Riposte Internationale dénonce la situation alarmante des droits humains en Algérie

Rapport sur les violations des Droits Humains en Algérie
Riposte INTERNATIONALE septembre 2022

Introduction

L’émergence du Hirak (2019)

Le Hirak est la qualification donnée par les Algériens à leur mouvement citoyen de contestation populaire du régime, né le 22 février 2019. Il était en gestation depuis des mois ; il a pris la forme d’un grand mouvement pacifique à travers tout le territoire national. Il a eu et a toujours pour leitmotiv

– Le rejet du 5ème mandat que l’ancien président, malade et impotent depuis des années, se préparait à briguer

Très vite la contestation pris des airs de révolte et de désobéissance.

– Le rejet du système de gouvernance ayant engendré cette situation d’impasse et de généralisation de la corruption.
– L’exigence d’un changement radical de politique, mettant ainsi fin à la rente politique, socle commun de dirigeants mus par la seule rente et le musellement de la société.
– La dénonciation de l’absence de perspectives dans un climat fait d’arbitraire, de forfaiture et d’abus
– Le respect des droits et libertés démocratiques.
– La tyrannie régentant toute la société, a mis sous coupe l’ensemble des droits humains, n’offrant ainsi que de brumeux horizons à une population avide de liberté.

Ce mouvement a rassemblé des millions d’Algérien-n-e-s dans des marches hebdomadaires du vendredi (jour de fin de semaine), organisées à travers presque toutes les grandes villes du pays. Parallèlement à ces marches du vendredi, des marches catégorielles étaient organisées à l’instar de celles du mardi qui rassemblaient la communauté universitaire, en majorité les étudiants.

La pandémie et la suspension des marches

Compte tenu de la propagation inquiétante de la pandémie de la Covid 19 et devant l’état désastreux du système de santé, contraint et forcé, le mouvement respectueux de la population, a mis fin à ses manifestation de rues pour s’investir dans des actions de solidarité envers les familles démunies touchées par la crise sanitaire (le couffin Covid) ainsi que dans la fabrication du gel hydroalcoolique (par exemple dans les laboratoires de l’université de Bab El Ezzouar, Alger et de l’Université de TiziOuzou ). D’autres actions ont permis la confection de masques pour approvisionner les hôpitaux .Une des actions les plus importantes étant la recherche de conditionneurs d’oxygène et la recharge des bouteilles car cela avait un impact direct sur le taux de mortalité des personnes atteintes de la COVID et qui n’ont pu obtenir cela dans les centres publics.

La répression des militant-e-s et l’arrestation de milliers de manifestant-e-s, militant-e-s politiques et associatifs

Pour rappel, les arrestations de manifestants ont commencé dès la démission du président Bouteflika et concomitamment à l’émergence du Hirak. Les autorités ont, par la suite, profité de la suspension des marches pour cause de pandémie pour lancer une vague de répression, qui s’est traduite par des arrestations de personnes à leurs domiciles, alors qu’auparavant les arrestations avaient lieu lors des manifestations.

Il est à noter que les interpellations n’ont jamais cessé, comme d’ailleurs les actes d’intimidation et d’humiliation visant à dissuader les femmes, les familles et les manifestants des autres régions de prendre part aux manifestations qui étaient organisées à Alger.

Ces tentatives visaient à vider le Hirak de :

– sa composante féminine
– son caractère multi générationnel
– son ancrage interclasse
– son étendue nationale
– ses aspects festifs et populaires

Les forces de police ont ainsi gazé le 13 avril 2019 des familles qui participaient à la manifestation au niveau du Tunnel des Facultés à Alger, ce qui engendra un climat de panique suivi de bousculades meurtrières. Malgré l’étouffement, le pire a été évité grâce au civisme et au calme qui ont caractérisé les marches du Hirak. La police aura servi le fallacieux argument de sécurité publique pour créer des goulots d’étranglement, fermant ainsi toutes les places stratégiques et symboliques aux marches populaires (le Tunnel des Facultés et l’Esplanade de la Grande Poste).

Le même jour, à savoir le 13 avril 2019, cinq jeunes femmes, militantes appartenant à l’association RAJ et au parti MDS, furent interpellées avant le début même de la manifestation. Conduites dans un commissariat situé à 30 Kilomètres d’Alger, au lieu-dit Baraki, elles ont été retenues toute la journée jusqu’au soir, dénudées et humiliées à l’intérieur des locaux de la police.

