Les lacunes du rapport d’Amina Bouayach, présidente du Conseil national des droits de l’homme, sur « les manifestations Hirak du Rif » dans la région d’Al Hoceima*

Par Aziz IDAMINE

Le Conseil national des droits de l’homme a publié son rapport sur les manifestations dans la région d’Al Hoceima, connue médiatiquement comme «le HIRAK du RIF», un rapport attendu depuis fort longtemps, comme l’ont annoncé ses auteurs. Considérant que le Conseil est une institution constitutionnelle, un acquis de la Constitution de 2011, et qu’il est financé par les contribuables marocains, et que son travail a un impact sur un certain nombre de droits, en particulier le droit à la liberté des détenus, aussi la discussion de ce document devient une obligation morale pour tout défenseur des droits humains.

Aussi, deux niveaux d’observations peuvent être mises en évidence, d’une part des UN NIVEAU GENERAL, qui discutent le rapport dans son intégralité et des NIVEAU SPECIFIQUE de l’autre, qui discutent une partie du contenu du rapport.

PLAN
PREMIEREMENT : AU NIVEAU GENERAL
• L’inclusion de divers sujets dans un seul rapport
• La rupture avec les publications précédentes
• Le mépris pour le droit international coutumier
DEUXIEMEMENT : AU NIVEAU SPECIFIQUE
• La torture
• La confusion entretenue entre le droit de manifester et protestations
• Non-protection de l’inviolabilité du domicile
• Les émeutes et la violence grave
• Le « rabaissement » du droit à la vie
• Pacifique et non-pacifique
• Des considérations « politiciennes » dans le rapport
• Les manifestations et les contre-manifestations
CONCLUSION

PREMIEREMENT : AU NIVEAU GENERAL

• L’inclusion de divers sujets dans un seul rapport

Le système des droits de l’homme a élaboré des méthodologies et des approches pour faire face aux violations, de sorte que l’enquête sur la question des allégations de torture a ses règles et ses outils, dont le plus important est la publication, à travers le Protocole d’Istanbul, d’un manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, qui est une référence de base pour la médecine légale. De plus, pour les défenseurs des droits humains officiels ou civils, cela donne également de nombreux droits aux requérants. A noter que le Conseil national des droits de l’homme a appelé via son rapport, l’Etat marocain à le ratifier (Recommandation N°21, page 71), ce qui est en soi un scandale, indiquant l’ignorance des auteurs du rapport du droit international des droits de l’homme, car le Protocole d’Istanbul n’est soumis ni à la signature ni à la ratification, mais il s’agit plutôt d’un manuel utilisé par les Nations Unies et adopté par le Haut-Commissaire aux droits de l’homme depuis 2004 comme document référentiel.

La « communauté internationale » a également établi des normes précises dans l’observation des procès, notamment l’article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, l’observation générale n°32 de 2007 sur le droit à l’égalité devant les tribunaux et les cours de justice, et à un procès équitable, en premier lieu, et l’observation générale N° 13 de 1984 à propos de l’administration de la justice.
En outre, il existe un système lié au suivi des manifestations et des protestations, où nous trouvons dans les normes fondamentales des droits humains Le manuel de formation sur le monitoring des droits de l’homme, publié par le Haut-Commissariat aux droits de l’homme, et nous mentionnons spécifiquement le chapitre 15 sur « Le monitoring des manifestations et des réunions publiques ».

Par conséquent, inclure tous les sujets dans un même module méthodologique est considéré comme inapproprié, mais nous comprenons que le rapport confond d’une part un rapport et à d’autres moments, une étude, et c’est la partie observée dans l’axe intitulé « Une analyse des publications via les réseaux sociaux sur les manifestations d’Al Hoceima » qui pourrait constituer d’une étude indépendante et sa présence dans le rapport est « un complément arbitraire ».

De même, évoquer un rapport de synthèse est inacceptable vu que tous les sujets traités sont différents et indépendants les uns des autres.

• La rupture avec les publications précédentes

Les auteurs du rapport ont confirmé que ce dernier avait été « rédigé entre novembre 2019 et mars 2020 », ce qui nous amène à nous interroger sur le sort des efforts de travail du Conseil sous sa forme précédente, où l’ancien Président et son secrétaire général avaient précédemment déclaré qu’ils suivaient la situation à Al Hoceima et qu’un rapport complet allait être publié. Cela voudrait-il dire, qu’un travail de plusieurs années a été effacé d’un trait de plume ? Sachant que, en examinant le rapport actuel, nous ne trouvons aucune référence à l’expérience précédente, ce qui indique une sorte de « rivalité personnelle » pour les auteurs du rapport avec l’époque précédente.

