Appel au peuple nigérien, à sa classe politique, à ses autorités coutumières et religieuses

Depuis quelques mois, la situation sécuritaire au Niger se dégrade à un rythme angoissant pour l’ensemble de nos concitoyens. Les attaques, les assassinats et les enlèvements tendent à se généraliser à l’ensemble du territoire national. Nous voyons apparaître les mêmes modes opératoires observés dans les pays voisins. Ainsi nous avons collectivement péché par un excès de confiance en imaginant que nous pouvions être durablement à l’abri des velléités destructrices des groupes armés qui sèment la désolation dans la sous-région. A présent, le gouvernement se doit de changer sa stratégie et prendre davantage la mesure des menaces qui guettent le pays et qui risquent de mettre à mal sa cohésion voire son existence.

Afin de hisser notre réponse collective au niveau qu’exige la situation, il nous semble important que les pouvoirs publics articulent leur action autour des trois points essentiels que devrait comporter cette nouvelle stratégie sécuritaire :

1 – Associer les populations à travers des dispositifs sécuritaires régionaux incluant toutes les autorités locales. Cela permettrait de réduire les risques de création de groupes d’autodéfense. En effet, devant les insuffisances de l’Etat en la matière, les populations pourraient être tentées de s’organiser pour assurer leur propre sécurité. Si cette tendance devait apparaitre, la situation risquerait d’échapper à tout contrôle et cela constituerait une menace certaine pour la cohésion du pays. En outre, l’État devrait se garder, en toute circonstance, de donner l’impression de s’appuyer sur une communauté particulière dans la gestion des situations politiques et sécuritaires. Nous avons vu les complications auxquelles pourraient amener un positionnement trop ambigu de l’Etat dans certaines régions des pays voisins. La construction de notre pays se fera par le respect de la diversité identitaire des communautés qui composent sa population. La communauté de destin suppose une unité toujours affirmée autour d’un objectif et des valeurs cardinales qui font la cohésion de notre peuple.

2 – Eviter toute stigmatisation de communautés dans la lutte contre l’insécurité. La stigmatisation finit toujours par créer le phénomène qu’elle pense dénoncer. L’Etat se doit de veiller au respect du débat citoyen qui ne devrait souffrir d’aucun amalgame pouvant affaiblir notre capacité à affronter l’adversité et les menaces qui se précisent aujourd’hui.

3 – Nous interpellons le Président de la République, Chef de l’Etat, garant de la stabilité du pays et de ses institutions, afin qu’il trace des lignes directrices et qu’il édicte un code éthique susceptibles de nourrir le vivre ensemble entre les communautés et entre les citoyens. Dans cette période trouble pour le pays, il lui revient de créer les conditions d’un apaisement de la vie politique. Cela pourrait se traduire par des mesures d’ouverture qui transcendent les clivages et dont l’objet est de placer l’intérêt du pays au-dessus de toute autre considération.

Parce que l’Histoire est en embuscade et nous guette, aucun Nigérien responsable et averti sur le contexte actuel, ne devrait s’offusquer d’un autoritarisme éclairé dès lors qu’une certaine confiance est instaurée. Dans des circonstances exceptionnelles le premier responsable de l’État devrait disposer de la marge nécessaire à l’efficacité de son action pour éviter au pays de sombrer dans le chaos. Pour cela il est impératif que la légitimité de cette posture émane des profondeurs du pays par une consultation et une association assumée des pouvoirs coutumiers et religieux. En effet aussi fâcheux que cela puisse être, la classe politique souffre trop d’un discrédit lié à des pratiques politiciennes qui ont fini par brouiller le sens même de la démocratie et du rôle que devraient y jouer les partis politiques.

Le réalisme commande, dans des situations de crise, de faire appel aux fondamentaux qui constituent encore le socle du tissu national. Sous-estimer cette réalité risquerait de maintenir le pays dans une approche contreproductive qui encouragerait le repli communautaire et compliquerait toutes solutions maîtrisées des difficultés actuelles et à venir.

Par cette contribution nous souhaitons exprimer nos appréhensions par rapport à une situation complexe, dont le dérapage pourrait être suicidaire pour le pays.

M. Abdoulahi ATTAYOUB, consultant

Dr. Abdoulaye HASSANE DIALLO, politologue

Lyon, 30 janvier 2020

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