Les arrestations en masse débutèrent le 21 juin 2019 et se poursuivent à ce jour. Des centaines de citoyens sont encore détenus pour avoir simplement exprimé une opinion, participé à une marche pacifique, informé en tant que journaliste ou mené une activité politique pacifique. Et c’est à partir de cette date que débutèrent les premières arrestations et incarcérations arbitraires au motif de : port du drapeau Amazigh.

Des interpellations s’opéraient dans les rues et visaient toute personne portant les couleurs du drapeau Amazigh avant de s’en prendre même aux porteurs de l’emblème national.

Pour casser la dynamique des manifestations et empêcher les manifestants des autres régions de grossir les rangs des manifestants à Alger, les autorités décrétèrent la fermeture, à partir du jeudi soir et jusqu’au vendredi soir, de tous les axes routiers conduisant à la capitale. Dans la foulée, cinq jeunes d’Alger centre fabriquant des pins, ont été arrêtés et mis sous mandat de dépôt pendant des mois avant d’être jugés et condamnés.

L’isolement des manifestants a été accentué par la coupure d’internet chaque Vendredi afin de bloquer la circulation des informations car la presse libre vivait une terrible censure qui l’empêchait/l’empêche de faire son travail.

Des informations fiables et largement corroborées font état de milliers d’arrestations effectuées par les services de sécurité algériens dès le début du Hirak. Depuis le mois de juin 2019 (7450 arrestations ont été comptabilisées de façon précise depuis le 22 février 2021 à ce jour par une source militante fiable). Ces arrestations n’ont jamais cessé, survenant par vagues, parfois massives, de plusieurs dizaines en une seule journée, après de courtes périodes d’accalmie.

Parmi ces nombreux citoyens arrêtés depuis juin 2019, deux mille au moins (1153 d’après le décompte fait depuis février 2021) ont été présentés devant les procureurs de la République, aboutissant à de rares relaxes, plusieurs poursuites à l’encontre de citoyens soumis aux contrôles judiciaires et à de nombreuses détentions provisoires, alors même qu’il ne s’agit que d’une mesure d’exception selon le Code de procédure pénale.

Cela sans faire cas des détenus non-comptabilisés parce que non pris en charge par le collectif des avocats du Hirak. Nombreux sont ceux qui ne se déclarent pas, par crainte d’éventuelles représailles et de pressions exercées sur eux et sur leurs familles ou qui vivent dans des régions isolées.

D’après un premier décompte, au moins un millier (1004) de détentions provisoires ont été ordonnées par des juges d’instruction depuis 2019 (652 selon le décompte effectué depuis la reprise du Hirak en février 2021).

Depuis deux ans, une moyenne de 300 détenus est maintenue en permanence dans les établissements pénitentiaires de tout le pays avec une concentration carcérale plus importante dans les wilayas/ départements du centre.

De nombreux prisonniers sont en détention provisoire avec des durées prolongées, en attente d’être jugés (certains depuis 2020) motivant ainsi des grèves de la faim itératives. D’autres détenus purgent des peines d’emprisonnement prononcées dans des parodies de justice rendant des verdicts sans liens avérés avec les accusations prononcées et avec des dossiers souvent vides. (Des détentions provisoires, arbitraires sont prolongées et les jugements reportés sine die)

L’évolution du nombre de détenus, montre qu’après une forte répression lors des six derniers mois de 2019, à l’origine de l’emprisonnement de 182 citoyens, une diminution globale du nombre d’arrestations est notée pour l’année 2020 (170 incarcérations au total), à la suite de la suspension du Hirak en raison de l’épidémie et du confinement institué.