De plus, si nous excluons les procès-verbaux de la police, le rapport ne s’est pas appuyé sur les efforts du mouvement marocain des droits de l’homme qui a mené des enquêtes et des visites sur le terrain, telles que la Coalition Marocaine des Instances des Droits Humains (CMIDH) et l’Initiative civile pour le Rif

• Le mépris pour le droit international coutumier

La présidente du Conseil national des droits de l’homme a tenté de défendre sa version des faits concernant les rifains, en faisant valoir qu’elle est fondée sur le droit international coutumier, et en revenant au rapport actuel, il se trouve totalement vide de toute référence à cette partie du droit international, bien que la coutume internationale soit riche dans certains domaines du droit international tel quel le droit international de la mer, il est quasi inexistant dans le domaine du droit international des droits de l’homme.

Dans le rapport, nous pouvons observer un paragraphe transitoire (Page 26) sans être en mesure d’expliquer pourquoi il y a été placé, ni où il sera placé.

DEUXIEMEMENT : AU NIVEAU SPECIFIQUE

Par niveau spécifique, nous entendons les sujets qui ont été traités, et que nous ne nous en tiendrons qu’à certains d’entre eux, pour montrer les contradictions contenues dans le rapport, comme si son auteur, contraint, s’était positionné à la place de celui qui veut cacher le soleil avec un tamis, sur la base des critères prédéfinis, mais qui donne un résultat totalement différent.

• La torture

Le rapport indique : «Le Conseil des droits de l’homme des Nations unies a estimé qu’il n’était pas nécessaire de faire la distinction entre un comportement constituant de la torture et un comportement constituant un traitement cruel, inhumain ou dégradant, car ils constituent ensemble une violation des dispositions de l’article 7 », et a ajouté que «le Conseil a décrit les allégations selon lesquelles il peut contenir des éléments constituant l’acte de torture ou des allégations qui peuvent être adaptées dans le cadre d’un traitement cruel, inhumain ou dégradant lorsque ces normes ne sont que partiellement respectées »
Les cas qu’il a suivis sont trois cas qui donnent lieu à des condamnations pour avoir été soumis à la torture et trois d’entre eux à des traitements cruels ou inhumains, et en général « la plupart des personnes arrêtées et des détenus soumis à diverses formes d’injures, d’insultes, de calomnies et de violences verbales, que ce soit pendant l’arrestation, ou à bord des véhicules de police, ou pendant la détention provisoire, ou pendant la rédaction des procès-verbaux ou encore pendant la signature « Compte tenu de la nature de ces allégations, le Conseil n’a pas été en mesure de les confirmer ou de les réfuter. »

L’argutie contenue dans le rapport pour banaliser la torture, interroge la conscience vive du Conseil national des droits de l’homme. S’il n’est pas en mesure de déterminer ou d’appliquer le traitement dégradant et inhumain, cela signifie qu’il y a un problème.
L’aveu le plus important noté dans le rapport, qui bafoue le procès équitable, est le fait d’avoir noté que « les cas d’allégations de torture n’ont pas été convenablement discutés et débattus pendant les procès » et que « les accusés n’ont pas été informés et n’ont pas défendu les résultats de la recherche » sur les allégations de torture.

Revenant à nouveau sur la décision n ° 477-2011 du 14 juin 2014 rendue par le Comité de l’ONU contre la torture, qui concerne M. Ali AARAS, qui a été condamné en première instance et en appel, mais le pouvoir judiciaire n’a pas traité sérieusement les allégations de torture, le Maroc a tenu officiellement à noter auprès du Comité contre la torture : « La cour d’appel de Rabat, chambre pénale, a condamné le requérant en appel à 12 ans d’emprisonnement pour infraction à la loi antiterroriste. La Cour a considéré que: «le tribunal de première instance a répondu de manière suffisante à toutes les demandes et les défenses, d’où cette cour a jugé de les adopter tant qu’elles satisfaisaient les aspects légaux, tout particulièrement en ce qui concerne la prétention de l’accusé d’avoir subi la torture, puisqu’il a été procédé à une expertise médicale dressée par trois médecins qui ont tous confirmé que l’accusé n’a subi aucune torture d’aucune sorte, d’où la cour a estimé d’appuyer le verdict interjeté en appel dans ce qu’il a prescrit dans ce volet». La cour a aussi estimé que le verdict pénal de première instance était justifié et donc elle l’a approuvé et a adopté ses motivations. En octobre 2012, le requérant a introduit un pourvoi devant la Cour de cassation.

