Rachid RAHA interpelle Habib EL MALKI sur la reforme de l’école Marocaine

A l’aimable attention de Mass Amghar Habib EL MALKI,
Président du Conseil Supérieur de l’Education, de la Formation et de la Recherche Scientifique (CSEFRS)

Objet : LE RAPPORT ENTRE LA PAUVRETÉ ET L’IGNORANCE DE LA LANGUE AUTOCHTONE AMAZIGHE AU MAROC

Monsieur Le Président,

A l’occasion de la Journée internationale de l’Education, nous avons le plaisir de vous adresser ce courrier afin d’appeler votre attention sur l’importance capitale de la langue maternelle au sein de l’éducation préscolaire et primaire et que le ministre marocain de l’Education nationale infra-valorise bizarrement et injustement. Et nous profitons aussi de cette occasion pour vous faire parvenir notre rapport intitulée « le rapport entre la pauvreté et l’ignorance de la langue autochtone amazighe au Maroc » pour mettre en relief l’étroite relation entre la langue autochtone et le développement humain, en prenant le cas concret du notre Royaume du Maroc et de l’échec de sa «politique éducative d’arabisation».

En effet, Monsieur Antonio GUTERRES, secrétaire général des Nations Unies, vient de souligner, à l’occasion de cette journée mondiale, que : « L’éducation est un droit humain fondamental. Elle est le fondement des sociétés, des économies et du potentiel de chaque personne. Mais en l’absence d’investissements suffisants, ce potentiel finira par s’étioler. J’ai toujours trouvé choquant que l’éducation ne soit pas considérée comme une priorité dans de nombreuses politiques gouvernementales ni dans les instruments de coopération internationale». Il a jouté que: «Il est temps également de mettre fin à toutes les lois et pratiques discriminatoires qui entravent l’accès à l’éducation».

Dans ce sens, il faut mettre un terme à la flagrante discrimination de l’enseignement de la langue autochtone amazighe dans la nouvelle Feuille de route 2022-2026 du ministre Chakib BENMOUSSA, pourtant officielle depuis 2011, et de son obstination à limiter son enseignement à moins de 10% des élèves des classes du cycle primaire, alors qu’après 20 ans de son introduction à l’école public sous votre propre impulsion lorsque vous étiez à la tête de ce ministère, elle devait être déjà généralisée à 100% au primaire et au secondaire !

Monsieur Le Président,

Lors du votre allocution au deuxième mandat du CSEFRS, organisé le 13 décembre dernier à Rabat, vous avez présenté la feuille de route de l’action du Conseil, qui prend en considération l’ampleur des enjeux que Sa Majesté le Roi Mohammed VI place en la confiance de votre personne et du votre nouvelle équipe pour promouvoir, pour de bon, l’école marocaine et rehausser la qualité du notre système éducatif, loin de toute considération idéologique et que les langues d’enseignement soient prises en priorité pour l’exécution de votre réforme du système éducatif que vous avez l’honneur d’exposer.

Monsieur Chakib BENMOUSSA avait rappelé, à ladite rencontre, les chiffres sombres et alarmants concernant le niveau scolaire des élèves, en affirmant que près de 77% des élèves du primaire sont incapables de lire un simple texte en arabe de 80 mots et que plus de 300 000 élèves abandonnent l’école chaque année. Ce dernier ne voudrait guère admettre ce que le linguiste français Alain Bentolila avait parfaitement souligné en 2019 que : « les systèmes éducatifs de certains pays, aussi coûteux qu’ils soient, sont devenus des machines à fabriquer de l’analphabétisme et de l’échec scolaire parce qu’ils n’ont jamais su (ou voulu) résoudre la question qui les détruit : celle du choix de la langue d’enseignement. Ils conduisent des élèves à des échecs cruels parce que l’école les a accueillis dans une langue que leurs mères ne leur ont pas apprise et c’est pour un enfant une violence intolérable et que sur la base solide de leur langue maternelle qu’on leur donnera une chance d’accéder à la lecture et à l’écriture et que l’on pourra ensuite construire un apprentissage ambitieux des langues officielles ».

Malheureusement le ministre BENMOUSSA, qui s’entête à ne pas prendre au sérieux ni se soucier guère à répondre à nos trois correspondances (1,2 et 3) à propos de nos légitimes propositions pour améliorer le système éducatif, le voici en train de remettre dangereusement en question l’enseignement de la langue amazighe et de sa graphie « Tifinagh » durant la table ronde organisé par son parti du Rassemblement National des Indépendants (RNI) à l’occasion de la célébration du nouvel an amazigh 2973, le 12 janvier dernier, et où il a maladroitement déclaré que cet enseignement nécessite des recherches et qu’il est difficile pour l’enfant marocain d’apprendre trois alphabets à la fois, à savoir le latin, l’arabe et le tifinagh, affirmant qu’il n’existe aucun système éducatif où les enfants apprennent des langues avec trois alphabets différents !!! Des propos qui vont tout à fait à l’encontre de ses propres et précédentes déclarations lorsqu’il a visité l’école Medersat.com, de réseau de la Fondation BMCE Bank à la localité casablancaise de Bouskoura, le 21 janvier 2022, et où on enseigne trois langues en même temps et avec des graphies totalement différentes et où les taux d’acquisition de lecture et de l’écriture dépasse les 77%. Il avait manifesté sur sa propre page Facebook que : « ce réseau se distingue par rapport aux autres fondations par l’importance accordée à l’enseignement des langues, en particulier la langue amazighe, notant que comme on peut le constater dans cette école qui ne se situe pas dans une région amazighophone, la langue amazighe est enseignée depuis le préscolaire jusqu’à la 6e année du primaire ». Il a ajouté que : « l’amazigh est enseigné en tant que langue parlée et écrite et simultanément avec la maîtrise de la langue arabe et de la langue française, relevant qu’il s’agit d’une expérience extrêmement importante pour l’ensemble du système éducatif au Maroc qui montre de ce que cette dynamique est possible lorsque les conditions sont réunies (4) ».