2021 : Les tentatives de reprise du Hirak versus l’escalade de la répression

À partir de février 2021, les tentatives de reprise du Hirak eurent pour conséquence une forte hausse du niveau de répression. Le bilan de cette année est très lourd : 502 détenus au moins sont arrêtés pour une part conséquente en Kabylie, pour avoir, entre autres raisons, poursuivi le mouvement. La population de cette région fait face à de dures épreuves engendrées par l’épidémie et les incendies meurtriers survenus durant l’été 2021. La forte répression qui s’y est abattue, est venue s’additionner à cette situation en ciblant :

  • des militants du MAK
  • des militants sans aucune appartenance politique revendiquée
  • des militants qui font la promotion de la langue et culture Amazigh sans étiquette politique

Dans les autres régions du pays ce fût l’accusation d’appartenance à RACHAD un mouvement politique qui a été déclaré terroriste, avec le MAK, sans aucune forme de procès puisque ce fût le haut conseil de sécurité qui dressât cette liste alors que la constitution stipule que cette instance n’est qu’une instance de consultation placée auprès de la présidence de la république.

Tous ces chiffres, globalement 1000 détenus suite à 10 000 arrestations, sont certainement à majorer car la collecte des données auprès des avocats et des familles par des militants auxquels il faut rendre hommage, est particulièrement difficile. Il est à noter également que plusieurs victimes de la répression arbitraire ne sont pas signalées ou souhaitent garder l’anonymat

Les lois liberticides : l’article 87 Bis du Code pénale

Ces détenus d’opinion sont utilisés par les autorités pour maintenir une pression et instaurer un climat de terreur afin de réduire au silence la population. A cet effet, une série de lois liberticides passées par ordonnance et certaines, comme l’article 87 Bis du Code pénale (Ordonnance n° 21-08 du 8 juin 2021, JORA n° 45 du 9 juin 2021, pp. 6-7), sont à l’initiative d’un organisme consultatif. Il s’agit d’un article qui incrimine et qualifie tout acte politique, associatif, syndical critiques, comme la contestation et l’exercice de la citoyenneté, d’entreprise terroriste. Des dizaines de détenus, de militants des Droits Humains, des journalistes, des universitaires, des étudiants, et des activistes sont poursuivis sur la base de cet article. Même l’acte de solidarité et d’entraide fait notamment envers les familles des détenus, est criminalisé, qualifié d’entreprise terroriste.

Privés d’un ou de plusieurs membres productifs, les protagonistes souvent soutiens de famille et seuls pourvoyeurs de moyens de survie, nombre de familles de détenus sont précipitées dans la pire des précarités.

Il y a lieu de mentionner que l’article 87 bis, est appliqué avec un effet rétroactif. Quand il était déjà en discussion, une cabale a été montée contre un étudiant, Walid NEKKICHE, l’accusant d’être un militant du MAK (Mouvement Autonomiste Kabyle) un mouvement politique pacifique. Cette cabale visait à lui faire avouer sous la torture qu’il prenait en photo la position de la police en action afin de commettre des attentats le jour du scrutin présidentiel, à savoir le 12 décembre 2019. Il fut arrêté le 26 novembre 2019 avant même le début de la marche des étudiants et conduit aux commissariats de police de secteurs, celui de Bab-El-Oued et de Bainem, à Alger. Il sera transféré à la caserne de DGSI (Direction Générale de la Sécurité Intérieure), dit Antar, situé à Ben Aknoun, dans la banlieue d’Alger. Il passera six jours entre les mains des militaires de la DGSI, qui lui feront subir des supplices atroces et des actes de tortures, dont le viol. À sa présentation, le 2 décembre 2019 devant le procureur et le juge d’instruction, Il leur confia ce qu’il avait subi comme sévices. Rien n’a été fait et un mandat de dépôt fut prononcé à son encontre sans la présence d’un avocat ou de sa famille, qui d’ailleurs, ignorait son lieu de détention et le cherchait partout, avant d’apprendre un mois après par le biais de la famille d’un autre détenu, qu’il était en détention à la prison
d’El-Harrach.

Lors de sa deuxième audition, en mars 2020, il fut assisté par deux avocates qui ont demandé une expertise médicale, mais en dépit de tout bon sens, elle a été rejetée par le juge d’instruction. Le 23 juillet 2020, une plainte déposée pour torture, reste depuis sans suite. Après quatorze mois de détention provisoire, il fut présenté le 1er février 2021 à la cour criminelle où le procureur requit la réclusion à perpétuité. Il fut finalement condamné à une peine réduite à six mois de prison ferme et libéré après avoir déclaré devant la cour qu’il avait été violé et torturé. Le parquet s’autosaisit en annonçant l’ouverture d’une enquête, laquelle au demeurant n’a toujours pas abouti.