Cependant, le Comité contre la torture a eu une réponse décisive :`

  • Le Comité prend également note de l’avis des médecins sur le rapport médical sur l’examen effectué par le médecin légiste sur le requérant en janvier 2012, qui confirme que ce rapport n’est pas conforme aux directives du Protocole d’Istanbul ;
  • Le docteur B., médecin et expert indépendant sur la question de la torture, a donné son avis sur le rapport médical et conclu qu’un examen médical et psychologique complet selon les directives du Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Protocole d’Istanbul) aurait dû être effectué, ce qui inclut des examens et tests par des médecins indépendants spécialisés dans l’évaluation de personnes suspectées d’avoir subi des tortures. Le rapport ne fournit pas de détails concernant les examens pratiqués et presque pas de détails sur les conclusions de ces examens. Les médecins n’ont pas cherché à avoir accès aux rapports des médecins qui ont examiné le requérant lors de sa garde à vue ou en prison. Il n’est pas signalé dans le rapport si l’examen a eu lieu en présence d’agents de police ou de prison, ou si le requérant était menotté ou autrement restreint dans ses mouvements. La partie substantive du rapport consiste en une page et demie et les allégations de torture se limitent à deux courtes phrases. Le rapport ne contient pas de diagramme ni de photos. Il ne fait que réitérer l’existence de cicatrices dans les membres inférieurs dues à un ancien accident de la route. Il n’y a aucune indication que les allégations du requérant aient fait l’objet d’une évaluation. Du fait que l’examen a eu lieu plus d’une année après la détention et que l’existence de marques visibles est donc peu probable, un examen complet de tout le corps s’imposait. Par ailleurs, il n’est fait aucune mention dans le rapport d’un éventuel examen psychiatrique ou psychologique, ce qui montre que l’examen pratiqué ne remplit pas les critères internationaux pour évaluer les allégations de torture.
  • Au vu de ce qui précède, le Comité estime qu’il y a eu de la part des autorités un défaut d’enquête incompatible avec l’obligation qui incombe à l’État, au titre de l’article 12 de la Convention, de veiller à ce que les autorités compétentes procèdent immédiatement à une enquête impartiale chaque fois qu’il y a des motifs raisonnables de croire qu’un acte de torture a été commis. N’ayant pas rempli cette obligation, l’État partie a également manqué à la responsabilité qui lui revenait au titre de l’article 13 de la Convention de garantir au requérant le droit de porter plainte, qui présuppose que les autorités apportent une réponse adéquate à une telle plainte par le déclenchement d’une enquête prompte et impartiale.
  • Le texte des décisions de la cour d’appel montre que les aveux du requérant ont eu une influence décisive sur la condamnation. Le Comité prend note de la plainte pour torture présentée par le requérant qu’il aurait pu subir pendant sa détention provisoire.
  • Comme indiqué précédemment, l’État partie a failli à ses obligations de mener une enquête rapide et impartiale sur les allégations de torture ; et que la Cour d’appel n’a pas pris au sérieux les allégations de torture lorsqu’elle a condamné le requérant sur la base de ses aveux, niant que ces allégations aient été formulées au cours de la procédure. Sur la base de ces constatations, le Comité considère que l’État partie a failli aux obligations découlant de la disposition de l’article 15 de la Convention.

Reconnaitre que «les allégations de torture n’ont pas fait l’objet de délibérations et de discussions adéquates à leur sujet pendant les procès», fait que le procès est invalide, conformément à la Convention contre la torture, car sa requête initiale devait être interrompu jusqu’à ce qu’il soit statué sur un fait nouveau qui est l’allégation de torture, et la poursuite du processus judiciaire sans se prononcer sur les allégations, considère le procès injuste, même s’il y avait un caractère public, et la présence au procès et la présence de la défense.

• La confusion entretenue entre le droit de manifester et protestations

Les arguments présentés pour dépasser les termes « HIRAK» et «RIF» restent peu convaincants, et que les remplacer par des manifestations dans la région d’Al Hoceima n’a aucun sens, tout simplement parce que les manifestants et leurs partisans choisissent de les appeler ainsi. Cela n’a pas de sens, par exemple, que nous supprimions le terme Mouvement du 20 février car il n’est pas rattaché à un lieu, tout comme nous ne pouvons pas abolir le terme de la révolte du « pain » et autres, par conséquent, nous sommes confrontés à des manifestations de « HIRAK du RIF » dans la province d’Al Hoceima.

