Le Collectif des Amazighs en France interpelle Amnesty International pour la liberation des détenus politiques mozabites

kamalObjet: Appel d’urgence concernant l’état de santé des détenus politiques et d’opinion mozabites en grève de la faim

Par cet appel d’urgence et de détresse, nous attirons votre attention sur la situation critique des détenus politiques et d’opinion dans la vallée du Mzab (Ghardaïa, sud de l’Algérie). Ainsi, suite aux événements tragiques qui ont secoué cette région et pendant lesquels la population mozabite (population autochtone d’origine berbère) a été agressée dans ses propres quartiers par des groupes en partie armés et appelés Chaâmbas (population se pré sentant comme allochtone et arabe), il y a eu, au soir du 9 juillet 2015, plusieurs arrestations arbitraires de Mozabites. En effet, alors qu’ils étaient dans une salle de prière, Mr. Kameleddine FEKHAR, médecin et militant des droits de l’homme, ainsi qu’une trentaine de ses compagnons, ont été tabassés et arrêtés arbitrairement par une brigade mixte de la police et de la gendarmerie algérienne. Comme l’indique le rapport de la ligue algérienne pour la défense des droits de l’homme (LADDH) communiqué en pièce jointe, il n’y a pas eu de mandat de perquisition, de mandat d’arrêt ou d’enquête préliminaire.

Ces arrestations ont été effectuées avec violence, humiliation et injures racistes. Les avocats confirment que leurs clients n’ont fait l’objet d’aucune convocation et que les arrestations ont pour motif des raisons politiques. Lors de leur garde à vue à la sûreté de la wilaya de Ghardaïa, ces détenus politiques ont été à nouveau violentés, puis Mr FEKHAR a été transféré et emprisonné plusieurs jours dans un lieu tenu secret. Lors de la garde à vue, les détenus ont été privés de la visite de leurs familles et proches. Par la suite, selon les dires de Salah Debouz (l’un de leurs avocats), l’ensemble de ces détenus politiques a été incarcéré à la prison d’El Ménéa. Après leur transfert dans cette prison, Mr FEKHAR et son ami Qassem SOUFGHALEM ont été isolés des autres codétenus politiques, dans des cellules individuelles sans aération et sans eau fraîche (la température dépasse les 45 degrés dans le Sud algérien). C’est là qu’ils subissent des interrogatoires, tortures et insultes racistes par les agents de police et de la sûreté. Les détenus n’ont reçu la visite de leurs avocats qu’à la date du 20 juillet, soit 11 jours après leurs arrestations. Selon la ligue algérienne des droits de l’homme ainsi que selon les détenus et le collectif d’avocats qui les représentent, ces arrestations sont frappées d’un caractère illégal et abusif.

Mr. FEKHAR est poursuivi pour une multitude de chefs d’accusation (une quinzaine environ) dont les suivants : constitution d’association de malfaiteurs ; Atteinte à la souveraineté de l’État ; Atteinte à l’unité nationale ; Atteinte à la sûreté de l’État ; Attroupement armé et non armé ; Incitation au meurtre, etc. Selon Maître Dabouz, il risque au minimum vingt ans de prison, voire la perpétuité. En réalité, l’État algérien reproche à Mr FEKHAR d’avoir alerté l’opinion nationale et internationale sur le drame qui se déroule à Ghardaïa depuis deux ans. Mr FEKHAR a aussi été blâmé pour avoir été à l’origine d’un mouvement autonomiste du M’Zab qui du reste n’est porté que par une petite frange de la société mozabite. Enfin, l’État algérien reproche à Mr FEKHAR d’appeler à l’ingérence internationale puisque ce dernier a demandé au secrétaire général des Nations Unies, Mr Ban Ki – Moon, de mettre les Mozabites et leurs cités sous protection. Ces interpellations de l’opinion et des instances internationales sont intervenues après une recrudescence des violences dans le M’Zab. En effet, des attaques récentes ont causé plusieurs dizaines de décès (la journée du 8 juillet 2015 comptant à elle seule une vingtaine de morts) ; de nombreux blessés dans un état grave ; plusieurs grands brulés vifs ; des pillages, saccages et incendies de maisons et de commerces de citoyens mozabites etc. Ces violences ont été perpétrées impunément par des bandes organisées Châambas et cela au vu et au su des forces de police. Il appert que les arrestations et mises en détention de Mr FEKHAR et de ses compagnons se sont faites en violation des droits fondamentaux et de plusieurs articles de lois, entre autres : l’article 32 de La Constitution algérienne ; les articles 3, 5, 7, 8, 9, 10, 19 et 20 de La Déclaration Universelle des Droits de l’Homme ; les articles 1, 7, 9, 10, 19, 21 et 26 du Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques ; les articles 2, 3, 4, 5, 6, 10 et 11 de La Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples ; et enfin, les articles 1, 2, 7, 37, 40, 42, et 44 de La Déclaration des Nations Unies sur les Droits des Peuples Autochtones. Rappelons que l’Algérie a ratifié l’ensemble des textes internationaux cités. N’ayant aucun recours face à cette conspiration politico – judiciaire, Mr FEKHAR et Qassem Soufghalem ont entamé une grève de la faim (ils en sont au 19e jour). Au 2 aout 2015, suite à la comparution des prisonniers devant le juge d’instruction du Tribunal de Ghardaïa, un communiqué du collectif des avocats des détenus informe que Kamelddine FEKHAR  est arrivé amaigri, affaibli et en chaise roulante, et qu’il n’a pas pu être auditionné en raison de sa faiblesse le mettant dans l’incapacité de parler. Il a fait savoir par ses avocats qu’il est placé dans une cellule isolée, sans ai r conditionné, sans eau fraiche et alors qu’il est en grève de la faim depuis 19 jours, on lui a même supprimé l’indispensable sucre pour le maintenir en vie. Aussi, nous signalons l’important problème de tension artérielle de Mr FEKHAR et le refus des autorités à le faire convenablement examiner par un médecin.

Nous tenons aussi à préciser que dans le passé, Mr FEKHAR a fait l’objet de harcèlement et d’une interpellation par l’État algérien. Récemment, ce médecin et militant des droits de l’Homme a fait l’objet d’appel au meurtre à travers des fatwas prononcées par des imams fonctionnaires de l’État algérien.

Monsieur Salil SHETTY, nous vous prions de diligenter une visite à la prison pour constater les conditions de détentions de l’ensemble des détenus politiques ainsi que l’état de santé des deux détenus faisant la grève de la faim. Nous sollicitons de la communauté internationale, en particulier l’ONU, l’UE et l’UA, qu’elle exerce fermement ses prérogatives afin que le gouvernement algérien respecte ses obligations internationales en matière de respect des droits humains ainsi que des libertés individuelles et collectives. Il est indispensable que les instances internationales assurent le suivi effectif de la mise en oeuvre des engagements passés et à venir de l’État algérien en matière de traités internationaux, et qu’en raison de ses manquements, il y a lieu de rappeler à l’État algérien ses engagements.

Nous souhaitons, Monsieur, que vos services fassent de nos doléances une priorité, et nous réclamons une intervention d’urgence auprès des autorités algériennes concernées afin de libérer les détenus politiques et d’opinion Mozabites, de garantir leur intégrité physique et morale, et d’éviter une fin tragique, soit la mort des détenus, dont les grévistes de la faim.

En vous remerciant de l’intérêt que vous porterez à cet appel de détresse, veuillez agréer, Monsieur, l’expression de nos sentiments distingués.

Paris, le 03 Août 2015

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