Walid NEKKICHE, faut-il le rappeler, n’est pas l’unique détenu à avoir subi des actes de tortures et des violences sexuelles. Très rares sont ceux qui font des aveux publics, cela est surtout vrai pour les femmes qui sous la pression sociale sont réduites au silence.

Même les plaintes déposées pour harcèlement sexuel n’aboutissent à aucun résultat ou condamnation.

(https://m.facebook.com/story.php?story_fbid=154064183957171& id=100080607692502).

La fin du mois d’Août a vu l’avocat Maitre BELAHRACH Zakaria déclarer que son client a été torturé et a subi lui aussi l’utilisation des violences sexuelles sans qu’aucune instance n’ait tenté de le protéger

(https://m.facebook.com/story.php?story_fbid=806024137501094&id=100042805452919&sfnsn=mo&extid=71jzmv)

Les détenues face à l’arbitraire

Cinq femmes se trouvent aujourd’hui en prison à Kolea, dans la wilaya de Tipaza :

  • Moufida KHERCHI
  • Fatima BOUDOUDA
  • Fatiha DAOUDI
  • Rima ZAIDI
  • Kamira NAIT SID

Leur détention provisoire a dépassé actuellement une année et elles sont toujours en attente de leur jugement. Elles sont poursuivies dans des dossiers différents et sur la base de l’article 87 bis du Code pénal. À l’exception de Moufida KHERCHI, les quatre autres ont été acheminées des wilayas (départements) de l’intérieur, d’Annaba et de Guelma par exemple, situées à des centaines de kilomètres de leurs lieux de résidence. Fatiha DAOUDI et Kamira NAIT SID, souffrent de pathologies nécessitant leurs prises en charge à l’extérieur, mais les juges ont rejeté leur demande de liberté conditionnelle.

La plus jeune, Moufida KHERCHI, est emprisonnée et poursuivie en raison de graves accusations. En réalité, elle n’a fait qu’héberger chez elle, Fatiha DAOUDI en visite à Alger pour quelques jours.

La dernière grâce présidentielle décrétée à la vielle du 5 juillet 2022, fête de l’indépendance, a été accordée à tous les détenus de droit commun et parmi eux certains qui ont été reçus à l’examen du Baccalauréat. Cette grâce n’a pourtant pas concernée Moufida KHERCHI, brillante lauréate de l’examen du Baccalauréat qui l’a préparé et obtenu pendant cette année de détention toujours en cours ( 2022). Il en est de même pour Kacem Said emprisonné à Oran ou MOHAD Gasmi emprisonné à Adrar, eux aussi ayant été reçus à l’examen du Baccalauréat.

Depuis le début du Hirak, le 22 février 2019, quinze femmes ont connu la détention et plus d’une centaine, parmi elles des enseignantes universitaires, des syndicalistes, des étudiantes et des journalistes, ont été/sont poursuivies en justice et maintenues, pour certaines sous contrôle judiciaire. Plus de 500 femmes sont interpellées, conduites dans les locaux des services de sécurité et soumises à des interrogatoires.

La Liberté d’expression et la liberté de la presse

La majorité des détenus est poursuivie en raison de publications critiquant le pouvoir sur les réseaux sociaux. Et parfois un simple Like pour une publication peut conduire à la prison sur la base d’accusations non fondées, imaginaires imputées d’une manière arbitraire. L’accusation va de l’atteinte à la personne du président de la République, et à l’unité nationale jusqu’à la subversion terroriste ou tout simplement l’atteinte au moral de l’armée.

Toute voix discordante qui émet des critiques à l’endroit de la politique du gouvernement, est réprimée. Les médias sont verrouillés et l’espace public est interdit à toute expression. Ceux qui sont identifiés comme des activistes du Hirak sont harcelés et arrêtés.

Bien que la loi stipule que l’emprisonnement d’un journaliste pour ses écrits est interdit, les autorités utilisent des accusations infondées pour le faire.

Les nombreuses chaines de télévision, celles appartenant à l’État ou au secteur privé, diffusent un programme similaire, visant à la glorification du régime et de ses réalisations supposées. Il va de soi qu’aucune critique à l’endroit des dirigeants n’est tolérée.

La presse et l’accès conditionné à la publicité.