Le terme « HIRAK » est également devenu un nouveau concept dans les dynamiques sociales et de protestation, et il est entré dans plusieurs dictionnaires sociologiques et politiques ainsi que celui des droits de l’homme, et le HIRAK est entré dans le dictionnaire de certains pays comme la France et les États-Unis, car il n’avait pas auparavant de synonyme dans ces langues.

Le concept de «HIRAK» a été intégré dans les rapports des Nations Unies sur les droits de l’homme (paragraphe 29, A / HRC / 27/33 de 2014) et le rapport de Human Rights Watch sur la réaction ferme du gouvernement yéménite face aux manifestations du HIRAK du sud (Mouvement pacifique du sud) en 2009, et le rapport d’Amnesty intitulé : « Yémen: La répression sous pression ([Ang]Yemen: Cracking Down Under Pressure), qui évoque le Mouvement du Sud, (HIRAK du sud) en 2010.

Le choix du terme protestations au lieu de manifestations ou rassemblements pacifiques, comme c’est universellement reconnu, reste un point d’interrogation majeur, et nous attirons l’attention sur la note la plus importante du Conseil international des droits de l’homme dans un rapport du 29 janvier 2014 « Il y a une inquiétude au sujet de l’utilisation du terme «pacifique » et « non pacifique » pour décrire de nombreuses manifestations. La grande majorité des manifestations demeurent pacifiques, même si la manifestation est qualifiée de «non pacifique», et quiconque justifie des réponses répressives émises par l’État peut poser des problématiques et conduire à une protection insuffisante pour ceux qui participent à la manifestation sans violence, par conséquent, les manifestations pacifiques ne doivent donc pas être conçues comme une menace. « (Paragraphe 35), par conséquent, la tendance à utiliser le terme protestations au lieu de manifestations peut suggérer que l’auteur du rapport à l’intention de les travestir en « non pacifique », ce que nous verrons plus loin dans les questions du rapport.

• Non-protection de l’inviolabilité du domicile

Le rapport indique que « deux marches étaient organisées pour les femmes en noir, l’une la nuit et l’autre pendant la journée, demandant « d’arrêter les perquisitions aux domiciles » et appelant au « respect du caractère inviolable du domicile » et à la libération des détenus et à la satisfaction des revendications. Ce paragraphe contient une violation grave, une violation qui affecte les accords internationaux, en particulier le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et la Constitution de 2011.

Cependant, l’auteur du rapport s’est concentré uniquement sur la forme de la manifestation en la qualifiant de « robe noire », tandis qu’il a complètement ignoré dans toutes les pages du rapport de s’assurer si « les domiciles ont été pris d’assaut ? et s’il a été porté atteinte à l’inviolabilité du domicile ? Ces éléments ont été sérieusement ignorés, ce qui mine la crédibilité l’intégralité du rapport, en raison de ces violations graves.

Nous revenons ici au Comité contre la torture, qui considère que la perquisition aux domiciles, des bureaux et des actes d’intimidation constitue « des actes de représailles graves, et que le fait de ne fournir aucune information sur une enquête sur de telles allégations suscite des inquiétudes » (Rapport de la 74eme session , 24 novembre 2011, paragraphe 35).

Revenant aux rapports des organisations de défense des droits de l’homme qui ont visité la région, des dizaines d’associations ont acquis la certitude des assauts des domiciles et violé le caractère inviolable des domiciles. Mieux, l’ancien ministre de la Justice a déclaré dans une interview portant sur les droits de l’homme qu’il avait appelé le ministre de l’Intérieur pour ??? les « domiciles pris d’assaut et la réparation des portes », et que la même question avait été soulevée au Parlement dans le cadre d’une question spontanée en date de 11 juillet 2017.

Par conséquent, cette violation est grave et il aurait dû eu avoir une enquête et des responsabilités.

