Raha demande la reconstruction de l’Union d’Afrique du Nord et le dénouement du drame libyen
A l’aimable attention de leurs excellences :
- M. Nasser BOURITA, Ministre des Affaires Etrangères, de la Coopération et des Marocains résidant à l’étranger – Royaume du Maroc ;
- M. Sabri BOUKADOUM, Ministre des Affaires Etrangères – République algérienne ;
- M. Sameh CHOUKRY, Ministre des Affaires Etrangères – République égyptienne ;
- M. Nourredine ERRAY, Ministre des Affaires Etrangères – République tunisienne ;
- M. Ismail OULD CHEIKH AHMED, Ministre des Affaires Etrangères, de la coopération et des Mauritaniens à l’Extérieur – République mauritanienne.
Objet : dénouement du drame libyen et reconstruction de l’Union d’Afrique du Nord en se basant sur le respect des droits des Amazighs
Excellences, Messieurs les Ministres,
Le lundi 25 mai 2020, journée internationale de la libération de l’Afrique, à l’exception de la Tunisie aucun pays d’Afrique du Nord ne l’a célébré. En cette occasion, nous avons pris l’initiative d’appeler votre attention sur deux questions essentielles, à savoir la guerre civile libyenne et la reconstruction de l’Union des Etats d’Afrique du Nord.
Nous savons que cette pandémie de coronavirus Covid-19 a fait et continue de faire des ravages, notamment, sur le plan sanitaire, économique et social. Après le dé-confinement et la récupération progressive socio-économique qu’impose l’Après Covid-19, nous sommes tous appeler à agir quant aux nouvelles politiques de développement humain et économique de l’Afrique du Nord.
En paraphrasant l’écrivain Tahar Ben Jelloun, la richesse de Tamazgha (l’Afrique du Nord), ce ne sont ni les hydrocarbures, ni les phosphates, ni le tourisme, ni la pêche, ni l’agriculture, mais son capital humain, ses hommes et ses femmes, mobilisés contre la pandémie du coronavirus, contre la famine et contre le sous-développement. Aujourd’hui plus que jamais est un moment historique pour nous tous de réfléchir et agir responsablement et positivement pour les relations Sud-Sud, où tout le monde gagne, pour une politique régionale de développement et pour la reconstruction de l’Union des Etats d’Afrique du Nord, sur de nouvelles bases, plus réalistes et plus pragmatiques, et qui se substituerait à la moribonde et impuissante Union du Maghreb « Arabe » (UMA) ».
Cette nouvelle union devrait se baser plus sur une vision africaniste amazighe et moins sur des considérations idéologiques arabo-islamistes obsolètes que feu l’islamologue Mohamed Arkoun n’arrêtait pas de dénoncer[1]. Une nouvelle union régionale, à l’exemple de l’Union Européenne, qui se base sur l’histoire millénaire de ce continent qui puise ses origines dans la civilisation amazighe. Une union qui se reconstruirait en accord total avec la déclaration universelle des droits de l’homme du 10 décembre 1948, et qui respecterait la déclaration des Nations Unies des droits des peuples autochtones du 13 septembre 2007. Une union qui érigerait comme priorités les droits des femmes, la lutte contre toute forme de discrimination à leur encontre, le respect de la diversité ethnico-linguistique, la pluralité des croyances religieuses et le multipartisme. En définitive, une union qui se baserait sur des valeurs et les principes démocratiques. Si les européens se vantent de l’origine de la démocratie qui remonterait à la création de la ville grecque d’Athènes, vers 800 ans avant. J-C., nous, en tant qu’Africains, nous devons être aussi fiers de nos aïeuls qui ont eu le privilège d’être les pionniers dans l’invention de la « démocratie » dans la cité de Carthage, sous la reine Elisa Didon en 814 avant J-C.
Cette nouvelle union régionale devrait englober de l’ouest vers l’est les pays suivants : la Mauritanie, le Maroc, l’Algérie, la Tunisie, la Libye, l’Egypte et les pays Touareg du Sahel. Pour les reconstruire sur de nouvelles bases avec comme point de mire l’avenir et le bien-être des peuples concernés ; cette union ne devrait faire aucune discrimination de sexe entre l’homme et la femme, ni religieuse[2], ni linguistique. Une union qui devrait prendre en considération et mettre en place le système politique fédéral, en syntonie avec le « Manifeste de Tamazgha » basé sur le droit à l’autonomie des régions[3].