Privés de publicité, les journaux notamment francophones ferment ou peinent à résister. Ils sont poussés à déposer le bilan pour les réduire au silence. Les plus grands journaux francophones sont soumis à rudes épreuves : le journal Liberté a fermé et El Watan ne tardera pas à subir le même sort.

L’ANEP: le monopole de la publicité et de sa distribution ou la disparition programmée des quotidiens nationaux «gênants»

C’est l’ANEP (l’Agence Nationale d’Edition et de Publicité), une entreprise gouvernementale (étatique) dont le directeur est nommé par décret présidentiel qui détient le monopole de la publicité et de sa distribution. L’agence répartit l’offre publicitaire au profit de celle dont la ligne éditoriale est en faveur du régime. Ce sont les services de sécurité, souvent représentés par des agents dont les fonctions sont sécuritaires : militaires ou police politique, qui supervisent cette distribution.

L’’accès à la publicité source financière indispensable pour la survie d’un média, est ainsi instrumentalisée pour décider du maintien ou pas d’un média/quotidien. Soumis à ces formes d’allégeance au régime, des quotidiens nationaux subissent l’asphyxie financière et tendent, les uns après les autres, à disparaître du champ médiatique pour ne laisser place qu’à une presse et des médias acquis à l’orientation politique actuelle.

Les tentatives de musellement de la presse en ligne

La presse électronique et/ou en ligne n’est pas en reste. Elle subit à son tour le même sort et les mêmes assauts de musellement que la presse écrite traditionnelle. Il a été imposé aux journaux électroniques le label Dz.com, attribué uniquement à ceux dont la lignée éditoriale est acquise à la politique gouvernementale (décret exécutif n° 20-332 du 22 novembre 2020, JORA n° 70 du 25 nov. 2020, pp. 12-17). Tous les autres sites qui ne sont pas titulaires du label, qu’ils soient hébergés en Algérie ou à l’étranger, sont brouillés et inaccessibles dans le pays. Pour pouvoir accéder à ces sites, il faut recourir à diverses manœuvres y compris quand on passe par des réseaux VPN.

Même l’attribution des agréments à des boites de communication a été gelée.

La détention et la condamnation de journalistes et de Nabil MELLAH : soutien financier de RadioM

Seuls radio en ligne et journal électronique qui résistent encore, appartiennent au groupe Radio M et MaghrebEmergent. Ils sont néanmoins, soumis au harcèlement policier et judiciaire. Après avoir connu une année de préventive, Nabil Mellah (principal soutien financier du média), subit une parodie de procès le jetant dans un abime judiciaire, il a été condamné à trois années fermes.

A la suite d’une plainte de l’ex-ministre de la communication à propos d’une analyse jugée inappropriée, le journaliste KADI IHSANE, a été condamné en juillet 2020 à six mois de prison ferme. Un des journalistes de Radio M, Khaled DRARENI, correspondant également de Reporters Sans Frontières (RSF) et collaborateur de la chaine française TV5, passera plus de quatorze mois en détention provisoire avant d’être libéré. Il fut finalement condamné à deux ans de prison ferme, avant que la Cour Suprême ne casse son arrêt de condamnation et ne renvoie l’affaire devant la cour d’Alger qui a confirmé la condamnation, puis a revu la peine à six mois de prison avec sursis. Sa collègue, la journaliste Kenza KHATOU, fut maintenue cinq jours en garde-à-vue avant d’être présentée sous la procédure d’urgence à la justice pour être condamnée à un mois de prison avec sursis.

Il y a actuellement deux journalistes en prison, en l’occurrence Mohamed MOULOUDJ et Hassen BOURAS. Ils sont poursuivis dans deux affaires distinctes sur la base de l’article 87bis du code pénal. Hassen BOURAS est membre de la Ligue des Droits de l’Homme. Comme le sont d’ailleurs les deux journalistes, Said BOUDOUR(soumis au contrôle judiciaire depuis avril 2021)et Jamila LOUKIL(en liberté provisoire), qui sont poursuivis sur la base de l’article 87 Bis du code pénal pour leur travail et en tant que défenseurs des Droits Humains.

Depuis le début du Hirak, 13 journalistes ont été emprisonnés et plus d’une vingtaine sont poursuivis dans des affaires différentes, toutes liées à l’exercice de leur travail de journalistes, tandis que d’autres ont été contraints à l’exil.