• Les émeutes et la violence aiguë

Le rapport a utilisé le terme « émeutes », car il affirmait dans l’introduction que « Le concept de protestations d’Al Hoceima, tel qu’il est utilité dans ce rapport, se manifeste dans des réunions, regroupements, manifestations pacifiques ou protestations qui étaient connues pour être violentes. Le rapport va appeler certaines d’entre elles « émeutes » en raison de la violence aiguë qu’elles représentaient »

Cependant, le long du corps du rapport, le terme « violence aiguë » a été utilisé, car il a évoqué le terme « émeutes » cinq fois en échange de 11 fois de « violence aiguë », ce qui indique que l’auteur du rapport n’a pas établi de lignes de démarcation entre les « émeutes » en tant que concept précis et le concept de « violence aiguë » qui une autre signification.

• Le «rabaissement» du droit à la vie

Le droit à la vie est considéré comme le premier droit défendu par le défenseur des droits humains, comme la base du reste des droits, et sa violation exige beaucoup de temps et de sérieux, mais le rapport qui a abordé la mort tragique de feu Mohcine FIKRI avec disparité a décrit la question comme « l’incident de la benne[ à ordures]», et en moins de quelques-uns selon les propos qu’il a tenus sur la mort de feu Imad AL ATTABI, « M. Imad AL ATTABI a été blessé par des éclats d’une balle qui ont percuté le sol ».

La violation du droit à la vie de Mohcine FIKRI et Imad AL ATTABI aurait dû occuper une grande partie du rapport pour clarifier les circonstances du décès et définir les responsabilités avec l’arrangement des sanctions à tous les niveaux de la décision de sécurité, d’autant plus que le rapport note avec certitude que les forces de sécurité ont utilisé des balles face aux manifestants, ce qui impose aux auteurs du rapport de répondre à la question de la proportionnalité, qui est de savoir si la force et les balles utilisées sont proportionnelles à la taille de la manifestation? Telles sont les questions légitimes qui ont été mentionnées dans la déclaration du procureur général du roi selon laquelle « le procureur général du Tribunal de première instance d’Al Hoceima avait précédemment chargé la police judiciaire de Casablanca de mener une enquête approfondie sur l’incident, en vue de révéler les circonstances et les causes du décès, et en spécifiant les responsabilités pour qu’elles en déterminent les implications juridiques».

Quant à évoquer que « le cas d’un décès qui peut être décrit, dans les circonstances de son occurrence, comme un processus de légitime défense » cela relève d’une dissimulation pour un meurtre.

Le cas de la mort de M. Abdelhafid HADDAD n’a pas été du tout évoqué dans le rapport, notant qu’elle s’est produite dans le contexte général du HIRAK DU RIF, sa mort demeure non élucidée, car certaines personnes n’étaient pas convaincues d’informer le procureur du roi pour cause d’asthme ?

• Pacifiques et non pacifiques

Le rapport a indiqué à plusieurs reprises que les manifestations se sont déroulées de manière pacifique jusqu’en mars 2017, mais en même temps, il évoque des « premiers accrochages entre manifestants et forces publiques ont eu lieu le 5 janvier 2017 » et « depuis les accrochages du 6 février qui ont vu 54 blessés ». Ainsi, est-ce que les affrontements, selon le rapport, qui ont eu lieu en janvier et février, n’incluaient-ils pas de violence ? Ou est-ce que, selon le rapport, voudrait il suggérer que la violence pratiquée par les manifestants a commencé de manière systématique et organisé à partir de mois de mars ? Ou le but des auteurs du rapport est-il dans son parti pris politique de noter que la violence est liée à la formation du gouvernement ? Surtout si nous savons que le remerciement d’Abdelilah BENKIRANE a eu lieu le 16 mars 2017 et que le rapport a noté de manière directe « que les manifestations d’Al Hoceima, qui sont intervenues dans un contexte unique, se reflètent dans des difficultés rencontrées dans la formation du gouvernement. »

La détermination du mois de mars comme un tournant dans les manifestations soulève plus qu’un point d’interrogation pour les auteurs du rapport, car la détermination de cette date n’est basée sur aucun argument scientifique ou humain, et suggère qu’il y a des considérations politiques

• Des considérations « politiciennes » dans le rapport

Le rapport a évoqué plusieurs considérations inutiles, et qu’elles ont été présentées de manière non scientifique et subjective, par exemple, « Les émeutes et les protestations de nature violente ont manqué l’occasion de dialoguer sur les revendications pour repérer les projets de développement et faire face à la faiblesse du taux de la scolarisation, au chômage élevé et pour le développement d’Al Hoceima sur les plans économique, social et culturel. » Les auteurs du rapport peuvent-ils prédire le sort de la situation sociale et de développement ? Cette estimation peut-elle être mesurée dans le cas d’autres villes marocaines qui ont entamé un dialogue avec l’autorité, mais n’ont pas eu connaissance de projets de développement ou de relance économique ? N’est-il pas de la responsabilité du Conseil de vérifier pourquoi ces droits économiques et sociaux n’ont pas été réalisés ? De même, « l’opportunité manquée » ne constitue-t-elle pas des représailles contre l’ensemble de la population d’Al Hoceima?.

