Rachid Raha dénonce le silence et la complicité de «TEL QUEL» sur les crimes contre l’humanité du protectorat hispano-français au Maroc

Normalement, j’ai arrêté d’acheter la revue hebdomadaire francophone « TEL QUEL », comme pas mal de revues de presse marocaine, écrites en arabe et en français, du fait de leur obstination de continuer à afficher leur attitude discriminatoire à l’encontre de l’amazighité, et que nous avons déjà dénoncé auparavant ( http://amadalamazigh.press.ma/fr/discrimination-raciale-du-cnp-et-de-la-presse-marocaine-a-lencontre-desamazighs-et-de-leur-presse/ ).

Exception faite à cause de dernier numéro n°933 du 25 décembre au 7 janvier 2021, dont le dossier abordé, qui s’accapare de la Une et comportant 16 pages, s’affiche avec un titre évocateur : « Colonialisme : la face obscure du protectorat ».

En lisant avec une particulière attention ce dit dossier, ma déception fut énorme du fait que la rédaction de « TEL QUEL » n’a dédié aucun mot de ce qui était vraiment la face obscure du protectorat, à savoir, l’utilisation des armes chimiques de destruction massive par les armées coloniales espagnoles et françaises contre les populations civiles de la région du Rif. Et cela, en étant aux portes de la commémoration du centenaire de la fameuse bataille d’Anoual, en juillet 2021 !

Le seul texte faisant référence à ce chapitre obscure de l’histoire c’est la déclaration de l’historien Daniel Rivet, en parlant du maréchal Lyautey : « Il n’y qu’à le comparer avec Pétain qui écrasera les Rifains sous un déluge de feux d’artillerie lourde et d’intenses bombardements aériens ». Pire, le chercheur marocain Driss Ksikes affirme que : « J’ai du mal à prendre au sérieux les propos d’Emmanuel Macron» alors que le président français, comme son prédécesseur, le président François Hollande et le roi d’Espagne, M. Felipe VI, ont eu le courage et le privilège de prendre vraiment au sérieux ce sujet en répondant aux courriers de notre ONG, l’Assemblée Mondiale Amazighe, à propos de l’utilisation des armes chimiques prohibés par les traités internationaux, de la  part des armées coloniales espagnoles et françaises à l’encontre des populations civiles rifaines durant la Guerre du Rif de 1921 à 1927.

Malheureusement, « TEL QUEL » et l’écrasante majorité de la presse marocaine ont passé sous silence et que nous lui rappelons que récemment: « À travers le commissaire en chef de 1ère classe, M. Jean Le Roch, de l’ Etat-Major Particulier de la Présidence de la République, en réponse à l’Assemblée Mondiale Amazighe qui avait envoyé un courrier à l’occasion de la 99-ième anniversaire de la bataille d’Anoual, le 21 juillet dernier, avait souligné que: «Le Président de la République a bien reçu la correspondance par laquelle  vous demandez, en faveur des héritiers des victimes de la guerre du Rif (1921-1926), la réparation des préjudices subis dans le cadre de l’utilisation d’armes chimiques contre la population civile. Le chef de l’Etat m’a confié le soin de vous assurer de la meilleure attention avec laquelle il a pris connaissance de votre courrier et les préoccupations qui motivent votre démarche. Le sujet délicat que vous évoquez relève des compétences confiées à madame la Ministre déléguée auprès de la Ministre des armées, chargée de la mémoire et des anciens combattants, vers laquelle je n’ai pas manqué de relayer votre demande afin qu’elle soit examinée avec soin. Ses services ne manqueront pas de vous faire directement savoir la suite susceptible de lui être réservée».

Messieurs les responsables de « TEL QUEL », le fait de passer sous silence ces graves crimes contre l’humanité, qui est à l’origine de la décision de reddition de notre grand héros Mohamed Abdelkrim El Khattabi, le 26 mai 2026, c’est comme si vous affichez, non pas seulement une discrimination raciale à l’encontre des Amazighs rifains, sinon une complicité notoire contre ces crimes, qu’il ne faut absolument pas qu’ils  restent sans reconnaissance et sans réparations de la part des anciennes puissances coloniales, à savoir le Royaume d’Espagne et la République de France.

