d’ordre politique», il considérait qu‟il n’était pas convenant employer ce nouveau moyen de guerre, pour le moment, à l’exception du cas indiqué où les batteries ennemies du front feraient feu. Et il terminait sollicitant l’autorisation pour réaliser des exercices de tirs d’essai lorsque le personnel serait suffisamment instruit.(30)

On voit constamment une grande préoccupation pour la sécurité du personnel responsable de la charge des projectiles, de leur transport jusqu’au front et de leur manipulation dans lesb batteries. Dans ce sens, la correspondance fait référence à la nécessité de tenir compte du manuel d’Instructions pour le tir de neutralisation avec grenades de gaz toxiques , duquel divers exemplaires avaient été envoyés à Melilla pour être distribués dans des postes militaires du front comme Dar Driouch, Dar Kebdani et Kandoussi(31). Ces instructions, bien qu’elles fussent approuvées par R.O.C du 14 octobre 1921, ne semblent pas avoir été distribuées avant juillet 1922. Le personnel chargé du maniement des gaz toxiques est constitué par le nommé «Groupe d’instruction», qui devait réaliser des essais et expériences avec le matériel avant son emploi en combat. Le général Damasco Berenguer fut substitué par le général Ricardo Burguete à la tête du Haut Commissariat en juillet 1922 et tout paraît indiquer que, lors de ce mois et dans celuibd’août, le personnel assigné au maniement des gaz toxiques se limita à réaliser des essais et épreuves, tant que le Commandement Général de Melilla ne sollicite pas, jusqu’à début septembre, l’autorisation du nouveau Haut Commissaire pour en faire usage. En effet, dans un télégramme du 2 septembre 1922, le Commandant Général de Melilla demande au général Burguete de lui confirmer l’autorisation, donnée par son prédécesseur dans le poste, d’employer des projectiles avec ces gaz, étant donné l’accroissement qui s’observe dans le feu de l’artillerie ennemie depuis l’occupation de Azib Midar(32). Berenguer, comme l’on sait, cessa sa charge de Haut Commissaire le 8 juillet 1922 et, bien que l’autorisation datait du 13 du même mois, il pourrait l’avoir donnée avant son départ.

Quant à Azib midar, cette position, située dans la tribu de Tafersit, elle avait été reprise le 25 août 1922, Burguete étant déjà Haut Commissaire.

Dans un télégramme du 7 septembre 1922, ce dernier donnait son autorisation pour employer des grenades toxiques, le Groupe d’Instruction étant celui qui devait en faire usage contre Tzayuday (Tribu de Tafersit), «chaque fois que les conditions atmosphériques, vent et emploi opportun des masques» le permettent(33). A Melilla il se disposait déjà,  au début de septembre, de 2000 projectiles chargés de gaz toxiques, dont certains pour être transportés à des postes militaires dans le front: à Dar Kebdani il en fut porté 150 en date du 8, et le 30, il s’y transporta de nouveau 500 et autant d’autres à Dar Driouch(34).

Etant donné qu’il y avait déjà des projectiles chargés de gaz, non seulement à Melilla, mais aussi dans les postes militaires du front, et que le Haut Commissaire avait donné son autorisation pour les utiliser, il est fort possible que durant l’automne 1922 il s‟en fit usage de manière sporadique et contre des objectifs précis et concrets. Dans une lettre d’Abdelkrim à la Société des Nations, datée du 6 septembre 1922, bien qu’il ne mentionne pas spécifiquement les gaz toxiques, il dénonce l’utilisation par les espagnols d’«armes prohibées»(35), ce qui paraît indiquer que les gaz avaient déjà été utilisés, bien que ce soit de manière restreinte et à titre d’essai, ou qu’Abdelkrim était au courant de ce que l’armée espagnole se disposait à les utiliser sous peu. Le gaz aurait été le phosgène ou plus vraisemblablement la chloropicrine, dont il y a existence constante dans le baraquement magasin de Mar Chica depuis le début de juin 1922(36). Ou aussi, le plus probable c’est qu’il s’agisse simplement de gaz lacrymogènes, comme paraît l’indiquer une lettre du Colonel Directeur du Parc d’artillerie des ateliers militaires au Commandant Général de Melilla, en date du 7 juillet 1922, dans laquelle il dit que pour éviter des accidents dans le transport des gaz jusqu’au front et dans le maniement des batteries, le personnel assigné à ces taches devait se présenter à l’atelier de gaz pour s’en charger et faire des expériences «avec le produit appelé bromure de benzyle»(37).

Notons que ce produit est précisément celui utilisé pour la fabrication de gaz lacrymogènes. Bien que le document se réfère à eux comme à des «gaz asphyxiants», il faut tenir en compte qu’à cette époque il ne se faisait pas de distinction, comme il se ferait postérieurement, entre les différents types de gaz, et que cette dénomination s’applique à tous, y compris les lacrymogènes, dont l’emploi n’était pas prohibé par les conventions internationales.

Ramon J. Sender, dans son roman Iman qui, bien que témoignage littéraire, est basé sur des faits réels vécus par l’auteur, évoque «l’odeur aigre» de l’ypérite(38). qui, lancée par l’artillerie contre les rifains, arrive jusqu’aux soldats espagnols durant le combat acharné, livré à la tentative de secourir le poste que l’auteur appelle T, mais qu’il n’est pas difficile d’identifier comme celui de Tizzi Azza.