Le rapport indique également que les revendications « n’ont pas été présentées d’une facon sporadique ou d’une manière progressive, selon des priorités, elles étaient croissantes et sans hiérarchisation » et qu’elles ont été « présentées comme un bloc unique et d’une manière progressive, pouvant constituer une expression de la volonté de ne pas avancer vers une solution, et de miser sur l’escalade, ce qui a entravé le dialogue sur leur réalisation » Pour poser à nouveau des questions sur les auteurs du rapport, le Conseil a-t-il le droit d’exercer un magistère sur les manifestants dans leurs revendications? Quelqu’un d’autre a-t-il le droit d’imposer aux manifestants le cahier de leurs revendications ? L’État ne porte-t-il pas également sa responsabilité pour « l’indifférence » et pour ne pas avoir pris au sérieux les revendications ? Quelle est la base pour mesurer le « désir de ne pas aller vers une solution » ? Si les revendications sont légitimes, personne n’a le droit de fixer leur forme et leurs règles.

Affirmer que «la crise de la représentativité et les effets de la polarisation que connait le champ politique marocain, [avait] des effets négatifs enchevêtrés, qui ont d’abord conduit à la montée du populisme puis à l’extrémisme rampant des régions périphériques dont l’intégration politique et économique reste limitée» demeure la meilleure preuve de la nature politique des appréciations et loin d’être une approche basée sur les droits de l’homme.

• Manifestations et les contre-manifestations

Bizarrement, le rapport fait référence à des « contre-manifestations », qui constitue également un droit de l’homme : « Ce droit comprend un large éventail de regroupements, y compris des rassemblements politiques, économiques, artistiques et sociaux. Le droit s’étend également aux contre-manifestations, malgré que les États soient tenus de veiller à ce que les contre-manifestations ne violent pas le droit d’autrui de se regrouper, et ils sont également tenus de protéger les manifestants contre toute action « provocatrice » de tout élément « qui pourrait entraver la tenue d’un rassemblement ».

Si nous dépassons cette indication théorique convenue au niveau international, son apparition dans le rapport n’existe pas du tout, et la raison de s’y référer n’est pas connue, et comme cela a été mentionné, les auteurs du rapport auraient dû faire référence aux contre-manifestations violentes auxquelles les jeunes du mouvement rifain ont été confrontés, et ils n’étaient pas protégés mais ils ont subi des attaques sous les yeux des agents de la police avec une « protection spéciale » pour les agresseurs.

Nous rappelons deux faits parmi des dizaines de faits non couverts par le rapport, le premier à Nador le 25 décembre 2016, où des matraques et des violences verbales et physiques ont été utilisés contre les manifestants par d’autres manifestants, scandant le mot d’ordre « préservation de la stabilité du Maroc», et le second à Ayt Bouferrah le 4 mai 2017, en plus des dizaines de vidéos publiées incitant à « tuer » et menacer les manifestants.

Tant que le rapport évoquait les contre-manifestations et de la protection des manifestants, pourquoi n’a-t-il abordé aucune situation ? Il a plutôt laissé ce paragraphe dans le rapport

• Conclusion

Nous concluons cet article par un résumé selon lequel le rapport du Mme. Amina BOUAYACH est un rapport hautement politisé, et reflète la thèse officielle et l’approche sécuritaire, et que parmi des centaines de faits et d’événements, seuls les procès-verbaux de la police judiciaire et les déclarations des agents des force de sécurité ont été pris en considération, et plusieurs faits importants dans ce qui s’est passé ont été ignorés, par exemple, aucune communication n’a été abordée, par exemple, au sujet des partis politique de la majorité qui ont signé l’acte d’accusation de séparatisme à l’encontre des manifestants, ni la divulgation et la publication de la vidéo de ZEFZAFI dénudé, qui est considérée dans la législation internationale comme une violation de sa vie privée et un traitement dégradant et portant atteinte à sa dignité, ce qui équivaut à une torture psychologique.

Traduit de l’arabe par R.O.

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