Malgré sa reconnaissance constitutionnelle, l’Etat marocain continue sa discrimination à l’encontre de la langue autochtone des Amazighs du Maroc

L’Assemblée Mondiale Amazighe a soumis un rapport parallèle au Comité pour l’élimination de la discrimination raciale (CERD) des Nations Unies sur les 19e, 20e et 21e rapports périodiques sur la mise en œuvre de la Convention Internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale par le Comité onusien compétent (Genève, novembre 2023).

Le rapport de la commission alternative amazighe a été publié sur le site de l’ONU sous le titre: « Malgré sa reconnaissance constitutionnelle, l’État marocain continue de discriminer la langue maternelle des Amazighs du Maroc« .

Rapport alternatif de l’Assemblée Mondiale Amazighe pour le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale (CERD) de l’ONU, concernant le 19ième à 21ième rapports périodiques de Comité pour l’élimination de la discrimination raciale (Genève, 21 Novembre 2023), ayant pour thème : « Malgré sa reconnaissance constitutionnelle, l’Etat marocain continue sa discrimination à l’encontre de la langue autochtone des Amazighs du Maroc ».

Introduction :

Lors de la soixante-dix-septième session de l’Examen des rapports présentés par les États parties, en l’occurrence le Maroc, conformément à l’article 9 de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, qui avait eu lieu à Genève de 2 à 27 août 2010, le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale a publié le 13 septembre 2010 les observations finales.

Dans son paragraphe n°11, le CERD souligne : « Le Comité prend note des renseignements fournis par l’État partie sur les mesures prises en vue de promouvoir la langue et la culture amazighes, notamment leur enseignement, ainsi que sur le renforcement des capacités de l’Institut royal de la culture amazighe. Le Comité est cependant préoccupé par le fait que la langue amazighe n’est toujours pas reconnue comme langue officielle dans la Constitution de l’État partie, et que certains Amazighs continuent d’être victimes de discrimination raciale, notamment dans l’accès à l’emploi et aux services de santé, surtout lorsqu’ils ne s’expriment pas en arabe (art. 5).

Le Comité recommande à l’État partie d’intensifier ses efforts en vue de promouvoir la langue et la culture amazighes, notamment par leur enseignement, et de prendre les mesures nécessaires pour veiller à ce que les Amazighs ne soient victimes d’aucune forme de discrimination raciale, notamment dans l’accès à l’emploi et aux services de santé. Il encourage également l’État partie à envisager de faire inscrire la langue amazighe comme langue officielle dans sa Constitution, et à assurer également l’alphabétisation des Amazighs dans leur langue. Le Comité recommande enfin que l’État partie, dans le cadre de la Commission consultative de régionalisation, mette particulièrement l’accent sur le développement des régions habitées par les Amazighs. ».

Points positifs :

A propos de ces recommandations de CERD du 2010, la langue amazighe a connu de grands et palpables progrès au Royaume du Maroc, depuis le discours du chef de l’Etat, Sa Majesté Le Roi Mohamed VI, à Ajdir le 17 octobre 2001 et la création de l’Institut Royal de la Culture Amazighe (IRCAM) la même année.

La langue amazighe a compté avec l’approbation royale pour l’adoption de son alphabet Tifinagh pour son écriture, le 10 février 2003, et son intégration dans l’éducation nationale, même si elle était limitée juste à 300 écoles en 2003.

Cependant, le fait le plus marquant, et qui répond positivement à l’une des principales recommandation de CERD, c’est sa reconnaissance constitutionnelle au sein de la réforme de la loi suprême de l’Etat, le premier juillet 2011, et la promulgation, après un retard de huit ans, de la loi organique N° 26.16, concernant les étapes de l’activation du caractère officiel de l’amazigh et sur la manière de l’intégrer dans le domaine de l’éducation et des domaines prioritaires de la vie publique, adoptée par les deux chambres du parlement en 2019 (Dahir n° 1-19-121 du 12 moharrem 1441/12 septembre 2019).

Autres points positifs, la création de la télévision TAMAZIGHT-TV8 en mars 2010, le recrutement du ministère de la justice d’une soixantaine d’interprètes pour servir comme des intermédiaires linguistiques entre les justiciables amazighophones et les juges au sein de certains tribunaux et le recrutement d’une douzaine de personnes pour l’interprétariat des deux chambres du parlement.

Points négatifs :

Malgré le fait que la promotion compte avec la volonté et les directives royales, que Sa Majesté Le Roi Mohamed VI a réaffirmé, à l’occasion de la décision de reconnaissance du nouvel an amazigh, le 3 mai dernier, en affirmant que: « l’Amazighe en tant que composante essentielle de l’identité marocaine authentique riche par la pluralité de ses affluents et patrimoine commun à tous les Marocains sans exception », et malgré le fait que le dossier amazigh compte avec la volonté politique de l’actuel chef du gouvernement, M. Aziz Akhennouch, exprimée lors de son discours d’ouverture au parlement et de son programme gouvernemental où il insistait sur l’indispensable promotion de l’amazighité et de l’accompagner avec la dotation d’un budget conséquent, la langue autochtone des Amazighs du Maroc, pourtant officielle, continue, malheureusement, à être objet d’une « incompréhensible », « répétitif » et « intolérable » discrimination raciale de la part de plusieurs responsables et institutions gouvernementaux.