Un type de système fédéral qui réglerait la question du Sahara marocain occidental et les problèmes sociaux et politiques de la Kabylie et, surtout, qui freinerait et mettrait fin à la guerre civile libyenne. La création artificielle d’un état « arabe » en terre amazighe au sud du Maroc continue à envenimer les relations maroco-algériennes, même en période de la lutte contre le Covid-19. La création et la manipulation du Polisario a ruiné depuis 45 années les économies nationales de deux peuples frères, obligés à dédier des budgets colossaux à la folle course à l’achat de plus en plus d’armements au lieu de débourser en faveur du bien-être social de leurs Peuples. Un conflit artificiel qui condamne à la faillite leurs fragiles économies aggravées par la propagation du coronavirus, par la chute vertigineuse des prix de pétrole, par l’arrêt des activités industrielles, touristiques, commerciales et autres.
Ainsi, au lieu d’être les premiers pays à porter secours au peuple frère de Libye, les diplomates responsables de la république d’Algérie et du royaume du Maroc s’échangent des remords… Seule la Tunisie s’est dite profondément préoccupée par l’escalade de la violence en Libye, et en particulier l’intensification des attaques aveugles contre des civils, y compris le personnel médical et les établissements de santé. Elle a tenu à rappeler les obligations des belligérants en vertu du droit international humanitaire et les a appelés à garantir un accès sans entrave à l’aide humanitaire sur tout le territoire libyen. La Tunisie le souligne fort bien qu’il n’y a pas de solution militaire en Libye, en voulant pour preuve les neuf dernières années de conflit et leurs effets dévastateurs sur tous les aspects de la vie quotidienne des Libyens. La Tunisie a appelé toutes les parties concernées à s’engager immédiatement dans la trêve humanitaire et à mettre fin à toutes les opérations militaires, afin de permettre un cessez-le-feu durable et de créer des conditions propices à la reprise du processus politique et à la réconciliation nationale[4].
Tous les pays d’Afrique du Nord sont appelé à user de toute leur influence (Le Maroc et la Tunisie sur le gouvernement de Fayez Sirraj, l’Egypte et l’Algérie sur le général Khalifa Haftar et la Mauritanie sur les deux) pour obtenir des parties libyennes une désescalade des tensions et un cessez-le-feu immédiat, durable et pleinement respecté, en vue d’empêcher toute nouvelle détérioration de la situation et toute attaque contre les civils.
Plus que jamais vous êtes appelés et tenus, devant l’histoire, à l’union dans cette urgence afin de déployer vos efforts diplomatiques pour la relance d’un processus politique inclusif dirigé par les Libyens eux-mêmes, sur le dialogue et sur une véritable réconciliation nationale, respectant la souveraineté, l’indépendance, l’intégrité territoriale et l’unité territoriale de la Libye, à travers l’organisation d’élections législatives et présidentielles, après l’adoption d’une charte constitutionnelle. « Une constitution qui inclurait incontestablement la reconnaissance des langues et identités libyennes, dont la langue amazighe comme langue nationale et officielle, ainsi qu’un régime politique de type fédéral avec la représentation aux plus hautes instances du pouvoir des trois importantes régions de la Libye. Ainsi, par exemple, si le président élu serait originaire de la région de la Cyrénaïque, le chef de gouvernement et le président du parlement devraient être des autres régions, de la Tripolitaine et du l’Ouest-Sud (Nefussa-Fezzan) ». Vous avez le rôle et l’obligation de contribuer activement à la résolution du conflit libyen et stopper la nouvelle colonisation politico-militaire arabe des pays du Golfe d’un côté et ottomane de l’autre côté. Une occasion idoine pour reconstruction politique de ce grand espace territorial qu’est l’Afrique du Nord.
Veuillez agréer, Excellences, nos salutations les plus distinguées.
Rachid RAHA, Président de l’Assemblée Mondiale Amazighe
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[1] https://www.youtube.com/watch?v=M5IV6Y3S05g [2] Sans exclusion d’aucunes personnes : juifs marocains, coptes chrétiens égyptiens, musulmans ibadites tunisiens, nouveaux évangélistes kabyles, apostats mauritaniens, toubous animistes libyens… [3] http://amamazigh.org/wp-content/uploads/2018/10/AMA_MANIFESTE-DE-TAMAZGHA_5-langues.pdf [4] www.un.org/press/fr/2020/sc14190.doc.htm