A Monsieur Béji Caïd Essebsi,
Président de la République tunisienne
Objet: Lettre de solidarité avec le peuple tunisien contre le terrorisme et demande de revalorisation de l’amazighité de la Tunisie et endiguement du terrorisme.
Monsieur le Président,
Tout en nous adressant à vous et à l’ensemble du peuple tunisien pour vous présenter nos vives condoléances suite aux attaques terroristes de Soussa et qui se sont soldées par des dizaines de victimes innocentes et tout en affirmant notre solidarité avec vous et notre soutien au peuple tunisien contre le terrorisme et l’extrémisme qui ont pour objectif de ruiner l’économie tunisien et le secteur le plus dynamique que constitue le tourisme pour arrimer ce dernier au Moyen âge, nous devons aussi attirer votre attention, Excellence, sur un ensemble de questions essentielles, de notre point de vue, pour protéger et sécuriser la Tunisie contre toute forme d’extrémisme, de terrorisme et contre les différents types de violence et de radicalisme.
Monsieur le Président,
Le terrorisme et l’extrémisme sont liés à une culture et à des doctrines religieuses qui n’ont pas de relation avec la zone d’Afrique du nord. Elles y sont venues de l’Orient en raison de l’ouverture inconditionnelle des pays de la région sur l’Orient. Bien plus, ces pays orientaux ont marginalisé nos pays, dont le votre, et leur civilisation amazighe ancienne qui s’étend sur plusieurs siècles ainsi que tout ce qui s’y rattache comme valeurs et fondements. Et l’ex président de la Tunisie, M. Mouncef Marzouki, a attiré l’attention sur ce fait quand il a affirmé que l’origine du toponyme d’Afrique est amazighe, toponyme qui a désigné l’actuel Tunisie, dénonçant l’indifférence des tunisiens à l’égard de leur réalité géographique et de la vérité ayant trait à leur civilisation.
En fait, les citoyens tunisiens comme leurs frères de tous les pays d’Afrique du nord sentent que leurs régimes tentent à les lier davantage à l’Orient arabe, à un tel degré qu’ils peuvent sacrifier leurs intérêts stratégiques dont font partie la sécurité et la stabilité. Et pour garantir ces deux derniers, nous estimons, au même titre que les spécialistes, que l’approche sécuritaire à elle seule reste insuffisante. Pour ce, nous insistons sur la revalorisation officielle de l’identité tunisienne, particulièrement, les fondements amazighes de Tunisie, qui prônent un système de valeurs et de principes complètement différents de ceux en vigueur en Orient et qui enfantent l’extrémisme et le terrorisme et qui ne respectent pas la vie.
Monsieur le Président,
Notre espoir était grand, du fait que la Tunisie postrévolutionnaire connaitrait un changement dans cette direction. Nous sommes déçus suite l’élaboration de la constitution après la révolution, qui considère la Tunisie comme pays arabe qui ne diffère en rien des pays de l’Orient, bien que la majorité des tunisiens soient des amazighes arabisés et il existe encore parmi eux ceux qui communiquent avec leur langue millénaire amazighe, comme le font leur frères des autres pays d’Afrique du nord et qui se comptent par dizaines de millions. Ce qui a rendu notre espoir plus grand, tient au fait que le Maroc et l’Algérie ont pris conscience du danger inhérent à l’abandon des fondements amazighes et ont pris des initiatives pour la revalorisation de leurs spécificités amazighes. Bien que ces initiatives soient lentes, ils constituent quand même une reconnaissance et un point de départ. Mais la Tunisie a dévié de ce processus et a opté pour le retour aux mirages de l’arabisation et de l’arabité des pays d’Afrique du nord. Malheureusement, le terrorisme est une des conséquences de ces mirages qui ont transformé, non seulement quelques jeunes tunisiens, mais aussi des jeunes nord africains, en kamikazes et en terroristes au service de l’Orient et de ses causes et contre leur pays et sa souveraineté.