En définitive, et on ne sait pas si vous avez du courage de publier notre mise à jour, je tiens à vous rappeler de nouveau le contenu de notre dernière correspondance envoyée au président français :

A Son Excellence M. Emmanuel MACRON, Président de la République Française,

A l’occasion de la 99ème anniversaire de la fameuse bataille d’Anoual, nous venons attirer de nouveau votre attention sur le grand préjudice non résolue impliquant immanquablement la responsabilité de la République française dans l’utilisation des armes chimiques contre les populations civiles du Grand Rif marocain pendant la Guerre du Rif de 1921-1927.

Nous nous rappelons bien que lors de votre déplacement en Algérie en février 2017, vous avez eu le courage d’affirmer que : «  la colonisation est un crime. C’est un crime contre l’humanité. C’est une vraie barbarie, et ça fait partie de ce passé que nous devons regarder en face en présentant aussi nos excuses à l’égard de celles et ceux vers lesquels nous avons commis ces gestes». Des mots très forts qui se sont accompagnés par votre louable décision de restituer, récemment 24 crânes de résistants algériens décapités au XIXème siècle. De même, nous saluons les plus profonds regrets pour les blessures infligées lors de la période coloniale belge au Congo (l’actuelle RDC) du roi Philippe de Belgique.

Mais ce que nous aimerions bien vous rappeler c’est que les forces coloniales françaises, en coordination avec les forces militaires espagnoles ont procédé à l’utilisation des armes chimiques contre les populations civiles du Grand Rif, pendant la Guerre du Rif, entre 1921 à 1927, quand le Maréchal Philippe PETAIN avait été chargé par la République française de réprimer la révolution des tribus rifaines, dirigé par notre héros libérateur Mohamed ABDELKRIM EL KHATTABI, entre 1924 jusqu’au 1927 (*).

A propos de ce dossier, nous avons eu l’occasion d’interpeller à deux reprises l’ex-président François HOLLANDE en ces termes: « Je vous rappelle que la France s’est retrouvée, au début du siècle passé, responsable d’un protectorat sur le Maroc, (Ex-Empire chérifien marocain). En vertu de ce protectorat, la France était censée assurer la protection du Maroc dans ses frontières authentiques. Or, il s’en est suivi un dépeçage, une partition et une pseudo « pacification » par les armes et le sang. En tant que « nation civilisée », la France était tenue par le droit coutumier et conventionnel de la guerre de protéger, notamment, la population civile et de ne pas se rendre complice ou utiliser elle-même contre cette même population sans défense et non combattante des armes prohibées. Or, les documents, archives et études témoignent de ce que, dans un premier temps,  la France s’est rendu complice de l’Espagne à laquelle elle a vendu des armes chimiques de destruction massive avant de les utiliser elle-même contre les rifains (population du nord du Maroc), lors de la guerre de libération conduite par le président Mohamed Abdelkrim El Khattabi. La guerre chimique contre le Grand Rif est non seulement une violation des règles les plus élémentaires du droit de la guerre mais de surcroît et encore plus grave les héritiers des victimes d’hier continuent de souffrir aujourd’hui encore. En effet, de nombreuses études génétiques d’experts confirmés démontrent et témoignent des effets mutagènes et cancérigènes des armes utilisées : l’ypérite ou gaz moutarde, le phosgène, le disphosgène et la chloropicrine »(**).

Le mercredi 27 janvier 2016/2966 à Paris, j’ai déposé personnellement une autre lettre au Palais de l’Elysée en rappelant de nouveau à votre ex-président en ces termes : « A l’aimable attention de Monsieur François Hollande, Président de la République française. Par lettre citée en référence (PDR/SCP/BEAR/D026495), nous vous avions saisi au sujet de l’objet visé en marge. En date du 7 avril 2015, vous avez bien voulu nous répondre par le biais de votre cabinet en nous précisant que vous aviez pris connaissance avec la meilleure attention de notre courrier quant à la réparation des préjudices consécutifs à l’emploi des armes chimiques de destruction massive contre les populations civiles du Rif, lors de la guerre du même nom entre 1921 et 1926, et qu’il avait été transmis au secrétaire d’Etat chargé des anciens combattants et de la mémoire, auprès du ministre de la défense, qui nous tiendrait informés de la suite qui pourra lui être réservée ». Or, depuis et à ce jour, on n’a malheureusement reçu aucune suite à cette affaire.

Notes :

(*)- https://amadalamazigh.press.ma/fr/le-role-et-la-responsabilite-de-la-france-dans-lutilisation-des-armes-chimiques-contre-le-rif/

(**)- https://amamazigh.org/2016/01/les-amazighs-interpellent-une-derniere-fois-lelysee-a-propos-de-la-guerre-chimique-contre-le-rif/ .

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