L’extension de la répression de la liberté d’association et d’organisation, y compris aux partis politiques agréés.

Nous assistons à une remise en cause des acquis de l’ouverture démocratique d’octobre 1988 ainsi qu’à un retour à la situation du parti unique, aux pires moments de son histoire. Cette situation se traduit par l’emprisonnement des chefs de partis et des responsables d’associations qui ne s’inscrivent pas dans la ligne politique gouvernementale actuelle. Des dossiers sont montés à l’encontre de ces partis et associations afin de les dissoudre et de les interdire.

Même si le régime met en avant, une avancée sur le plan constitutionnel : autrement dit le fait de rendre (uniquement) déclarative l’organisation des manifestations publiques, la révision constitutionnelle prévoit néanmoins que la législation en vigueur reste en place jusqu’à la transposition de la nouvelle législation, dans un «délai raisonnable» qui n’est pas défini (art. 225)

Dans les faits, aucune manifestation ou réunion n’est tolérée. Même les réunions organiques, internes aux partis, sont interdites. Des partis sont harcelés, inquiétés et menacés de dissolution (pour le seul fait de recevoir des citoyens ou des activistes au sein de leur siège).

Rachid NEKKAZ, activiste et chef d’un nouveau parti a respecté toutes les procédures en déposant auprès des autorités compétentes une déclaration d’organisation d’un sit-in devant la prison de Chlef, au centre ouest du pays, pour dénoncer les conditions carcérales ayant conduit à la mort de plusieurs détenus, dont le hirakiste Hakim DEBBAZI, à la prison de Koléa, près d’Alger. Il fut arrêté, ainsi que son avocat et son infirmier, et conduit au commissariat avant d’être présenté au procureur puis devant le juge d’instruction, qui décida de les mettre tous les trois sous mandat de dépôt. Après 4 mois de détention provisoire, ils furent jugés et condamnés :

  • Rachid NEKKAZ à un an de prison ferme
  • Son avocat et son infirmier, à six mois de prison avec sursis.

Il y a lieu de rappeler que Rachid NEKKAZ, avait préalablement passé plus d’un an en détention provisoire, avant de bénéficier d’une liberté conditionnelle.

Les partis politiques, personnalités et associations, rassemblées dans l’alliance Pacte d’Alternative Démocratique (PAD), opposé au régime, sont harcelés, intimidés et menacés de dissolution, isolément. Les partis, tel le Rassemblement pour la Culture et la Démocratie (RCD) et le Mouvement Démocratique et Social (MDS), sont mis en demeure pour avoir convié les membres de l’alliance, dont ils font partie, à des réunions au sein de leurs locaux. Fethi GHARES, coordinateur du MDS, fut condamné à huit mois de prison ferme après avoir passé presque un an en détention provisoire. Il a été poursuivi pour une déclaration faite en tant que responsable du parti à l’intérieur même des locaux du parti. Le Parti Socialiste des Travailleurs (PST), un autre membre du PAD, a été suspendu d’une manière arbitraire par le ministère de l’Intérieur. Des menaces pèsent sur le MDS et l’Union pour le Changement et le Progrès (l’UCP), le parti de Maître Zoubida ASSOUL.

Karim TABOU, secrétaire général d’un parti non-agréé, a été arrêté à plusieurs reprises. Il a été victime de violences au sein de la caserne Antar, perpétrées par les services de la Direction Générale de la sécurité Intérieure (DGSI-militaire). Il a été emprisonné pendant de longs mois avant de bénéficier de la liberté provisoire.

L’intellectuel et activiste, Fodil BOUMALA, a lui aussi subi des situations similaires. Il est toujours sous le coup de poursuites judiciaires.

Il faut signaler que toutes les associations ayant soutenu le Hirak, sont soumises à une étroite surveillance. Non seulement elles sont interdites d’activités, mais leurs membres sont de surcroît poursuivis et emprisonnés. L’accusation du parquet invoquant des financements étrangers est le plus imparable des arguments. Nombre d’associations et parmi elles l’une des plus anciennes (1988) et active –RAJ- a été purement et simplement dissoute. Son président, Abdelwahab Fersaoui a été arrêté le 10 octobre 2019 et condamné à un an de prison ferme.