Monsieur le Président,
Le terrorisme n’est pas né du néant, au contraire, il est parrainé par des pays et soutenu par des medias qui propagent ses idées. Et dans ce cadre, nous voulons attirer votre attention sur le rôle qatari : le monde entier est au courant de la relation entre cet émirat du golfe et les organisations djihadistes. Pour ce, l’ouverture de la porte tunisienne pour ceux qui agissent pour le compte de cet émirat ou ses médias peut aboutir à des résultats qui ne seront pas aussi différents de la situation que vit un autre pays de Tamazgha, à savoir la Lybie ; pays où l’intervention qatarie y a entrainé des résultats catastrophiques. Outre, à certains moments, l’émirat est parvenu à former des gouvernements, à distribuer des postes ministériels et à violer la souveraineté de l’Etat libyen de manière totale. Il a aussi facilité la propagation des adeptes de «Daech» qui ont orienté quelques jeunes tunisiens pour commettre des opérations terroristes, qui ont visé des secteurs vitaux de l’Etat tunisien, telles les opérations du musée Bardo et la plage Soussa. Pour cette raison, nous vous demandons, et nous demandons de même à nos frères libyens, de couper les relations diplomatiques avec le Qatar et tous les pays qui soutiennent le terrorisme en raison des conséquences inhérentes à la responsabilité de ces Etats qui apportent leur aide aux organisations extrémistes.
Monsieur le Président,
Nous appelons à l’adoption des principes de démocratie, de tolérance, de modération, d’égalité et de reconnaissance réciproque qui ont toujours trouvé leur place au sein des coutumes amazighes et du peuple amazighe auquel appartiennent les citoyens tunisiens et nord africains. Un peuple qui a construit et édifié une civilisation ancienne qui n’a porté atteinte ni aux femmes ni a coupé aucune tête. Même lors des invasions de l’Afrique du nord par les arabes, c’est une femme amazighe libre qui leur tint tête : la reine Tihiya, à laquelle ils donnèrent le nom de Kahina la sorciére, car leur mentalité orientale ne pouvait admettre qu’une femme puisse gouverner un peuple. Et depuis, la mentalité orientale n’a guère changé, alors que les amazighes sont restés fidèles à leurs valeurs et adoptèrent un islam tolérant en cohérence avec leurs valeurs; un islam que des penseurs tels Averroès, Mohamed Arkoun et d’autres ont développé.
Cependant, actuellement, la région d’Afrique du nord connaît une propagation sans précédent de l’extrémisme et du terrorisme qui sont institutionnalisés dans les constitutions de la région par l’ « orientalisation » et l’arabisation de ses peuples, en contradiction avec la vérité historique et la réalité géographique. Fait qui transforme les pays de la région en simple espace vitale pour les orientaux qui s’y déplacent pour servir leurs intérêts. En fait, le terrorisme et l’extrémisme restent fidèles à leurs promoteurs et leaders de l’Orient. Le danger consiste à ce que les Etats de la région poursuivent la politique d’ouverture sans garde-fous vis-à-vis de l’Orient, y compris par la négation de soi, le reniement d’une civilisation et de sa vérité identitaire.
Monsieur le Président,
Tout en se remémorant la célèbre déclaration du leader amazighe Massinissa « L’Afrique aux africains », réitérée après lui par le Président américain Barak Obama, nous vous demandons de reconnaître les fondements africains et amazighes de la Tunisie, par tous les moyens, non parce que nous sommes amazighes, mais parce que ceci va dans l’intérêt suprême de la Tunisie qui sera fidèle à son histoire, à sa civilisation et à son identité et protectrice de sa souveraineté en barrant la route à ceux qui veulent faire de ses citoyens de nouveaux afghans.
Veuillez agréer, Monsieur le Président, l’assurance de notre considération fort distinguée.
Rachid Raha
Président de l’Assemblée Mondiale Amazighe