L‟occupation de ce poste le 28 octobre 1922, par l’armée espagnole, donna lieu les jours 1 et 2 de novembre à des journées sanglantes, dans lesquelles il y eut de nombreuses pertes, pour avoir essayé d’y faire parvenir un convoi de secours. Mais si ce fameux «convoi à Tizzi Azza» provoqua en son temps des critiques aigres envers Burguete, (nombreux le comparant au désastre d’Annoual), ce ne fut pas l’unique fois où les tentatives de secourir ce poste occasionnèrent des affrontements sanglants avec grand nombre de pertes. Le 5 juin 1923, un convoi envoyé au secours de Tizzi Azza recausera de nombreuses victimes, entre lesquelles se retrouvait le lieutenant colonel Valenzuela, chef de la Légion, qui résulta mort ce après quoi Franco occupa son poste. De ces deux convois à Tizzi Azza, nous pensons que celui auquel se réfère Sender n’est pas celui de novembre 1922, mais celui de juin 1923, car dans la première date il ne se disposait pas encore d’ypérite, tandis que dans la seconde, il se peut que l’aide allemande permit déjà d’en disposer, si ce n’est en grandes quantités, tout au moins suffisantes pour charger avec ce gaz toxique un nombre considérable de projectiles.

Aux premiers gaz toxiques procédant des stocks alliés, précisémment français, suivrait l’aide allemande qui sera, de beaucoup la plus importante durant toute la guerre du Rif. Selon les journalistes allemands Rudibert Kunz et Dieter Müller, le Roi Alfonso XIII avait déjà manifesté, depuis 1918, à l’Allemagne son intérêt pour les gaz toxiques et son désir de disposer des installations nécessaires pour les produire. A ces contacts ultra secrets suivraient d’autres en 1921, année où l’Espagne reviendrait à exprimer à l’Allemagne son intérêt pour obtenir du matériel de guerre chimique, en dépit de ce que le Traité de Versailles en prohibe à ce pays la fabrication. Le 21 novembre 1921 voyageait à Madrid Stolzenberg, fabriquant allemand connu de produits chimiques, lequel eut des conversations avec chefs militaires, ministres et Palais. Le gouvernement espagnol exprima son désir de disposer le plus rapidement possible d’une fabrique complète, spécialement dédiée à la production de gaz toxiques plus modernes, même si parvenir à un accord posa des difficultés entre autres raisons parce que le Gouvernement espagnol voulait disposer de ces gaz d’urgence et que la fabrique ne serait pas en conditions des les produire avant quelques années. Stolzenberg manifesta, néanmoins, qu’il pourrait, entre temps, fournir à l’Espagne des gaz de guerre déjà prêts pour l’emploi(39)..

Les conversations se poursuivirent en 1922. En mai de cette année, Stolzenberg voyagea de nouveau à Madrid et les deux parties arrivèrent enfin à un accord, qui se matérialisa par un contrat signé le 10 juin, en vertu duquel la firme allemande s’engageait à construire et mettre en marche la fabrique de gaz toxiques et à faciliter les installations appropriées pour la production de munitions, telles que des grenades d’artillerie et de main, ainsi que des équipements techniques et du personnel allemand spécialisé. La fabrique se construira dans le lieu appelé La Marañosa, situé près de Aranjuez, mais ne serait pas en conditions de produire des gaz toxiques si ce n’est passé quelques années. Stolzenberg fournirait entre-temps à l’Espagne, pas exactement le gaz déjà prêt pour l’emploi, mais la substance chimique nécessaire pour le fabriquer, concrètement l’oxol, comme l’on appelait le tiodiglicol, un des réactifs utilisés pour fabriquer l’Ypérite. Il faut tenir compte de ce que cette substance toxique s’utilise au niveau industriel pour usages non militaires, ce avec quoi Stolzenberg pouvait se jouer impunément des clauses du Traité de Versailles qui prohibait à l’Allemagne la production de gaz toxiques, vu qu’il lui était toujours possible d’alléguer que les produits chimiques de sa fabrique étaient destinés à usages civiles. L’oxol sera transporté par voie maritime de Hambourg vers Melilla, à un atelier qui s’installait déjà à MarChica, c’est à dire dans un lieu suffisamment loin de la ville pour éviter de possibles accidents au sein de la population civile. Il se rapporte qu’au début de juin 1922 cet atelier ou plus exactement un baraquement magasin existait déjà pour la charge de projectiles, qui n’offrait pas de garanties suffisantes pour le personnel, ce pour quoi il s’étudiait la construction d’un bâtiment en dur(40). L’unique gaz emmagasiné dans ce baraquement, qui se mentionne à cette date fut la choloropicrine, c’est à dire que l’Espagne n’avait pas encore commencé à recevoir l’oxol, qui était la substance chimique nécessaire pour fabriquer l’ypérite. Il n’y a pas non plus au début de juin 1922 la mineure allusion à la présence de techniciens allemands à Melilla. Il faut avoir à l’esprit que le contrat pour la construction de la fabrique de gaz toxiques à la Marañosa et pour l’envoi d’oxol à Melilla datait du 10 juin 1922, de façon qu’il faudrait des mois avant que Stolzenberg soit en conditions de fabriquer lui même ce produit et de le fournir à l’armée espagnole au Maroc.

Ce qui précède nous conduit à supposer que l’ypérite ne fit son apparition à Melilla que jusqu’en 1923. Quant à la fabrique de la Maraðosa, près d’Aranjuez, qui commençait à se construire avec l’aide de Stolzenberg, elle s’utilisait pour la production de bombes qui étaient envoyées, après, à Melilla pour être chargées là bas avec des gaz toxiques.

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