L’association SOS Bab El Oued, qui assure du soutien scolaire et une initiation à l’utilisation de l’outil informatique aux enfants des quartiers populaires, a été également dissoute après l’emprisonnement de ses cadres et de son président, Nacer MEGHNINE libéré en novembre 2021 après avoir purgé une peine d’un an de prison.

Un sort particulier est réservé à la LADDH dont plusieurs de ses membres sont soit incarcérés, soit sous contrôle judiciaire ou en liberté provisoire. Il semble que le nouveau subterfuge utilisé par les autorités consiste à refuser les dossiers déposés par les associations ayant tenu leur assemblée générale de conformité comme prévu par la loi, même si ces dossiers sont déposés par un huissier de justice ; il est tenu de les envoyer par voie postale (ces tracasseries bureaucratiques sont vécues par plusieurs associations).

Cela permet aux autorités d’invoquer l’argument du non renouvellement de l’agrément « gestion d’une organisation non agréée » comme une accusation qui a été utilisée contre Faleh HAMMOUDI de la section de Tlemcen de la LADDH.

La répression et l’emprisonnement des Défenseurs des Droits Humains sur la base de l’article 87 Bis.

Le 24 août 2022, Kadour CHOUICHA a été interdit de sortie à l’aéroport d’Oran, alors qu’il était en compagnie de son épouse Jamila LOUKIL, journaliste et membre de la Ligue des Droits de l’Homme qui devait se rendre à Genève pour prendre la parole lors de la pré-session de l’Examen périodique Universel (EPU) sur l’Algérie.

Kadour CHOUICHA est vice-président de la Ligue de Défense des Droits de l’Homme (LADDH) et coordinateur national du Syndicat des enseignants du supérieur Solidaires (SESS).

Lui et son épouse sont poursuivis depuis presque deux ans sur la base de l’article 87 bis du Code pénal (arrêté, Il a été depuis relâché).

Hassan BOURAS journaliste et défenseur des Droits Humains est en prison, en détention provisoire, depuis presque un an pour ses activités de défense des droits humains. Il est poursuivi également sur la base de l’article 87bis du Code pénal.

Faleh HAMOUDI, le président du bureau de la Ligue des Droits de l’Homme à Tlemcen, a été condamné trois ans de prison ferme avant d’être gracié et mis en liberté provisoire le 5 juillet 2022 puis condamné à une année de prison ferme avec sursis et assorti d’une amende.

Les avocats et notamment les membres bénévoles du collectif de défense des détenus du Hirak sont persécutés, intimidés, harcelés et même emprisonnés.

Après avoir purgé une peine d’un an de prison ferme, l’avocat Abderaouf ARSELANE a été libéré le 14 juin 2022. Il a passé plus d’une année en détention provisoire. L’avocat CHOHRA accompagnant l’activiste Rachid NEKKAZ a été arrêté et mis en détention provisoire pendant quatre mois avant d’être jugé et condamné à six mois de prison avec sursis. A la suite d’une déclaration dans laquelle il a réagi à leur emprisonnement son confrère, Yacine KHELIFI, a subi le même sort Il a été mis sous mandat de dépôt avant sa condamnation à six mois de prison avec sursis. A l’ouest du pays d’autres avocats du Hirak ont été suspendus par le bâtonnat avant d’être rétablis dans leurs droits.

Des conditions carcérales inhumaines : la double/triple peine des détenus d’opinion.

Malgré les risques sur la population carcérale en période de pandémie faut-il le souligner, les détenus d’opinion sont soumis, dans certains cas, à des conditions différentes de celles des autres prisonniers. A titre d’exemple, 15 000 prisonniers de droits communs ont été graciés le 5 juillet 2022.

Le 18 janvier 2022, plusieurs détenus d’opinion dans différentes prisons, ont entamé une grève de la faim pour protester contre leurs conditions d’incarcérations et les retards dans le traitement de leurs dossiers.

L’administration carcérale n’a pas appliqué la loi afférente à un tel mouvement en refusant de recevoir la déclaration de la grève des détenus. Après avoir nié l’existence de cette grève, le parquet a décidé de transférer et de répartir les détenus dans d’autres prisons comme mesures de représailles. Faisant fi de la loi en vigueur, ils seront transférés dans des prisons situées à des dizaines de kilomètres des lieux de résidence de leurs familles sans en avertir ni les familles des détenus ni leurs avocats qui apprennent cela en allant leur rendre visite.

