Rabat, 10 décembre 2021/2971
Chakib BENMOUSSA, Ministre de l’Education Nationale et de Préscolaire du Royaume du Maroc
Objet: comment assurer un meilleur départ pour l’éducation de la petite enfance au Maroc ?
Aujourd’hui et à l’occasion de la 73ème anniversaire de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, nous profitons de cette occasion pour appeler votre attention sur les articles 7 et 8 de la Convention internationale des droits de l’enfant.
Déjà l’UNESCO s’est engagée auprès du votre ministère de l’Éducation nationale, le 29 juin dernier sur l’éducation de la petite enfance en jetant les bases de l’apprentissage et du bien-être des enfants, et qui pourraient construire des sociétés plus égales et inclusives, et en offrant aux enfants exclus et défavorisés un solide fondement en vue de leur apprentissage tout au long de la vie.
Durant la 41e Conférence générale de l’Unesco, qui avait réuni des Chefs d’État et de gouvernement et plus de quarante ministres de l’Éducation, ainsi que des représentants d’ONG internationales les 9 et 10 novembre, vous avez déclaré que: «le Maroc, dans le cadre de son nouveau modèle de développement, la priorité qu’il convient d’accorder à ce secteur et aux réformes urgentes qu’il convient de mener pour instaurer une nouvelle école inclusive, basée sur les principes de l’équité, de l’égalité des chances et de la qualité pour tous», et vous avez promis une augmentation du budget consacré à l’éducation nationale entre 2021 et 2022 de plus de 6%, s’élèvent à 62,45 milliards de dirhams (MMDH). Laissez-moi vous avancez que les résultats attendus pour la petite enfance au Royaume du Maroc ne seront malheureusement pas du tout positifs ni encourageants.
Pourquoi ?
Comme je l’avais signalé en novembre 2019 aux responsables de la Banque Mondiale pour le Maghreb et du Maroc, les considérations linguistiques, totalement ignorés de la Déclaration et appel à l’action de Casablanca sur la qualité de l’éducation de la petite enfance et la professionnalisation des enseignants et des éducateurs, sont essentielles dans l’enseignement, et plus particulièrement pour la petite enfance. (https://amadalamazigh.press.ma/fr/rachid-raha-repond-a-la-banque-mondiale-et-insiste-sur-le-role-de-la-langue-maternelle-pour-sauver-la-petite-enfance-au-maroc/).
De ce fait, le linguiste français Alain BENTOLILA, l’avait bien souligné lors de sa présentation inaugurale du 15 novembre 2019 à Paris à la Conférence des ministres des Etats et gouvernements de la Francophonie, -dont fait parfaitement partie le Maroc-, que les systèmes éducatifs de certains pays, aussi coûteux qu’ils soient, sont devenus des machines à fabriquer de l’analphabétisme et de l’échec scolaire parce qu’ils n’ont jamais su (ou voulu) résoudre la question qui les détruit : celle du choix de la langue d’enseignement. Ils conduisent des élèves à des échecs cruels parce que l’école les a accueillis dans une langue que leurs mères ne leur ont pas apprise et c’est pour un enfant une violence intolérable et que sur la base solide de leur langue maternelle qu’on leur donnera une chance d’accéder à la lecture et à l’écriture et que l’on pourra ensuite construire un apprentissage ambitieux des langues officielles.
Effectivement, vous venez de reconnaitre vous-même que 70% des élèves de 15 ans ne maitrisent pas les bases de l’écriture, de la lecture et des mathématiques alors que plus de 95% des élèves qui ont eu la chance de suivre leurs études au sein des écoles communautaires rurales de Merdersat.Com de la Fondation BMCE BANK OF AFRICA arrive à bien maitriser leurs facultés d’écriture et de lecture ! Pourquoi faudrait-il généraliser l’exemple extraordinaire du préscolaire des Medersat.com dans toutes les écoles publiques, sachant que l’éducation est un droit fondamental et un bien public et que la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant de 1989, affirme que les enfants ont droit à l’éducation dès la petite enfance et que l’article 8 stipule que: «Les États parties s’engagent à respecter le droit de l’enfant de préserver son identité, y compris sa nationalité, son nom et ses relations familiales, tels qu’ils sont reconnus par la loi, sans ingérence illégale».
Le succès des écoles Medersat.com dans notre pays africain qu’est le Maroc, et à laquelle nous vous invitons de s’y rendre visite le plutôt possible, revient en fait et simplement au fait qu’elles respectent et qu’elles ont intégré dans le curricula scolaire la langue maternelle, comme il le recommande incessamment l’UNESCO (https://amadalamazigh.press.ma/fr/lama-interpelle-lunesco-sur-limportance-de-la-langue-maternelle-dans-la-resolution-de-la-problematique-de-leducation-au-maroc-et-dans-les-pays-de-tamazgha/).
Dans ce sens, nous tenons à féliciter vivement la Banque Mondiale d’avoir penché sur cette question au mois du juillet dernier et qu’il publie un rapport où il déclare qu’il est essentiel de fournir aux enfants une instruction dans la langue qu’ils parlent au foyer pour éliminer la pauvreté des apprentissages (www.banquemondiale.org/fr/news/press-release/2021/07/14/teaching-young-children-in-the-language-they-speak-at-home-is-essential-to-eliminate-learning-poverty).
En définitive, si vous voulez, Monsieur Le Ministre, que votre ambitieux programme gouvernemental de l’éducation pour la petite enfance ne soit pas condamné à l’échec et qu’il ait des résultats favorables et, par conséquent, réalise des progrès significatifs afin d’apporter de vraies solutions à la crise de l’école, l’enseignement du préscolaire et de cycle primaire devrait incontestablement se baser sur les langues autochtones et maternelles, en l’occurrence sur la langue amazighe, qui s’inscrit dans le cadre de la «Décennie internationale des langues autochtones 2022-2032», et en parfait respect de la loi organique n° 26.16, concernant la mise en œuvre du caractère officiel de la langue amazighe.
Veuillez agréer, Monsieur Le ministre, l’expression de mes salutations distinguées.
Rachid RAHA, Président de l’Assemblée Mondiale Amazighe