Son prédécesseur M. Said AMZAZI avait souligné le 12 décembre 2018, que : « (…). La Fondation BMCE Bank est un partenaire institutionnel du Ministère de l’Education, avec lequel nous collaborons avec la plus grande fierté. C’est une institution qui a su s’imposer d’elle-même, …par l’intelligence et le bien fondé de ses approches. Car sans intelligence, même avec la meilleure volonté du monde, l’action sociale reste peu féconde… Intelligence d’avoir ciblé l’enseignement préscolaire, fenêtre d’apprentissage unique et déterminante, dont les retombées positives, nous le savons aujourd’hui, s’exprimeront jusqu’à l’âge adulte. Déjà en son temps, Sigmund Freud, le père de la psychanalyse nous disait « C’est l’éducation reçue dans la première enfance qui laisse la plus profonde empreinte »… Intelligence d’avoir valorisé la langue et la culture berbères (Amazighes), afin tout d’abord de s’adresser aux jeunes enfants qui quittent le giron familial dans leur langue maternelle, mais aussi parce que cette langue fait partie intégrante de notre identité et qu’il est bon, tout simplement, que nos enfants prennent pleinement conscience de toutes les composantes qui ont construit l’identité marocaine ».

Monsieur Le Président,

Cette extraordinaire expérience «MADE IN MOROCCO», vous la connaissez parfaitement déjà depuis 2004 lorsque la Fondation de BANK OF AFRICA avait inauguré une école de Medersat.com à Aouid El Mae, à 35 Km de votre ville de Boujaâd, et lorsque vous dirigiez ce département ministériel. No obstat, nous n’oublierons jamais votre courageuse et pertinente déclaration au mensuel «Le Monde Amazigh» n°37 de septembre 2003 lorsque vous avez manifesté que : « ليس من مصلحة احد ان نفشل في ارساء مشروع تدريس اللغة الامازيغية في الميدان التربوي، وليس لدينا اختيار اخر غير انجاح هذا المشروع » c’est-à-dire « Il n’est dans l’intérêt de personne que nous échouions à implanter le projet de l’enseignement de la langue amazighe dans le domaine éducatif, et nous n’avons d’autre choix que de réussir ce projet».

En définitive, notre requête c’est de vous demander d’interpeller le ministre marocain pour le conseiller d’être réaliste, pragmatique, d’aller dans le bon sens et que votre Conseil lui propose d’entamer une politique volontariste contre cette discrimination raciale à l’encontre de la langue officielle, nationale et maternelle qu’est la langue amazighe, s’il voudrait que les objectifs de sa réforme de la nouvelle Feuille de route 2022-2026 soient gratifiés par des résultats vraiment positifs. Et par conséquent de travailler en faveur de ce chantier prioritaire qu’est l’urgente généralisation de l’enseignement de la langue amazighe au préscolaire et au primaire, et de la doter des moyens humains et financiers, dans l’attente de l’étendre pour le secondaire.

En vous souhaitons une bonne et heureuse année amazighe 2973, je vous prie d’agréer, Mass Amghar Habib EL MALKI, mes salutations les plus distinguées.

Par Rachid RAHA, Président de l’Assemblée Mondiale Amazighe

NOTES :

(1)- https://amadalamazigh.press.ma/fr/lassemblee-mondiale-amazighe-interpelle-le-ministre-chakib-benmoussa-sur-le-comment-assurer-un-meilleur-depart-pour-leducation-de-la-petite-enfance-au-maroc/
(2)- https://amadalamazigh.press.ma/fr/des-ong-amazighs-interpellent-le-ministre-marocain-de-leducation-nationale-sur-les-motifs-dexclusion-de-lenseignement-de-la-langue-officielle-amazighe-aux-enfants-des-mre/
(3)- https://amadalamazigh.press.ma/fr/lassemblee-mondiale-amazighe-interpelle-le-ministre-chakib-benmoussa-sur-le-comment-assurer-un-meilleur-depart-pour-leducation-de-la-petite-enfance-au-maroc/
(4)- http://www.facebook.com/ChakibBenmoussaMinistre/posts/132826212578989

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