A leur tête, le ministère de l’Education Nationale, de Préscolaire et des Sports qui l’a exclu complètement de l’éducation préscolaire, et qui bloque sa généralisation au primaire. Vingt ans depuis son introduction à l’école, la langue amazighe n’est même pas arrivé à couvrir 10% des élèves du cycle primaire (voir annexe 1).

Ce dernier ministère, à côté du ministère des Affaires Etrangères, de la Coopération et des Marocains résidant à l’étranger (MRE), de la Fondation Hassan II pour les MRE et le Conseil de la Communauté Marocaine à l’Etranger (CCME) ne veulent pas de tout inclure la langue amazighe de la grande majorité des communautés émigrées en Europe dans les programmes éducatifs offerts à la communauté marocaine résidente à l’étranger (annexe 2).

La banque nationale du pays, BANK AL-MAGHRIB et son président-wali Abdellatif JOUAHRI, s’obstinent à priver l’intégration de la langue amazighe au sein des données des pièces de monnaie et de billets nationales (annexe 3).

De même, le ministère des affaires religieuses et islamiques et l’Agence Nationale de Lutte contre l’Analphabétisme continuent à pratiquer la politique de discrimination totale à l’encontre de la langue Amazighe au sein des campagnes nationales d’alphabétisation des adultes (annexe 4).

Sans oublier le jeune ministre Mohamed Mehdi Bensaïd, ministre de la Communication, de la culture et de la jeunesse qui n’a pris aucune mesure contre la discrimination raciale à l’encontre de la presse amazighe (annexe 5). Et il ne fait rien pour appeler à l’ordre la société SOREAD-2M qui viole complètement l’article 14 de la loi organique qui stipule clairement que : « il est tenu compte du critère d’utilisation de la langue amazighe parmi ceux retenus pour la distribution des subventions publiques destinées aux productions audiovisuelles, y compris les films cinématographiques et téléfilms et les autres œuvres artistiques, ainsi qu’à la presse écrite et électronique ».

Par ailleurs, la majorité des départements gouvernementaux n’ont pas encore œuvré pour mettre pleinement en œuvre les exigences de l’article 28 de la loi organique précitée, qui stipule que la signalisation des différents moyens de transport assurant le service public ou appartenant à des services publics, devra être rédigée en langue amazighe, à côté de la langue arabe. Les véhicules et transports utilisés par les services publics, notamment ceux chargés de la sécurité nationale (Police), la Gendarmerie Royale, la protection civile, les forces auxiliaires, l’armée, les ambulances, ainsi que les avions, les trains et navires immatriculés au Maroc.

En définitive, notre principale recommandation c’est de demander aux différents ministères, départements gouvernementales et institutions nationales de Royaume du Maroc de respecter la volonté et les directives royales en ce qui concerne la promotion de l’amazighité, de respecter la Constitution, en l’occurrence son article 5 et d’appliquer sur le terrain le contenu des articles de la loi organique N° 26.16, concernant les étapes de l’activation du caractère officiel de la langue autochtone amazigh (annexe 6).

NOTES :

Annexe 1:

https://amamazigh.org/2023/09/generalisation-de-la-langue-amazighe-lassemblee-mondiale-amazighe-proteste-contre-la-politique-discriminatoire-du-ministre-chakib-benmoussa/

Annexe 2 :

https://amadalamazigh.press.ma/fr/journee-nationale-de-migrant-discrimination-persistante-a-lencontre-des-amazighs-de-la-communaute-marocaine-residente-a-letranger/

 Annexe 3 :

https://amadalamazigh.press.ma/fr/lassemblee-mondiale-amazighe-interpelle-le-wali-de-bank-al-maghrib-sur-lexclusion-de-la-langue-amazighe/

Annexe 4 :

http://amamazigh.org/2023/11/les-amazighs-denoncent-la-discrimination-a-lencontre-de-la-langue-amazighe-dans-les-campagnes-dalphabetisation-des-adultes-au-maroc/

Annexe 5 :

https://amadalamazigh.press.ma/fr/lettre-ouverte-de-rachid-raha-au-ministre-de-la-communication-denoncant-la-discrimination-raciale-a-lencontre-de-la-presse-amazighe/

Annexe 6 :

https://adala.justice.gov.ma/reference/adala_v2/ar/3627b6a0-04cc-4758-8357-7ce4570d4b7f.pdf

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