Vingt-cinq détenus d’opinion viennent d’entamer ( lundi 12 septembre) une grève de la faim

Les détenus d’opinion sont victimes de :
– l’interpellation, arrestation et condamnation de personnes pour leur activité professionnelle ou militante qui sont en principe, non délictuelle (exemple des journalistes)
– la récurrence de l’article 87bis comme motif de condamnation et de criminalisation de l’activité professionnelle de certains et l’activité militante d’autres.
– le contenu de leur dossier (souvent vide de preuves au regard des accusations lourdes portées à leur encontre) comme le rapporte certains avocats.
– la lenteur du système judicaire dans le traitement de leurs dossiers
– le prolongement de leur détention provisoire
– le harcèlement judicaire
– le non-respect des principes juridiques qui régissent les procédures de justice (présentation de certains détenus devant le juge en l’absence de leur avocat, absence d’information des familles concernant le lieu de détention des leurs…)
– leur emprisonnement dans des prisons éloignées de leur lieu de résidence comme mesure disciplinaire
– leur soumission à de mauvais traitements, des violences, des humiliations dont des violences à caractère sexuel pour certains
– l’isolement cellulaire imposé à d’autres
– les entraves à l’accès aux soins
– la mise en danger de la santé des détenus (rejet de demande de liberté conditionnelle pour des détenus malades)
– leur exclusion de la grâce présidentielle
– Refus de les autoriser à prendre part aux funérailles d’un membre de leur famille. Un des détenus a vu ses trois filles décédées en même temps et n’a pu, participer à l’enterrement.

Les conditions décrites ci-dessus, concourent à la déshumanisation des détenus. Leur traitement discriminant ; est ressenti comme une double voire triple peine.

Conclusion

Pour conclure, nous affirmons que la trêve observée lors de la pandémie et de la crise sanitaire, a été pour le régime, l’occasion rêvée pour promulguer des lois liberticides et attentatoires aux libertés élémentaires des citoyens. Il s’agit de lois confuses et abusives qui peuvent être interprétées selon le bon vouloir de l’exécutif et qui sont dès lors, contraires à l’application du principe de l’égalité des délits et des peines.

C’est dans ce contexte que l’article 87 Bis du Code pénal fut promulgué. Il incrimine l’action politique, la contestation et l’opposition qu’il assimile à des entreprises de subversion et de terrorisme. C’est à ce titre, un dispositif juridique de répression que certains juristes qualifient de loi «élastique » comportant en son sein des contours flous qui ouvrent la porte aux abus..

Au début avril 2021, le Haut Conseil de Sécurité, une instance consultative, a désigné deux entités, peu représentatives (et dont une est opposée au Hirak) les qualifiant d’organisations terroristes. C’est par une ordonnance présidentielle, sans passer par la voie législative et sans débats, que fut promulgué l’article de loi intitulé le 87 Bis. Les arrestations se sont multipliées à la faveur de cette loi affectant des dizaines de citoyens, des universitaires, des activistes, des animateurs associatifs et des réseaux de soutien aux familles des détenus. La solidarité et l’entraide qui n’émanent pas du régime et de ses canaux, sont qualifiées d’entreprise terroriste. Même les Algériens résidant à l’étranger et ou les binationaux (le cas de Lazhar ZOUAIMIA, ressortissant Algéro-Canadien et plusieurs autres cas de personnes établies au Canada ou en France) en visite au pays, sont interpellés à l’aéroport, à leur arrivée ou au moment de leur départ, pour être arrêtés et poursuivies par de telles accusations.

C’est un climat de terreur où les services de sécurité (Police Judicaire appartenant au corps de la police et de l’armée) fabriquent des dossiers et montent des scénarios pour dicter ses conclusions à une justice inféodée au régime et qui rend des décisions politiques.

Il est clair que la réponse répressive des autorités algériennes au mouvement du Hirak, est injustifiable au regard du caractère pacifique, exemplaire du mouvement populaire qui a agrégé des millions d’Algériens autour de ses revendications politiques et pacifiques. La violence provient incontestablement du pouvoir et la solidarité internationale doit prévaloir pour mettre fin à ces graves violations des droits humains.

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